E PERICOLOSO SPORGERSI

Dans son magnifique roman « Le Guépard », Lampedusa saisit la Sicile en 1860, au moment où elle va basculer. Dominée pendant des siècles par les propriétaires terriens, l’île accueille avec enthousiasme Garibaldi, ses chemises rouges. Et les idées de la révolution française. Le héros du livre, Tancredi, jeune aristo cynique, comprend que pour que sa caste ne soit pas balayée, il n’y a qu’une solution qu’il résume dans cette belle formule: « il faut que tout change pour que tout reste comme avant. »

La Wallonie et la Sicile, unies depuis longtemps par des liens profonds, ont beaucoup de traits en commun : longtemps occupées par les mêmes puissances étrangères, elles ressentent le même besoin d’immobilité, déguisé derrière une fièvre de réformes. Elles tolèrent quelques pratiques mafieuses. Et elles partagent l’amour des félins. Les événements des derniers mois devraient donc inspirer un de ces jours un « Guépard » version wallonne.

Premier épisode : Garibaldi-Lutgen débarque sur les rives du Grognon et chasse par surprise le propriétaire assoupi, Elio-Tancredi, qui occupait les lieux depuis des siècles. L’ancien garde-chasse d’Elio, Lutgen, ne sachant que faire de sa victoire offre le château à un nouveau maître, qui porte bien son nom, Chastel.

Deuxième épisode : Elio-Tancredi, redevenu soldat errant, change son fusil d’épaule. Il se débarrasse de ses signes de noblesse trop apparents, de ses nœuds pap’-paillette, et de quelques courtisans trop voyants pour se déguiser en prolétaire, couteau entre les dents. Prêt à reprendre le château d’assaut à la tête de la populace, y compris s’il le faut avec l’aide de Raoul et de sa bande de sans-culottes. A nous la Bastille, ou plutôt l’Elysette ! Mort au traître !

Une fois le château repris, promet-il, le pouvoir sera exercé par les citoyens – tous, sauf le garde-chasse, enfermé dans un obscur cachot, et Raoul exilé en Flandre.

Entre temps, pour prendre ses ennemis à revers, Tancredi-Elio a poussé son copain Olivier Maingain à empêcher le feu de gagner Bruxelles et de dévorer ses deux autres domaines.

Inspiré du Guépard, ce feuilleton est aussi une histoire de félin. Lutgen en félin faussement patelin, Di Rupo en félin frétillant, Zakia Khattabi en chatte échaudée, Olivier en charivari, Chastel en félin repu.

Mais, avant de sortir leurs griffes, toutes ces bêbêtes feraient bien de méditer sur quelques proverbes célèbres. On ne vend pas un chat dans un sac, cher Benoit. Malgré le bruit et la fureur, il n’y a pas de quoi fouetter un chat, cher Elio. A chat malin, chat malin et demi, cher Olivier.

Et surtout s’inspirer de ce proverbe chinois : « Il est difficile d’attraper un chat noir dans une pièce sombre, surtout quand il n’y est pas. »

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LE BAISER DE LA MORT

Le verdict des médecins est clair : Benoit Lutgen a été atteint d’une affection macronite aigüe, sans doute transmise par un virus venu du sud, aggravée par un redoutable coup de chaleur dû à la canicule. Elle provoque chez le patient une sensation d’étouffement avec des effets secondaires violents: pris de convulsions, le malade s’en prend aux meubles, particulièrement les fauteuils de ministres et tables de négociation. L’entourage reste muet de stupeur. Jadis, il cachait ses malades à l’abri des hauts murs du château. Aujourd’hui, il organise à grand frais des conférences de presse.

Le Larousse médical, d’où est extraite cette description clinique, relève que la macronite est une maladie récente apparue comme d’autres nouveaux virus en ce début chaotique du vingt et unième siècle, tels le trumpisme, la daeshisme, le poutisme ou l’erdoganisme.

A la différence des autres affections caractérisées par la destruction de tous les corps étrangers qui ne lui ressemblent pas, le macronisme est un virus dit avaleur qui absorbe tout ce qui l’entoure, le digère et l’efface. Ses effets rappellent le comportement de la mante religieuse, qui s’approche du mâle, l’apprivoise, l’allure avenante et le regard séducteur, avant de l’étouffer dans une étreinte passionnée mais mortelle. On voit en France, le pays le plus atteint à ce jour, les dégâts considérables de ce mal.

Après avoir frappé la droite et l’extrême droite et la gauche et le centre, Macron, faute d’adversaires à se mettre sous la dent, est obligé de s’en prendre à ses propres troupes, Ferrand, Bayrou. Cette réaction est absurde, elle l’affaiblit, il le sait, mais il ne peut s’empêcher de mordre. C’est dans sa nature.

Et voilà Lutgen contaminé à son tour. Ses réactions vous étonnent ? Pardonnez-lui car ils ne savent ce qu’ils font (Luc 23 :34).

Comment Elio se serait-il douté que Benoît, son cher et fidèle Benoît, qui lui cirait les pompes depuis tant d’années, s’approchant comme toujours, sombre et taciturne, nonchalant, presqu’indolent, se jetterait brusquement sur lui pour lui donner, crac ! le baiser de la mort ?

Il n’avait rien vu venir, Elio, un peu distrait ces derniers temps, à tenter de maintenir debout une baraque qui craque de tous les côtés. Il ne s’était pas intéressé aux récentes infos médicales qui auraient dû l’alerter.

Plus prudents, dès l’apparition des premiers symptômes, Charles Michel s’est enfui en Pologne,  et Olivier Maingain dans les terres lointaines du Canada. Z’ont eu tort d’en revenir, se croyant peut-être immunisés. De s’approcher de la bête malade, de tenter de l’apprivoiser et de se croire capables de la ramener dans sa cage. Oubliant La Fontaine : « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés ».

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LOUES SOIENT-ILS

Au Japon, à tous ceux qui n’ont pas d’amis ou de parents présentables, une agence propose la location de copains, de vieux parents, de frères et de sœurs charmants, le temps d’une soirée, d’une fête, d’une cérémonie. Des amis parfaits toujours d’accord avec vous, qui rient à toutes vos bêtes plaisanteries, qui ne bavent pas à table et témoignent envers vos invités de vos inestimables qualités en racontant à leurs voisins quel type formidable vous êtes. Moyennant un supplément, ils prononcent un petit discours en votre honneur ou un toast. Que Dieu vous protège pendant le reste de votre existence ! Et les vôtres ainsi que tous ceux pour qui vous oeuvrez !

Pourquoi les dirigeants d’intercommunales, d’ASBL sociales et autres services publics – ou supposés tels- n’ont-ils pas encore songé à faire appel à ce genre de bureaux ? Plutôt que de se faire empoisonner par les folliculaires, les flics et les commissions d’enquête ?

Débarrassés de tous les demi-sels politiques qu’on leur a mis dans les pattes, de ces créatures incompétentes et paresseuses, désignées par leurs partis, qui encaissent illégitimement des enveloppes payées par le contribuable, les super dirigeants de ces services publics pourraient enfin déployer leurs immenses qualités de manager et travailler au service des citoyens sans perdre leur précieux temps en réunions ou autres parlottes devant des administrateurs qui ne comprennent rien à leur business plan, leur embush marketing ou leur déploiement stratégique managérial. (Ahlala ! Faut vraiment tout vous expliquer ?) Ils pourraient épargner le papier inutile de procès-verbaux que personne ne lit sinon quelques journalistes fripons. Ils cesseraient de vivre en transes, à la merci de fuites vers les medias, parmi des tas d’envieux et de jaloux qui transforment en scandales leurs moindres faits et gestes. La transparence, la transparence, oufti ! Vous voulez peut-être qu’on diffuse en direct à la télé les assemblées générales de Publifin, de Nethys, du Samu social, de l’ISPPC de Charleroi ? Au secours !

Tout serait plus simple si les administrateurs de tous ces services publics étaient simplement loués à une agence le temps d’une réunion. A la différence des mandataires politiques, ils resteraient attentifs jusqu’au bout de la lecture du dernier rapport, toujours sobres, et ne coûteraient aux contribuables que l’heure réellement passée à faire de la figuration. On peut compter sur eux pour voter tout ce qu’on leur demande à l’unanimité. Et, moyennant un petit supplément, ils ajouteraient une intervention bien tournée pour approuver en termes fleuris la qualité des comptes-rendus et les mérites immenses du président et de l’administrateur-délégué. Que Dieu protège les services publics et ceux qui oeuvrent à leur développement !

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QUAND LA COP DEBORDE

 

Avez-vous lu la réponse d’Angela Merkel à Donald Trump? Il s’en frotte encore les yeux. Quoi, une femme, une Allemande, une communiste, traiter ainsi le maître du monde ?

Ah ! Ce n’est pas sous Reagan qu’on aurait assisté à une scène pareille ! Ni sous Staline, soi-dit en passant. Pendant cette bonne vieille guerre froide, chacun restait chez soi. Les Américains critiquaient les Américains, les Français critiquaient les Français et les Russes cassaient des cailloux en Sibérie.

Avec la chute du mur, faut être honnête, tout a commencé à se déglinguer. Pouvaient pas attendre que Trump ait paisiblement achevé son mandat pour le faire tomber, ce sacré mur ? On aurait eu une présidence américaine normale avec des alliés occidentaux obéissants, des terroristes tenus en laisse par Moscou et aucun risque de réchauffement climatique.

Depuis la réunification allemande, c’est le bordel. L’Allemagne est plus riche que les Etats-Unis, où elle exporte toute sa cacaille. Elle n’hésite pas à accueillir des réfugiés, même des Noirs et des Arabes. Et elle n’a aucun complexe d’être dirigée par une femme formée par les cocos.

Que les Allemands de l’Ouest ouvrent des soupes populaires pour leurs voisins de l’Est, les Ossis, d’accord, mais qu’ils en fassent des ministres ou des chanceliers ? C’est franchement Covfefe ! Et c’est un euphémisme.

Ne pouvaient-ils pas attendre que les Ossis apprennent d’abord les rudiments de la démocratie, qui consiste, article 1, à honorer les Etats-Unis qui les a libérés, article 2, à obéir à son président, leader du monde libre ?

Non, ce n’est pas sous Reagan qu’un dirigeant européen aurait ouvrir le bec. Reagan, malgré son onctuosité, aurait prié les députés allemands de changer illico de chancelier. Ou envoyé quelques boys régler la question. La démocratie ne s’use que quand on s’en sert.

Vraiment, il n’a pas de chance, Trump. Ses prédécesseurs n’avaient pas besoin de mettre du sable dans le moteur européen. Les dirigeants de l’Union s’arrangeaient bien entre eux pour démolir l’Europe chaque fois qu’elle semblait se bâtir un peu trop haut. Or, ne voilà-t-il pas que Merkel se pique de remonter un mur européen contre les Etats-Unis (le mur de l’Atlantique tant qu’on y est) ?

Trump est prêt à renoncer à exiger des Mexicains qu’ils se construisent une prison. A condition qu’en échange, ils aillent reconstruire un mur à Berlin. Il est même prêt à aider les cocos  à reprendre le pouvoir à Moscou et surtout dans la moitié de l’Allemagne. Comme à l’époque où le monde était tellement plus facile à comprendre. Et que le soleil, même lui, obéissait aux présidents américains et ne se mettait pas à chauffer les cerveaux des autres dirigeants de la planète.

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LA FRANCE FAIT SON CINEMA

Deux présidents en France entrant en fonction le même jour ou presque, n’est-ce pas un de trop ? Au contraire, plus on est de fous, plus on s’amuse.

Deux ? Macron et Almodovar. Deux pros du cinéma.

Le président Macron avance lentement sur le tapis rouge devant le brol pointu que son prédécesseur, François Mitterrand, a enfoncé comme un suppositoire dans la belle cour du Louvre. Son numéro rappelle les films fauchés de la nouvelle vague. Un seul acteur, un long travelling, et quelques mots marmonnés façon Jacques Tati. De toute façon la production n’a pas de quoi se payer une prise de son convenable. Histoire de faire passer le message : les amis, on doit se serrer la ceinture.

Pendant ce temps, l’autre président, Pedro Almodovar, grimpe quatre à quatre les marches du Palais des Festivals. Prêt à désigner le champion du monde parmi les meilleurs films de la planète. Dans un décor bling-bling-champagne-strass et paillettes sous les sunlights devant la grande bleue ensoleillée.

A Paris, le nouveau président, jouant la sobriété, tente de rassembler les Français. A Cannes, son extravagant collègue se prélasse dans la mondialisation.

Il y a moins de différences qu’on ne pourrait penser entre leurs deux projets. La filmographie du plus célèbre réalisateur espagnol actuel paraît d’ailleurs avoir singulièrement inspiré Emmanuel Macron.

« Attache-moi » lui a donné l’idée de museler les principales grandes gueules de la droite et de la gauche dont il a allègrement coupé les ailes en allant picorer dans leurs poulaillers respectifs.

« Talons aiguilles » annonçait une de ses promesses électorales : autant d’hommes que de femmes dans le gouvernement et un sous-ministre chargé de surveiller la parité entre hommes et femmes. Qu’il se méfie cependant des inévitables polémiques à venir, coups de Jarnac ou autres planches savonnées, spécialités de l’opposition et des syndicats, qui risquent d’emmener quelques uns de ses ministres à se transformer bientôt en « Femmes au bord de la crise de nerfs ».

Cependant, Macron semble prêt à se battre, à manier l’épée (dont une des ses nouvelles ministres est la spécialiste) et même à verser le sang. N’a-t-il pas investi Marie Sara, la reine des arènes, pour achever l’abominable Gilbert Collard, vieille bête baveuse, dans le Gard ? A l’exemple du combat tragique dans le film « Matador ».

Mais il y en a un dont Macron devrait se méfier tout particulièrement dans l’avenir, c’est François Hollande. Rien de pire que la réaction d’une bête blessée. Là encore, la mise en garde vient d’Almodovar. Après avoir invoqué « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?», monsieur Pédalo pourrait être tenté de réapparaître lorsqu’il entendra certaines sirènes crier : « Volver » (« Reviens ») !

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A TABLE !

Quelle sera la grande affaire de ce week-end ? Pour les uns, les festivals de jazz de Liège et de Liberchies. Pour les autres, la composition du premier gouvernement Macron. Tout Paris bruisse de rumeurs contradictoires. Et le café du commerce fait le plein. Dès qu’un homme ou une femme politique annonce ces jours-ci qu’il envisage un nouveau plan de carrière, paf !, on lui colle un ministère. Le maire de Nice, Christian Estrosi n’a pas eu le temps de démissionner de la présidence de sa région qu’il est bombardé par les medias ministre d’état. Et Marion Maréchal-Le Pen, très en froid avec la Marine française, pourquoi lâche-t-elle le FN ? Pour un secrétariat d’état ? Aux Anciens combattants, peut-être ?

Le président Macron, qui n’a pas fini de nous étonner, a bien d’autres idées explosives dans son sac à malices. Plus audacieuses que le reclassement de quelques politiciens en déshérence.

Pour former son équipe, au lieu de picorer comme d’habitude parmi les vieux birbes socialistes et Républicains, il voit large, bien au-delà des étroites frontières hexagonales : il envisage de nommer ministres français quelques-uns des plus charismatiques dirigeants des autres pays européens. De quoi mettre d’avance ses partenaires dans la poche et prendre à revers une opinion publique française d’avance indocile.

D’après ce qu’on sait, son casting pourrait rassembler Mario Renzi aux relations avec le parlement, un spécialiste pour déclencher une zizanie permanente entre tous les partis représentés à l’assemblée nationale. Angela Merkel à la Coopération au Développement gérera la question des réfugiés en conservant la confiance de l’opinion publique. Et Jarosław Kaczyński sera aux Affaires étrangères pour être certain de se fâcher avec le reste de la planète.

Jean-Claude Juncker, pressenti aux Finances, a promis d’apporter au nouveau président tous les secrets et ficelles permettant à la France de devenir un paradis fiscal aussi intouchable que le Luxembourg. Et le Hongrois Orban, le mode d’emploi pour fabriquer un état fort où opposition et institutions seront muselées pendant des années avec l’appui enthousiaste des citoyens.

Reste le casse-tête belge. Qui choisir parmi l’élite de notre nation ? Car il n’y a qu’une place pour notre pays. Charles Michel, Bart De Wever, Paul Magnette, Stéphane Moreau ?

De Wever l’intéresse. Il a réussi comme lui à s’emparer en deux coups de cuillère à pot de l’appareil d’état mais il met comme condition à sa participation, le rattachement de Lille à la Flandre. Charles Michel hésite. Il ne peut décider qu’avec l’approbation unanime des sept parlements du pays. Finalement, Macron a choisi Raoul Hedebouw. Il aura ainsi son mini-Mélenchon.

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GUIGNOL 2.0

Je me souviens des débats présidentiels de jadis. Deux messieurs chics qui avaient l’air vieux, même quand ils étaient dans la force de l’âge, s’échangeaient des propos sérieux d’un ton pédant. On sentait qu’ils sortaient des mêmes écoles, fréquentaient les mêmes dîners en ville et s’amusaient de la même façon à participer à ces joutes soigneusement chorégraphiées. Ils maniaient le fleuret et reculaient à la première éraflure avant de reprendre le combat, toujours aussi policés.

De la cuisine un peu lourde du terroir qu’ils nous offraient ces soirs-là, ne restait qu’une bouchée, une formule : « vous n’avez pas le monopole du cœur », « l’homme du passif », etc. C’était bien balancé mais un peu court question humour.

Quand une dame est apparue dans la distribution, on a cru un moment que l’on allait sortir de ce club british policé. « Calmez-vous, madame Royal ! » soufflait Sarkozy faussement flegmatique. « Non ! Je ne me calmerai pas ! » Répétées plusieurs fois ces répliques laissaient augurer avec ces deux-là une bonne tranche de rigolade. Las ! Ils sont vite retombés dans la routine et les codes de l’exercice.

Entre temps, la télé a changé. « Au théâtre ce soir » a été remplacé par les Guignols de l’info. Aux « Incorruptibles » (un mot désormais peu vendeur) a succédé « Loft story »  et les reality shows. L’homme très moyen, la ménagère de moins de cinquante ans ont renvoyé les stars irréelles dans leur vieux monde tandis que les débats politiques étaient remplacés par les numéros d’humoristes. Le citoyen découvrait les principales aspérités des programmes politiques à travers les caricatures qu’en faisaient avec talent Alex Vizorek ou  Charline Vanhoenacker (« De tous les comiques de la Gaule, les Belges sont les meilleurs », remarquait déjà Jules César). Conséquence, le débat Hollande-Sarkozy frôlait l’ennui et la télé vintage de papa.

Cette semaine, après une renversante campagne électorale 2.0, qui tenait plus du feuilleton  romanesque farfelu que de la politique, on a assisté en France à un débat présidentiel d’un nouveau type. Les protagonistes qui avaient assimilé les évolutions des séries (et leur surenchère dans le genre gore), l’explosion des comiques et l’envahissement des écrans par les « vrais gens », s’en sont donnés à cœur joie pour renverser la table.

Plus d’épées mais des kalachnikovs, plus de petites formules distillées pour les livres d’histoire mais des invectives inspirées des tweets de Donald Trump, et paf ! je te fous sur la gueule et bing ! dans le bas-ventre et vlan ! va voir chez Merkel si j’y suis !

Le chômage est au sommet en France. Si les candidats à la présidence prennent la place des humoristes, chansonniers et héros de feuilletons et de télé-réalité, c’est sûr que tous les records vont encore être pulvérisés. Sale temps pour les artistes.

 

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POURQUOI J’AI MANGE MON PÈRE

Que reste-t-il des partis politiques ? De leur puissance et de leur gloire ? En Belgique, Stephane Moreau a jeté sa carte du PS dans le destructeur de documents de Nethys – une machine déjà bien bourrée. En attendant, après quelques jours de deuil,  de prendre celle du PTB, plus utile pour les intérêts et l’avenir d’un homme aussi ambitieux ? Ce qui montre en passant que la mort d’un parti en fait épanouir un autre.

Un phénomène auquel on assiste aussi en France. De tous les vieux partis de la Ve République, il n’en reste qu’un, le Front national. Un front bas, qui plante ses griffes dans la glèbe de la France profonde comme du chiendent. Il faudra un très solide ouragan pour l’arracher et le balayer d’un bon coup de vent. Au lieu de quoi, ça souffle dans tous les sens. Les uns font la fine bouche devant cette fine mouche. D’autres se pincent le nez en attendant qu’elle passe. Que tous ces capitaines d’opérette ne s’étonnent pas que leurs voiles se déchirent et que leur bateau coule ! En attendant, vous savez ce qu’elle vous dit la Marine ?

Certains prétendent que seul l’exercice du pouvoir tuera le FN. Pensant sans doute à Charles Péguy qui prétendait que « tout parti vit de sa mystique et meurt de sa politique ». Mais, quelle manœuvre follement désespérée de donner aux Le Pen tous les pouvoirs de nuire pour espérer son agonie. Ceux qui font ce pari en croyant revenir alors en sauveurs de la nation risquent d’avoir disparu entre temps.

Il y a une dimension mythologique dans cette présidentielle : les vainqueurs du premier tour sont tous les deux des enfants qui ont mangé leur père. Marine a planté ses grandes dents dans les restes de Jean-Marie, ce qui révèle une étonnante santé et une excellente digestion.

Avant de se mettre en marche, Emmanuel Macron a lui aussi dévoré François Hollande et vidé les placards du PS de ce qui bougeait encore. Tous les marcheurs le savent, il n’est pas recommandé d’avancer le ventre vide. On le paye souvent avant d’arriver au but.

Reste à ces amateurs de chair pas très fraîche à nous proposer un menu débarrassé de tous ces restes. Un choix difficile à composer. Les électeurs rêvent de plats qui piquent, mais pas trop, qui amusent leurs papilles sans percer leur porte-monnaie. Accompagnés de vins qui grisent mais qui ne donnent pas la gueule de bois.

S’ils croient concilier tous les appétits, en composant un repas neutre, qu’ils se méfient. Machiavel les avertit: « le parti de la neutralité qu’embrassent souvent les princes irrésolus, qu’effraient les dangers présents, le plus souvent les conduit à leur ruine ».

Qu’ils se gardent aussi de leur propre progéniture qui pourrait être tentée de suivre les usages familiaux en dévorant à son tour l’un sa tante, l’autre son papa…

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GAZ A TOUS LES ETAGES

Bachar Al-Assad vient opportunément de nous rappeler qu’on avait enterré trop tôt les célébrations de la Grande Guerre. Merci à lui ! Dès 1914, les Français d’abord puis les Allemands – plus tard les Américains – se lancèrent joyeusement dans des attaques au gaz, devenues massives à partir de 1915. Et, en 1917 (bon anniversaire !), apparut le gaz moutarde (l’ypérite), produit à grande échelle par les Allemands. Un petit pas pour l’homme; un grand pas pour l’humanité.

« Moi, mon colon, cell’ que j’préfère, c’est la guerre de quatorz’-dix-huit ! » chantait Brassens. Prudent, il ajoutait : « Du fond de son sac à malices, Mars va sans doute, à l’occasion, en sortir une – un vrai délice ! – qui me fera grosse impression. »

T’es plus là, tonton Georges mais celle de Syrie t’en aurait bouché un coin !

Dire que le tyran avait refusé, il y huit ans que le projet de gazoduc entre le Qatar et la Turquie traverse son pays. Il doit s’en mordre les doigts. Au lieu de devoir fabriquer lui-même son poison, le docteur Assad n’aurait eu qu’à se servir au passage. On peut être ophtalmologue et ne pas avoir le don de double vue…

On dit d’Assad qu’il est un mélange de culture arabe et occidentale (formé dans des écoles françaises de Damas puis par l’université de Londres). De son voisin irakien, Saddam Hussein, issu comme lui du parti Baas, il a retenu la violence, le cynisme et l’absence de tout scrupule à gazer sa propre population. Et des Occidentaux, qu’a-t-il appris à part le goût des costumes de bonne coupe, des cravates élégantes et des propos lénifiants devant des journalistes complaisants ? L’impunité pour ceux qui gazent leurs ennemis ? Il n’y a pas eu de tribunal pour crimes contre l’humanité après la première guerre mondiale. Tous les belligérants risquaient d’y être condamnés. A l’école des Frères de Damas, on a enseigné à Assad que le vainqueur a toujours raison, même s’il a commis quelques entourloupes qu’on a tôt fait d’oublier. Vae victis !

On ne voit pas vraiment qui punira Assad et ses affreux acolytes. L’indignation morale et la fureur verbale n’ont jamais eu beaucoup d’effet pour arrêter une armée. Même pas une bande de tueurs. Quant à l’utilité des condamnations votées par l’ONU, demandez donc aux survivants du génocide rwandais, du massacre de Srebrenica ou des habitants de l’est du Congo, ce qu’ils en pensent. Et quelle a été l’efficacité des casques bleus envoyés pour les protéger.

D’ici à ce que le dictateur syrien se retrouve à manger du pindakaas dans les prisons de La Haye, il faudra qu’aient disparu Poutine, le régime iranien, le Hezbollah, les braves dirigeants européens et les méchants. Poison d’avril…

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ps : on n’a rien écrit de plus poignant sur les effets du gaz sarin que « Underground » de Haruki Murakami (Belfond) recueil d’entretiens après l’attentat dans le métro de Tokyo.

 

PAUVRE PETITE FILLE RICHE

Dearest England,

J’ai bien reçu ta lettre nous annonçant ton départ de la maison, ce qui m’affecte énormément même si le flegme m’oblige à n’en rien laisser paraître. Oui, je déplore que tu nous quittes après plus de quarante années de vie commune. Certes, nous avons eu des différends et tu ne t’es pas assagie avec le temps, que non. Je me souviens de quelques-uns de tes éclats qui ont secoué toute la famille : « I want my money back ! » t’es-tu écriée un jour sans prendre de gants. Et de ta grossièreté envers un de nos invités, Jacques Delors qui parlait de faire bourse commune avec nous, quand tu lui as répondu : « Dites-lui où il peut le mettre son Ecu » !

Malgré tes excentricités -peut-être à cause d’elles- je suis désolé de ta décision et je crains que tu ne le sois aussi un jour quand tu reprendras tes esprits.

Qui te nourrira désormais ? Seule dans la cuisine,  tu ne sais pas faire grand-chose devant un fourneau, à part casser des œufs – pas seulement des œufs. Rappelle-toi de cet avertissement de Talleyrand : « L’Angleterre a deux sauces et trois cents religions; la France au contraire a deux religions, mais plus de trois cents sauces. »  Ta vie, sans nous, risque de te paraître bien fade.

Toi qui te plaignais de la cacophonie qui régnait à la maison, tu vas regretter notre tour de Babel. La langue anglaise est belle, si belle que tu as emporté avec toi une grande partie de notre bibliothèque, alors que tu sais comme nous chérissons les auteurs anglo-saxons. Ils ont alimenté notre imaginaire autant que le tien. Si nous ne nous débarrasserons pas de l’anglais, dont tu as subtilement introduit l’usage dans toutes nos réunions de famille et même dans les relations avec notre petit personnel, tu regretteras le babil, les cris et les chansons de tes frères, sœurs, cousins dispersés dans toute la maison et qui sont fiers de s’exprimer dans plus de vingt autres langues. Quel appauvrissement va être ta vie coincée entre les barbons d’Oxford et les vieilles barbes de Cambridge, à avaler ton porridge !

J’ajoute à ces regrets que j’ai aussi quelques reproches à formuler. Croyais-tu que je fermerais les yeux en découvrant que tu as emporté une partie des bijoux de famille ? Cette petite friponnerie, je te préviens, ne restera pas sans suite. Je t’invite à restituer ce que tu as pris d’autant que ta mère y tient beaucoup. Après ton départ, tu la connais, elle voudra se montrer partout, plus belle que jamais, dans tout son éclat, portant haut ses plus belles parures.

Je ne peux terminer cette missive sans t’inviter à réfléchir à nouveau à l’opportunité de ton geste théâtral (que je te pardonne, le théâtre fait partie de notre A.D.N.) en t’assurant que nous sommes toujours prêts à l’oublier pour te retrouver.

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