E.T.

chronique
Lundi après-midi, après une longue absence, Yves Leterme est revenu à la politique. Pour son premier contact avec la vie trépidante des stars, l’ex ou le futur premier ministre (on ne sait plus trop) a dû répondre à une quarantaine de questions de ses sympathiques collègues d’une commission de la Chambre à propos de l’utilisation des feux de croisement, la réglementation relative à la conduite d’attelages ou l’immatriculation des cyclomoteurs.
Que fait un homme normal, reçu de cette façon après avoir erré sur les rives du Styx ? Il répond : dites donc, les gars, je vous sens impatient. Mais, pour les gags, attendez le premier avril. Ou : J’ai compris. La RTBF a placé une caméra cachée pour me ridiculiser comme d’habitude. Un homme normal claque la porte. Ciao ! Pour la dimension des attelages, voyez avec Mr De Crem, c’est le cheval fou de l’équipe.
Eh bien, vous avez tout faux. Leterme ne s’est pas tiré; il n’a pas éclaté de rire. Sans broncher, il a répondu de son ton monocorde habituel à chacune de ces questions grotesques. Avec un air de premier de classe dont l’école vient de sombrer mais qui continue de faire semblant qu’il est devant le tableau. Alors, je pose la question qui aurait dû nous sauter aux yeux depuis un certain temps: et si Mr Leterme n’était pas un être humain ? Et s’il était un extra-terrestre ?
Déjà son teint aurait dû mettre la puce à l’oreille. Les écrivains de science fiction des années cinquante ne décrivaient-ils pas les Martiens comme des petits hommes verts ?
Certes, ses chefs sont d’habiles bricoleurs. Son disque dur était bourré d’informations qui lui ont permis de faire illusion : BHV, régionalisation des matières fédérales régionalisables, communautarisation des matières personnalisables, nouvelles valeurs ajoutées (en abrégé NVA). Il était parfait. Presque parfait. Car un bug s’était déjà produit : dans sa programmation musicale. « Ils » ont pensé à lui apprendre à chanter « Vlaanderen boven » de Raymond van het Groenewoud, l’oeuvre complète d’Helmut Lotti et même « Les filles du bord de mer » d’Adamo. Mais pour l’enregistrement de la Brabançonne, le programmateur, un moment distrait, s’est planté. Une petite erreur pour Leterme, une calamité pour l’humanité.
Ne croyez donc pas ce que la presse vous a dit sur l’hospitalisation de Yves E.T. Pendant quinze jours, dans une aile isolée de l’hôpital de Leuven, les Martiens se sont activés à reconnecter ses circuits. Désormais, la noble Belgique, ô mè-ère chérie-ieu, est gravée dans son programme. Mais, même un habitant de la planète rouge ne peut tout prévoir. Dieu seul sait quelle autre erreur de programmation est tapie au fond de sa carte-mère.

Alain Berenboom
www.berenboom.com

Rencontres avec Alain Berenboom

** A LA FOIRE DU LIVRE DE BRUXELLES
Alain Berenboom signera ses livres sur le stand GALLIMARD
le jeudi 6 mars à 20 h.
le samedi 8 mars de 15 h. à 16 h.

** à la librairie FILIGRANES, 39 avenue des Arts, 1040 Bxl
le dimanche 9 mars à 15 h.

** au café littéraire LA DOLCE VITA (entrée 8 € )
le mardi 11 mars à 20 h
37A, rue de la Charité à Saint-Josse (place Madou)
présenté et interrogé par Jacques De Decker,
secréraire perpétuel de l’Académie
critique au journal Le Soir

PERILS EN CE ROYAUME VU PAR LA CRITIQUE:

www.lesoir.be/culture/livres/du-rififi-a-schaerbeek-2008-02-08-576302.shtml

www.lalibre.be/culture/livres/article/403615/tintin-detective-bruxellois.html

Alain_BerenboomPublié le Catégories actualités

OCCIDENT

chronique
Que partageons-nous avec la Roumanie depuis qu’elle est comme nous l’Europe ? Le cinéma et même les palmes d’or ! Loin des clichés, le cinéma roumain rapproche Bucarest d’Ixelles. C’est là qu’on peut voir « Occident » , une superbe comédie douce-amère réalisée par Cristian Mungiu (dépêchez-vous; tout disparaît si vite aujourd’hui).
Diaboliquement machiné en trois histoires qui s’emboîtent telles des poupées russes, le film raconte l’histoire de deux jeunes Roumaines qui veulent partir à l’ouest et de leur compagnon qui préfère rester au pays. Pas de discours, pas d’explication, même pas de discussion entre les personnages à ce sujet. Juste des allez-retours, ponctués de quelques boulots minables et de tentatives ratés de mariages arrangés. Les choses se font et se défont. La mise en scène fait le reste.
Dans ce film, on retrouve l’écho de la comédie italienne des années soixante, ce mélange de rires et de larmes dans un monde de pauvres gens, de pauvres types, avec une grande différence : ce qui portait ces films, c’était l’espoir que l’avenir serait meilleur. Sordi, Gassman, Manfredi incarnaient des ratés pathétiques qui s’en sortaient toujours dans une Italie qui serait plus belle demain. Dans « Occident », les ingrédients de la comédie italienne sont rassemblés, l’espoir en moins. Et les acteurs (magnifiques) jouent en dedans, des personnages écrasés par leur destin. Cette perte de confiance dans la vie, dans les lendemains, a fait disparaître la comédie à l’ouest. Etrangement, ce désespoir fait naître la comédie à l’est !
Monicelli, Risi, Comencini ont trouvé un cousin désenchanté qui a puisé dans son désespoir les ressorts du rire, comme Kusturica, avant lui, dans ses œuvres baroques, délirantes et déglinguées. Déglingué : c’est l’adjectif idoine pour désigner le monde de l’est, tel que nous le décrit aujourd’hui son cinéma. Le monde inhumain mais organisé de l’époque communiste a disparu. N’en reste qu’un lointain écho (dans le film de Mungiu, à travers le portait d’une bande de flics minables, pires que dans les films de Mac Sennett, et une vieille poupée gonflable qui a servi à un des personnages de bouée pour passer à l’ouest). Dans des villes à l’urbanisme improbable, les personnages errent à la recherche d’argent tels ces fantômes d’humains survivant à une explosion atomique dans les films des années cinquante. A voir leur cinéma, on dirait que chaque Roumain, chaque Serbe s’écrie : « Je suis une légende ! »
A l’image des récentes campagnes électorales polonaise ou russe où le citoyen, rendu à lui-même par la chute de l’Empire, errait perdu et aveugle dans un monde incompréhensible.

Alain Berenboom
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Rencontrez Alain Berenboom

A propos de son nouveau roman « Périls en ce Royaume » :

Le mercredi 27 février à 19 h 15
à la Librairie TROPISMES, galeries Saint-Hubert,
présenté par Thomas Günzig, avec Guy Vaes

le dimanche 9 mars à 15 h.
à la librairie FILIGRANES, 39 avenue des Arts, 1040 Bxl

le mardi 11 mars à 20 h
au café littéraire LA DOLCE VITA (entrée 8 € )
37A, rue de la Charité à Saint-Josse (place Madou)
présenté et interrogé par Jacques De Decker,
secréraire perpétuel de l’Académie
critique au journal Le Soir

A LA FOIRE DU LIVRE DE BRUXELLES
Alain Berenboom signera ses livres sur le stand GALLIMARD
le jeudi 6 mars à 20 h.
le samedi 8 mars de 15 h. à 16 h.

EN RADIO sur VIVA-BXL
avec Thomas Van Hamme, le lundi 3 mars de 7 h. à 8 h 30.

LE ROUCHE ET LE NOIR

chronique
Que reproche-t-on à Fidel Castro ? D’être rouge ?
A l’heure où le Standard voit poindre enfin la consécration suprême, le rouge est hype. Le rouge, tendance roûche en tout cas. Castro, lui, serait plutôt rouge, tendance noir.
Non seulement parce que le père Lachaise lui tend les bras mais surtout parce qu’il a assombri et enterré les rêves de toute une génération et démoli ceux de sa propre population.
Une révolution + le soleil des caraïbes + des verres de cuba libre + le Buena Vista social club, que demande le peuple ? Eh bien ! Le peuple est plus difficile que l’intelligentsia de « gôche » version Le Monde diplomatique. Bêtement, le peuple cubain demande les libertés.
Bien sûr, Fidel lui a donné l’instruction. Mais à quoi bon savoir lire si les livres qu’on aime sont interdits et les libraires sous le contrôle des flics.
Les habitants de La Havane ne peuvent même pas se consoler avec un bon cigare sur une plage enchantée : plages et cigares sont réservés aux touristes bardés d’euros et de dollars que le régime choie.
Des lieux communs tout ça ? Vu de Bruxelles, peut-être. Là-bas, ce sont ces lieux qui font la vie.
Cinquante ans de pouvoir, ça use, ça use. Et c’est increvable. Inspiré par la Corée du Nord, le révolutionnaire rusé usé a décidé de préserver les bijoux en famille. Castro et frère, Inc., un pari sur l’éternité.
Fidel est-il encore vivant ? Ses interminables discours se sont taris, ses images sont manifestement retouchées. Et les « messages » qui sortent de sa chambre d’hôpital ne sont évidemment pas signés. Moi, je soupçonne Fidel, sorti par la porte, de revenir un de ces jours par la crypte. Grâce à la cryogénie, le Leader maximo pourrait bien avoir été congelé juste avant la date de péremption pour réapparaître, frais comme un gardon, dans quelque temps, quand Raul souffrira à son tour d’une petite faiblesse. Faisant le coup du père Noël, il courra, couvert de glaçons, se jeter dans les bras de son cher ami Chavez. Le seul espoir alors est qu’ils périssent tous les deux d’une bonne pneumonie.
Et le Standard dans tout ça ? Remarquez : depuis que son principal supporter, Yves Leterme, est lui aussi hospitalisé, il gagne ! Ca fait réfléchir, non ? Le rouche, tendance orange bleue, patinait au sommet de l’état et du championnat. Hors d’Etat, Mr Yves booste son équipe favorite. Castro en fera-t-il autant ? Sa disparition offrira peut-être à son peuple la bienveillance américaine et la fin du boycott qui affame Cuba. Qu’on me comprenne bien : je ne souhaite pas à Mr Leterme le destin du Leader maximo (ni aux Belges le destin des Cubains). Les leaders minimos ont bien plus de vertu !

Alain Berenboom
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Chez Tropismes

Rencontre avec Alain BERENBOOM
autour de son nouveau roman,
PERILS EN CE ROYAUME (éditions B. Pascuito)

le mercredi 27 février

à la Librairie TROPISMES
galeries Saint-Hubert
à 19 h 15

présenté par Thomas GÜNZIG
en compagnie de Guy VAES

réservation possible (non obligatoire)
chez Tropismes: 02 512 88 52
entrée libre

ALLEZ, LES FILLES

chronique
On ne naît pas femme, on le devient. La célèbre phrase de Simone de Beauvoir prend une résonance particulière ces jours-ci pour deux femmes musulmanes dont les barbus ont décidé d’avoir la peau.
Ayaan Hirsi Ali, née en Somalie, devenue hollandaise (et même députée), risque sa vie en sortant des cachettes où elle est obligée de se terrer pour venir défendre à la tribune du parlement européen les femmes nées dans l’islam mais qui ont eu, comme elle, « l’audace » d’abandonner la religion.
Taslima Nasreen, écrivain du Bengladesh, obligée de fuir son pays, sous le coup d’une fatwa, risque de devoir quitter l’Inde où elle s’est réfugiée.
La religion n’a jamais été une partie de plaisir pour les femmes. Juifs, Chrétiens, n’ont pas beaucoup de leçons à donner aux Musulmans. Mais si ceux-ci détestent tant les valeurs occidentales, pourquoi copier les pires excès commis chez nous contre le « deuxième sexe » au nom du bon Dieu ? Et pourquoi diable ce vieux bonhomme les déteste-t-elles donc tant ? Au point que ces deux femmes ne trouvent même pas grâce dans leurs pays d’accueil.
Salman Rushdie, comme auparavant les écrivains qui fuyaient l’empire soviétique ou le Reich nazi, avaient été accueillis par les pays démocratiques où ils avaient dû se réfugier. Il fut même un temps où la Belgique était fière d’accueillir les artistes condamnés à l’exil – c’était longtemps avant MM. Tobback et Dewael, longtemps avant que Semira Adamu ne meure étouffée par nos gendarmes.
Aux Pays-Bas, Ayaan Hirsi Ali a mauvaise presse. Son parti l’a poussée à la démission. Elle faisait tache dans la langue de bois du monde politique. Ses voisins l’ont boutée hors du quartier. Sa présence décourageait le prix de l’immobilier. Le gouvernement a refusé de supporter le coût de sa sécurité aux Etats-Unis où elle avait dû se cacher pour fuir les menaces contre sa vie des exaltés islamistes bataves (sur un papier planté dans la poitrine de Théo Van Gogh, elle était désignée comme leur prochaine victime). Voilà à quoi ressemble la Hollande d’aujourd’hui, celle qui a fait de Pim Fortuyn une icône. En 1968, Amsterdam avait une autre allure…
La situation de Taslima Nasreen n’est pas plus brillante : obligé de fuir Calcutta pour le Rajasthan, elle en a été « exfiltrée » en pleine nuit pour Delhi mais les autorités s’obstinent à lui refuser la nationalité indienne qu’elle réclame vainement depuis des années. Elles ont même « découragé » le président Sarkozy, en visite il y a quelques semaines, de lui remettre le prix… Simone de Beauvoir qui lui avait été attribué à Paris.
On ne naît pas femme, on le devient. En la matière, les religieux de tous poils sont de rudes enseignants…

Alain Berenboom
www.berenboom.com