HONG KONG BLUES ARRIVE

Le roman HONG KONG BLUES sera en librairie à partir du 25 janvier 2017 !

Retrouvez Alain Berenboom, il présente et dédicace son nouveau roman :

_ le mardi 31 janvier à 19h à la Librairie Tropismes (galeries Saint Hubert à Bruxelles) – Présenté par Eric Russon

_ le mercredi 15 février à 18h à la Librairie Filigranes (avenue des Arts à Bruxelles; metro Madou) – Présenté par Marc Filipson

KARATE A TOUS LES ETAGES

L’enquête menée par votre quotidien favori et par la RTBF révèle que 70 % des Belges sont favorables à un pouvoir fort. Mais, que signifie un pouvoir fort ? Il est dommage que les enquêteurs n’aient pas approfondi la question. Et n’aient pas demandé aux sondés quel est leur modèle. Poutine ou Erdogan ? Hitler ou Staline ? Gengis Khan ou Godefroid de Bouillon ?

Jusqu’ici, les Belges n’ont jamais aimé les grandes gueules, les rouleurs de mécaniques, les stoeffers et les dikke nek. Même à l’époque où le fascisme triomphant séduisait une grande partie de l’Europe, Degrelle s’est dégonflé plus vite que son ombre. Aucun homme providentiel ni aucune dame de fer n’ont réussi à rassembler les Belges. Si de Gaulle était né en Belgique, il serait au mieux devenu bourgmestre et madame Thatcher ministre de la culture.

La même enquête révèle d’ailleurs que, de toute façon, une très grande majorité de citoyens ne font plus confiance aux hommes politiques, ni aux partis ni même aux institutions. Tout le monde est balayé avec la même énergie, le « gentil » Charles Michel comme le « méchant » Bart De Wever, notre nouveau Che Guevara, Paul Magnette, autant que cette caricature de militant anti-immigré aux relations sulfureuses, Théo Francken.

Si notre pays est sur le point de couler et que son sauvetage n’est plus aux mains de nos excellences, qui alors pour nous faire le bouche à bouche ?

Certains, comme David Van Reybrouck, sont partisans du tirage au sort de ceux qui vont voter les lois. Les parlementaires seraient désignés par une main innocente comme les super vainqueurs du Lotto (mais un peu moins bien payés). Ils font le pari que les cinq cent vingt trois parlementaires (fédéraux et régionaux confondus) sortis de l’urne ressembleraient au professeur « nobellisé » François Englert, aux frères Dardenne – peut-être aux frères Taloche – mais le hasard peut aussi nous octroyer cinq cent vingt-trois clones de Laurent Louis. Aux abris !

On comprend alors la préférence des citoyens pour un seul boss, un homme fort. Hélas, Superman et Batman sont déjà occupés ailleurs. De plus, ils ne parlent ni français ni néerlandais. Kim Jong-un s’amuse tellement avec ses gadgets atomiques made in Korea qu’il n’a pas de temps à consacrer à notre pauvre royaume. De plus, c’est un étranger, ce qui n’est pas du goût de nos sondés. Qui alors ?

Jean-Claude Van Damme, bien sûr ! Un super héros au chômage, un homme qui maîtrise parfaitement la politique puisqu’il est spécialiste des arts martiaux après s’être frotté à la danse classique (un mélange contre nature typiquement belge) et un défenseur des produits de notre terroir (il a joué dans le film « Mort subite »).

JCVD for president. Et fini le blues noir jaune rouge.

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CRIMEE CHÂTIMENT

Qui n’a remarqué que le front anti-russe commençait à se fissurer ? La tentative de paix en Syrie (oubliant les désastres « collatéraux »), les gémissements de nos industriels et agriculteurs touchés par l’embargo poussent quelques hommes d’état occidentaux (ou futurs dirigeants) à nuancer leurs critiques contre Vladimir le Brutal. Et même à comprendre sinon à justifier l’annexion vite fait, bien fait, de la Crimée. Après tout, Vlad a été élu démocratiquement, soulignent-ils, il est soutenu par son peuple (d’après les excellents instituts de sondage russes) et un référendum a approuvé l’annexion de la Crimée (comme vient de le souligner Marine Le Pen).

Crimée Châtiment, disaient déjà les kremlinologues Pierre Dac et Francis Blanche. De là, à revoir l’image de l’Ukraine, jusqu’ici, pauvre oiseau pour le chat, il n’y a qu’un pas.

Pourtant, s’il y a bien une nation martyre en Europe, c’est l’Ukraine. Une pauvre république, tout juste sortie de siècles de domination russe puis soviétique, dont Staline a massacré la population : des millions de morts dans les années trente (auxquels s’ajoutent les millions de victimes des nazis).

Depuis son indépendance en 1991, cette nation s’efforce de répondre aux critères de la démocratie en chassant à plusieurs reprises ses dirigeants corrompus (et soumis sinon vendus à leur puissant voisin), sans parvenir à établir il est vrai un régime et des institutions stables et en s’accommodant de mouvements fascistes qui rendent jaloux les nervis du FN.

La dernière initiative du parlement de Kiev devrait faire taire les critiques. Depuis une loi du 30 décembre, sont interdits les livres donnant une image positive de la Russie.

Au lieu de crier à la censure, il faut se réjouir de voir enfin un gouvernement qui se veut européen accorder une telle importance à la culture. Y a-t-il chez nous un seul politicien qui pense qu’un livre peut influencer les citoyens, leur ouvrir l’esprit et peser sur l’opinion publique ? A Kiev au contraire (comme à Téhéran et dans quelques autres capitales éclairées), on craint le pouvoir du livre, la force du talent et l’insidieux pouvoir de la culture. Les dirigeants occidentaux et les technocrates européens devraient en prendre de la graine, eux qui n’ont que mépris pour la culture et le livre. Bravo !

Hélas, l’effet de cette mesure sera mince : en effet, personne n’a jugé plus sévèrement la Russie que les auteurs russes eux-mêmes, de Dostoïevski à Soljenitsyne en passant par Grossman et Pasternak. L’image de l’Ukraine n’est pas plus « positive » sous la plume des auteurs ukrainiens ! Lisez ce chef d’œuvre, « Compagnons de route » de Friedrich Gorenstein avant de vous promener dans les rues d’Odessa.

Bonnes lectures !

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LE CHEMIN DES DAMES

Sans même consulter Madame Soleil, 2017 s’annonce aussi joyeuse que la bataille du Chemin des Dames dont on rappellera cette année le centième anniversaire : ouragans, mitraille et ravages. Si nous arrivons jusqu’à Noël prochain, nous sortirons des tranchées, étonnés d’être en vie et soulagés que la planète ait survécu. Réjouissons-nous ! 2017 ne peut qu’être une année de surprises…

En janvier, trompettes et clairons salueront aux Etats-Unis le sacre du nouveau commandant en chef des armées, accessoirement quarante-cinquième président. D’ores et déjà, Donald Trump a tracé les contours de son équipe, dont la composition est directement inspirée par la série américaine, qui a bercé son enfance, Les Trois Stooges. Une série à la fois délirante et navrante dont l’esprit correspond plus ou moins en France aux Pieds Nickelés. Des bouffons maladroits qui se croient très malins mais dont toutes les initiatives se transforment en catastrophes. C’est sûr, on va s’amuser. A condition que Vladimir Poutine déniche, comme son ami Donald le lui a demandé, la poignée de scénaristes capables d’écrire les gags.

En mai, dès son entrée en fonction, la nouvelle présidente française nommera François Hollande président d’honneur juste pour faire enrager son vieux père. Connue pour son aptitude à la pagaille, elle aura vite fait d’égarer le carnet sur lequel son prédécesseur a soigneusement noté le code de l’arme atomique. Heureusement que les services secrets russes en ont gardé copie. Oncle Vladimir le lui enverra en guise de cadeau pour célébrer son sacre. Il faut espérer qu’un secrétaire maladroit ne se mélange pas les pinceaux en confondant la formule de mise à feu de la bombe avec le script d’un des gags préparé pour le nouveau président américain.

Dès sa nomination comme nouveau Ministre de l’Immigration Endigué (à la place de Théo Francken, entré dans les Ordres), Bart De Wever règlera d’un coup le problème des réfugiés. « Inde est quod silanus erit clausa » (« C’est à la source qu’il faut fermer le robinet ») annoncera-t-il. Plus aucun étranger ne sera admis sur notre sol à moins qu’il prouve qu’un de ses ancêtres au moins a combattu à la bataille des Eperons d’Or sous les ordres du fils du Comte de Flandre, Gui de Namur (nul n’est parfait même en Flandre).

Que reste-t-il alors au menu pour nous sauver de la déprime ? La Catalogne se prépare à proclamer son indépendance et à fusionner avec l’Ecosse dans un nouveau royaume bilingue qui promet bien du plaisir aux constitutionnalistes et aux humoristes.

Et surtout, un seul espoir, comme toujours, dans notre Europe en miettes, Angela Merkel, dont le mandat pourrait être renouvelé à la rentrée d’automne. La dame qui montre le chemin…

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L’ ÂGE DE GLACE

On nous parlait tant du réchauffement climatique qu’on avait failli par y croire. Mais Trump et Poutine viennent de nous prouver qu’on avait tort d’écouter les Cassandre. On ne vogue pas vers les douces chaleurs tropicales; on replonge dans l’âge glaciaire. Alep, c’est l’âge des cavernes, avant que les hommes ne se mettent à couvrir les grottes de dessins, premières marques de la civilisation. La Syrie, c’est le mammifère avant Lascaux. Avant le développement du cerveau.

Seule consolation : si les glaces reviennent, on va échapper à la guerre froide. Russes et Américains sont d’accord pour se faire des tongkus à la mode soviétique de jadis. A cette époque, les chefs des deux grandes puissances avaient installé un téléphone rouge entre leurs capitales pour éviter tout malentendu.

« Allo ? Excusez-moi, tovaritch, je préfère vous avertir. Un pilote militaire américain devenu fou va jeter une bombe nucléaire sur Moscou et je ne suis pas capable de l’arrêter.

– Merci de m’avoir appelé, camarade Président. Mais j’ai vu le film « Docteur Folamour » et je sais que vous aimez plaisan… Oh ! Mon Dieu ! »

Cette fois, Trump a fait mieux. Il a nommé à ses côtés, à la tête des Affaires étrangères, Rex Tillerson, un représentant personnel du président russe qui pourra lui dire, chaque fois qu’il aura une décision à prendre, si elle convient ou non au président Vlad. Mieux vaut prendre les devants que d’essuyer les dégâts après coup dans une désagréable conversation téléphonique qui vous donne mal à l’estomac et vous gâche votre soirée au coin du feu.

« Dites-moi, mon cher Rex, que pensez-vous de ça : les Estoniens me supplient d’envoyer une des petites brigades de l’OTAN vagabonder sur les plages de la Baltique, du côté de Tallinn ?

– Vlad ne sera pas content, président. Pas content du tout. Si nos soldats ont des fourmis dans les jambes et rêvent du bord de mer, pourquoi ne pas leur proposer un séjour dans une île du Pacifique ? Il y fait beaucoup plus chaud.

– Justement, Rex. Avec la montée des océans, ne risquent-ils pas d’avoir bientôt de l’eau jusqu’aux épaules ?

–  Mais, avec votre arrivée à la Maison blanche, monsieur le Président, la planète a arrêté de se réchauffer.

– Bon sang ! C’est vrai ! Où avais-je la tête ? »

Le bon Rex n’aura d’ailleurs pas d’autre activité que d’assurer la liaison entre Moscou et Washington. Dans un souci de simplification qui rend la politique beaucoup plus compréhensible aux Américains moyens, le président élu a décidé de se partager les tâches avec son homologue russe. A lui la politique intérieure. A Poutine, la politique extérieure. S’il n’y a plus qu’un seul maître du monde, comment pourrait-il encore y avoir des conflits ? Alléluia !

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KIRK FOR EVER

Happy Birthday, Kirk ! Né de parents immigrés, qui ne parlaient pas un mot d’anglais à leur arrivée aux Etats-Unis, Kirk Douglas restera pour l’éternité le modèle de l’Américain idéal, prêt à se battre seul contre tous pour la liberté, la démocratie, la tolérance, la culture. Il a lui-même produit plusieurs des meilleurs films dans lesquels il incarne ce genre de personnage, prêt à tout pour défendre ses valeurs, Spartacus, Les Sentiers de la Gloire, Règlement de comptes à OK Corral.

Pour l’éternité ? Pas sûr. Kirk qui ? me demandait une jeune avocate quand j’évoquais les Sentiers de la Gloire. Et de quels Sentiers parles-tu ?

Pendant la campagne électorale, Kirk Douglas, qui s’est battu contre Trump a raconté qu’il se rappelait des réactions de beaucoup de gens à l’arrivée d’Hitler au pouvoir (il avait seize ans). « Pendant près d’une décennie, on s’était moqué de lui. On le considérait comme un bouffon dont le nationalisme haineux n’emporterait jamais l’adhésion d’un peuple instruit et civilisé. » Or, voilà qu’en entendant un discours prononcé par Trump dans l’Arizona, ses mots lui ont fait « froid dans le dos, à lui, et à sa femme, Anne, qui a grandi en Allemagne, des mots qui semblaient tout droit sortis de 1933 ».

« Un peuple instruit et civilisé ». Retenez ces mots. Il y a quelques jours, un professeur de sciences politiques de l’ULB m’a avoué qu’une partie de ses étudiants n’a jamais entendu parler de Mussolini et certains même de Hitler. Heureusement que cette chère Pisa a interrogé les ados de quinze ans plutôt que des étudiants universitaires, sinon quelle serait la place de la Belgique dans son classement ?

Emmanuel Macron a dangereusement surestimé les électeurs français en s’écriant : « cette primaire, c’est OK Corral ! » A part les vieux abonnés du Ciné-club de Minuit, qui l’aura compris ? J’exagère ? Reprenez une tranche du rapport Pisa. L’état des connaissances de nos jeunes est dur à digérer même pour la sémillante ministre par Marie-Martine « Belles Crolles » Schyns qui croit fermement en l’avenir de l’humanité en générale et des jeunes pousses wallonnes de quinze ans en particulier.    

Mais, la matière grise semble dans nos régions suivre la pente dangereuse de nos matières premières : la veine s’épuise. Savoir qui est Kirk Douglas ne sert à rien. Pas plus que d’avoir une idée sur la Blitz-carrière du Führer. Pour la plupart d’entre nous, les maths ne servent pas non plus à grand-chose. Ni la théorie des quanta ou le tableau de Mendeleïev. Pas plus que ceux de Picasso ou de Hopper. Sauf que c’est avec tous ces savoirs et ces émotions inutiles qu’on fabrique « un peuple instruit et civilisé ». Un être humain, c’est beaucoup d’eau, une goutte de vin et plein de choses inutiles. Sans ces choses inutiles, il devient un robot.

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EMBALLAGE CADEAU

Saint Nicolas nous étonnera toujours. Mais est-il vraiment prudent de lui confier le soin d’apporter les étrennes de nos chers enfants ? C’est une belle idée qu’il a eu d’emmailloter la centrale nucléaire de Tchernobyl dans un immense emballage cadeau et l’avoir déposée au pied d’un sapin éternellement vert (d’un vert inquiétant soi-dit en passant) avec la mention « à n’ouvrir que dans cent ans.» Mais les enfants ukrainiens de l’an 2116 comprendront-ils l’étiquette « attention ! fragile ! » collée sur le papier ? Et sauront-ils que faire de ce beau paquet venu d’un passé lointain ? Déjà qu’avec un château-fort en pièces détachées, on se prend la tête toute la soirée et toute la nuit pour décrypter le mode d’emploi en coréen avant de balancer le tout par la fenêtre avec le gosse en pleurs. Avec le dôme de confinement, le démontage par les petites mains de nos arrière-arrière-arrière petits enfants va être explosif.

L’idée de Saint Nicolas pourrait cependant connaître un certain succès en cette époque où il y a bien des choses qu’on a envie de glisser sous le tapis. En se disant que nos descendants auront peut-être plus d’imagination que nous pour régler les questions qui nous paraissent insolubles. Le nouveau président américain et la politique de cauchemar qu’il annonce ? Hop ! Sous cloche ! Poutine, Assad, coulés dans un bloc de béton. L’état islamique ? Enterré, de préférence pas trop loin de Tchernobyl. Avec quelques potentats corrompus, qui monopolisent éternellement le pouvoir.

On pourrait aussi dans la foulée glisser les centrales nucléaires belges sous cloche puisqu’on ne sait plus qu’en faire pour éviter qu’elles nous pètent à la gueule. Mais, dans cent ans, y aura-t-il encore quelqu’un dans le coin pour soulever le dôme et voir ce qui reste et dans quel état tout ce bazar a vieilli ? Une solution serait de mettre en même temps toute la Belgique sous cloche. Ce qui promet un bel amusement le siècle prochain aux occupants de la planète. Ils pourront transformer en parc d’attraction notre patrie, figée une fois pour toute en l’an 2016. Comme il sera pittoresque de retrouver nos six gouvernements toujours en état de marche, nos autoroutes éternellement saturées et nos vieux trains à une ère où autos et locos auront disparu depuis longtemps. Ce sera comme retrouver un morceau d’époque victorienne en visitant l’appartement de Sherlock Holmes au 221 B, Baker street. Restée accrochée à ses chères centrales, madame Marghem sera toujours là, bon pied, bon œil pour faire visiter ses antiques centrales, Charles Michel et Elio Di Rupo amuseront les enfants. Et Bart De Wever fera à la demande des touristes des discours dans une langue aussi oubliée qu’aujourd’hui l’araméen ou le sanskrit.

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LES GAIETES DE L’ESCADRON

C’est la fiesta chez Jupiler. Surtout qu’on y faisait grise mine depuis la suppression des 24 h. vélo de Louvain-la-Neuve et la version anémique du baptême à l’U.L.B. On sentait vaciller l’entreprise favorite des supporters de football et des électeurs perdus de Michel Daerden, peut-être même sur le point d’être mise en bière. Mais l’horizon éthylique vient miraculeusement de se dégager grâce au projet de rétablissement du service militaire obligatoire, plébiscité par quatre jeunes Belges sur dix, d’après un sondage de la RTBF. Les jeunes veulent, parait-il, à nouveau goûter aux bienfaits de la culture (du houblon).

C’est sans doute la raison pour laquelle le groupe annonce dans ses objectifs pour la prochaine décennie qu’il souhaite « augmenter les connaissances en matière d’alcool » de la population. Tous ceux qui ont connu jadis les gaietés de l’escadron savent en effet que l’activité principale des miliciens, dans une égalité sociale que personne n’a jamais réussi à reconstituer depuis, consistait à se noircir matin, midi et soir. Le temps est long en attendant l’ennemi qui me fera héros.

Qu’il est doux le son du clairon, le bruit des bottes qui marchent au pas, qu’il est rassurant d’obéir à des ordres sans les comprendre ni les discuter. Tellement moins angoissant qu’étudier ou passer des examens.

La génération des 18-34 ans en a assez des révolutions rêvées par leurs parents et grands-parents, de la remise en question des valeurs qui ont fabriqué la société occidentale et des bricolages politiques qui l’ont déglinguée. De contempler ce joli début de siècle, rythmé par des guerres atroces, des réfugiés par millions, terrorisme, chômage, et tout ça.

Les jeunes ne sont pas les seuls à chercher le bonheur dans un retour vers le futur plutôt que d’imaginer et de construire une société nouvelle. Et d’imaginer que tout ira mieux en retrouvant les fondamentaux vintage que leurs aînés ont balayés : église, armée, suprématie de l’homme blanc propre sur lui.

En Russie, le poids de plus en plus fort de l’église orthodoxe ramène le pays aux douces années de l’époque bénie des tsars. Aux Etats-Unis, des électeurs déboussolés se réjouissent que Trump va leur « rendre » une Amérique blanchie. En France, François Fillon, jadis compagnon des gaullistes de gauche, sentant l’air du temps, a opportunément arraché quelques pages du programme du FN, rappelé ses réserves sur l’avortement, promis de mettre les fonctionnaires à la porte. S’il est élu, il s’engage à nommer Michel Debré premier ministre et Antoine Pinay à l’économie. Avec les progrès de la science et de la photocopieuse 3-D, tout est désormais possible. Même une plongée rafraichissante dans Jurassic Park.

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ELYSEE-MOI !

La découverte miraculeuse à Arles d’un cahier de croquis de Vincent Van Gogh pose l’excitante question du faux. Pour certains experts, ces dessins sont (je cite) des OMG (« Oh ! My God ! ») Pour le Musée d’Amsterdam, en revanche, de simples imitations. Comment distinguer un vrai d’un faux ? Et si les experts les plus pointus eux-mêmes se mélangent les pinceaux, pourquoi considérer un artiste comme un génie et son clone comme un criminel ?

L’arrivée surprise d’Emmanuel Macron dans la campagne présidentielle française ressemble furieusement à l’apparition d’Arles. Et suscite à peu près les mêmes réactions passionnées.

A commencer par celle de l’artiste copié, toujours plus ou moins vivant : François Hollande (encore un point commun avec Van Gogh). Macron, prétend-il, n’est qu’une pâle copie, d’ailleurs mal faite, de moi-même. Personne ne s’y trompera. S’il passe devant moi au premier tour des élections, j’en fais le serment,  je me coupe l’oreille gauche –et la sienne.

Macron ne pensait pas, en se lançant dans la course à l’Elysée, passer de l’impressionnisme au fauvisme.

Lorsqu’on entend les spécialistes d’un peintre juger de l’authenticité d’une œuvre, ce qui distingue l’original d’une contrefaçon, c’est « l’âme ». La copie même admirablement fabriquée ne reflèterait pas « l’âme de l’artiste ».

Si on applique ce critère à M. Macron, c’est sûr, il ne réussira jamais l’épreuve. On a rarement vu un homme politique écraser ceux qui lui ont offert un marchepied avec si peu d’état d’âme. Il rappelle le Chirac de 1974 qui avait trahi le candidat de son camp, Jacques Chaban Delmas, pour Giscard d’Estaing en échange d’une place de premier ministre. Un Giscard auquel Macron s’efforce de ressembler (les cheveux en plus et la diction ridicule en moins) : jeune, libéral, rassembleur (ce qui signifie qu’il est d’accord sur tout et son contraire). Prêt à peindre l’avenir de la France sous les couleurs les plus chatoyantes. Et à se faire photographier en compagnie de tous ceux que l’illustre peintre hollandais a immortalisés : mangeurs de pommes de terre, mineurs, paysans travaillant la terre, et même avec des jeunes filles sur la plage de Scheveningen, façon sympathique de montrer son amour de l’Europe.

Quant à ses autoportraits, en voici, en voilà, autant que vous en voulez. L’oreille coupée à gauche ou à droite, à votre choix.

Si à gauche, on dénonce le faussaire, à droite, on n’est pas en reste. Il est adroit mais pas à droite, persifle Juppé. Ne vous y trumpez pas, fulmine Marine Le Pen, brusquement ringardisée. Et son programme c’est « Carré blanc sur fond blanc » de Malevitch, ajoute NKM qui se pique de culture.

Macron ferait peut-être mieux de s’installer en Belgique où le surréalisme survit à tout.

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