20000 BACI

Pourquoi j’aime l’Italie ? Parce que Claudia Cardinale, Sophie Loren, Lucia Bosè, Ottavia Piccolo, Stefania Sandrelli, Giulietta Masina, Valeria Bruni-Tedeschi. 

  Pourquoi je n’aime pas l’Italie ? Parce qu’une bonne partie des Italiens ont élu et aimé Berlusconi pendant vingt ans.

Pourquoi j’aime l’Italie ? A cause des 24.000 baci d’Adriano Celentano, de Paolo Conte, de  Verdi et Puccini et que l’italien est la plus belle langue du monde. 

Pourquoi je n’aime pas l’Italie ? Parce qu’une bonne partie des Italiens ont élu et revendiqué Mussolini pendant vingt ans.  

Pourquoi j’aime l’Italie ? Parce que c’est le plus beau pays du monde, parce que la Toscane, les Pouilles, l’Ombrie, Turin, Naples ou Rome, parce que sa botte plonge dans la mer jusqu’à la taille et qu’on y mange 1.300 sortes différentes de pâtes.

Pourquoi je n’aime pas l’Italie ? Parce que ses promoteurs dévorés par la soif de l’argent, le cynisme et la corruption ont dévasté des villes entières, rasé des campagnes magnifiques, pour les remplacer par du béton.

Pourquoi j’aime l’Italie ? Parce que le cinéma italien a été le plus créatif, le plus tendre, le plus drôle de l’après-guerre jusqu’à ce que Berlusconi s’empare des commandes de l’audiovisuel de la péninsule, à cause des œuvres folles de Fellini, des comédies douces amères de Dino Risi, de Mario Monicelli, que Vittorio Gassman, Alberto Sordi, Marcello Mastroianni, Nino Manfredi et toutes les dames déjà citées ont incarné à la perfection des modèles d’humanité, de tendresse, des personnages pleins de défauts et de tendresse, d’aspiration et de défaillances, qu’en s’identifiant à eux pendant deux heures, on s’est senti plus vivants, plus heureux. Et qu’on croise les doigts pour que Nanni Moretti, continue longtemps encore à nous enchanter. 

Pourquoi je n’aime pas l’Italie ? Parce que la télé italienne, propriété privée de Berlusconi, a détruit toutes ces valeurs, balayé cette poésie, banni l’humour, imposé la vulgarité, le bling-bling et le bunga-bunga. 

Pourquoi je n’aime pas l’Italie ? Parce que Berlusconi a, le premier en Europe, coupé le cordon sanitaire et ramené les fascistes au pouvoir, détruit de l’intérieur les valeurs de la démocratie, ce qui a conduit à une première ministre issue du moule mussolinien et à ses comparses, Salvini et tutti quanti. 

Pourquoi j’aime l’Italie ? Parce que le fascisme n’a jamais été mieux combattu que par les Italiens, notamment ses écrivains, Ignazio Silone, Natalia Ginzburg, Primo Levi ou Carlo Levi (dont le récit de l’exil forcé au fond de la Campanie est une parfaite radiographie du mal mussolinien), parce que Mario Soldati et Lampedusa (« Le Guépard »), deux des plus magnifiques écrivains du siècle dernier. Et parce que l’Italie a donné à la Belgique quelques-uns de ses meilleurs citoyens et citoyennes, dont la reine Paola.

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REVIENS, MARCELLO, ILS SONT DEVENUS FOUS !

S’il vous faut un prétexte pour un city trip à Rome, allez vous nettoyer les yeux, le cœur et la mémoire avec l’exposition Marcello Mastroianni, qui vient de s’ouvrir au Museo dell’Ara Pacis (jusqu’au 17 février 2019).

Pas seulement pour alimenter la nostalgie des années soixante mais aussi pour retrouver cette Italie que l’on aime et qui s’aime, loin de ce pays en pleine convulsions où le vibrionnaire Salvini a remplacé, en pire, Berlusconi, le petit arrangeur. Le haineux défenseur de l’esclusione a pris la place du maître de la combinazione.

Fellini (qui a dirigé cinq fois Mastroianni) disait à un de ses distributeurs belges, M. Luel, que le cinéma italien depuis la fin de la guerre a permis à ses compatriotes d’oublier Mussolini. Un cinéma d’une incroyable richesse mêlant comédies, films sociaux ou politiques et œuvres poétiques. Et qui a vraiment contribué, croyait-on, à façonner l’Italien de la fin du vingtième siècle grâce à la culture pendant que l’économie tournait à plein régime.

Les personnages incarnés à l’écran par Mastroianni, mais aussi par Gassman, Manfredi et les autres, sont en effet à des années lumières des petites frappes qui défilaient au pas de l’oie devant le Duce ou exécutaient ses basses œuvres. (Une dictature qui a tout de même écrasé la péninsule pendant vingt ans).

Pour citer deux excellents films de Mastroianni, en quelques années, on est passé en Italie de « la Dolce Vita » à « Dommage que tu sois une canaille. »

Pendant ce temps, les étoiles du cinéma italien se sont éteintes sans qu’elles ne soient remplacées par une nouvelle génération qui ait cette magie. On a l’impression étrange qu’avec la quasi disparition de son cinéma, l’Italie a perdu son âme. Ce n’est pas une coïncidence qu’elle soit survenue au moment où Sua Emittenza prenait à la fois le pouvoir et l’audiovisuel. C’est lui qui a remplacé la délicatesse des comédies par les défilés de fausses blondes sur tous les écrans de télé (ce qu’annonçait « Ginger et Fred » de Fellini où un Mastroianni vieillissant perdait pied en direct devant les tristes girls). « Touche pas à la femme blanche » avait pourtant prévenu Marcello dans un film de Ferreri!

Héritier de Forza Italia, le fantasque Mouvement des Cinq Etoiles, déjà à la dérive, et les redoutables populistes de la Ligue ont transformé les citoyens italiens en autant de « Pigeons ».

Revoyez aussi une « Journée particulière » de Scola où Mastroianni, journaliste homosexuel renvoyé de son boulot, se retrouve dans son immeuble avec une mère de famille (Sophia Loren) écrasée par sa vie domestique et ses six enfants pendant que la radio diffuse l’accueil d’Hitler par Mussolini non loin de là. Et cette réplique : « Ce n’est pas le locataire du 6e étage qui est anti-fasciste. C’est plutôt le fascisme qui est anti-locataire du 6e étage »…

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NOUS NOUS SOMMES TANT AIMES

La comédie italienne a disparu dans l’incendie du Cinema Paradiso, le beau film de G. Tornatore. Mais le cinéma italien était déjà moribond depuis plusieurs années.

Depuis que Silvio Berlusconi était devenu le plus important producteur privé de cinéma, les principaux auteurs, Fellini, Visconti, étaient partis sur la pointe des pieds en même temps que les maîtres de la comédie italienne, entraînant avec eux leurs merveilleux comédiens, Gassman, Sordi, Mastroianni, Manfredi.

Seul ou presque, Nanni Moretti a encore réussi à lancer quelques dernières fusées de détresse. L’une des plus éblouissantes, « Le Caïman » étant justement un portrait sarcastique et désespéré du bonhomme Berlusconi.

L’Italie qui se présente aux élections ce dimanche est à l’image de la décadence de son septième art qui avait été si fécond et merveilleux depuis la fin de la guerre.

Ce sont quelques-unes des plus belles images du cinéma transalpin qui nous reviennent en contemplant l’état de l’Italie et la binette de ses politiciens comme si le mal dont souffre le pays était déjà en germe depuis le début de la république.

L’électeur qui ne sait plus à quel saint se vouer, ressemble aux personnages de « la Dolce Vita » de Fellini, errant sans but, avec la gueule de bois, prêts à se jeter dans la première Fontaine de Trevi pour y retrouver Anita Ekberg et ses paillettes mais irréelle et illusoire.

« Affreux, sales et méchants », la comédie grinçante d’Ettore Scola, semble parfaitement définir la politique italienne en 2018, un bidonville habité par des hâbleurs, type Vittorio Gassman et des vendeurs de vent et d’illusions à la Alberto Sordi. Tandis que dans l’ombre de Berlusconi et de ses inquiétants alliés de la Liga, se glissent les post-fascistes des Fratelli d’Italia.

Privés de leur meilleur cinéma, les Italiens ont oublié à quoi ressemblaient les grotesques mais sinistres marionnettes qui ont conduit Mussolini au pouvoir et maintenu le régime fasciste pendant plus de vingt ans. Que la Rai reprogramme vite « La Marche sur Rome » de Dino Risi, les fascistes version grotesque et « Le Conformiste » de B. Bertolucci version dramatique et glaçante.

Il est vrai que les Italiens ont l’idéologie à géométrie variable. Ils circulent de l’une à l’autre  avec la même facilité que le personnage incarné par Sordi dans « L’art de se débrouiller » de L. Zampa, tour à tour socialiste, fasciste, communiste puis démo-chrétien et parfois le tout en même temps.

Mais la plupart d’entre eux ne sont pas cyniques et ils gardent au fond d’eux le rêve d’une société meilleure et le goût de la civilisation comme le racontait avec tant de nostalgie « Nous nous sommes tant aimés », le chef d’œuvre d’E. Scola. A revoir toutes affaires cessantes avant de regarder les résultats sortis de l’urne.

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TUNNELS MAL EMBOUCHES

A la sortie d’un tunnel, la circulation est totalement à l’arrêt, paralysée par un gigantesque embouteillage. À l’intérieur d’une des voitures immobilisées, un homme suffoque. Son habitacle est envahi de fumée. Malgré ses efforts, il ne parvient pas à ouvrir sa porte ni ses fenêtres. Les passagers des autres véhicules l’observent, indifférents. Enfin, l’homme parvient à grimper sur le toit et, miracle, il s’élève dans les airs.

Cette scène vous rappelle quelque chose ? Vous avez gagné ! C’est Rome en 1962. La première séquence de « Huit et demi » de Fellini. Et non pas Bruxelles 2016. Dans la capitale belge, la scène est impossible : il n’y a plus de tunnels. Ni de viaduc, ni de rues qui ne soient  envahies de chantiers qui ne se terminent jamais.

Au début des sixties, Rome étouffait sous les embouteillages alors que Bruxelles affichait fièrement les beaux tunnels qu’elle venait de bâtir pour l’expo 58 et qui assurait à la circulation automobile une fluidité que les autres capitales nous enviaient. Promenez-vous aujourd’hui à Rome. Le centre ville est un magnifique piétonnier où l’on déambule avec le sourire. Tandis que nos somptueux ouvrages d’art commencent à ressembler aux ruines du forum romain.

Nos ministres n’ont rien vu venir. Charles Picqué, qui a dirigé Bruxelles de 1989 à 2011 (avec quelques interruptions) souffre depuis l’enfance de myopie. Or, les fissures dans le béton des plafonds ne se remarquent pas d’en bas surtout quand on roule vite pour éviter la chute des pierres. La myopie, un mal répandu parmi les hommes politiques belges.

Pascal Smet (déjà ministre de la mobilité en 2003) ne circule qu’à vélo et donc jamais, il ne traverse un tunnel. Un ministre, ça respecte le code. Le dérapage est mal vu chez les hommes politiques belges.

Que faire maintenant ? Il n’y a plus de sous pour la mobilité. On a vidé la caisse pour dessiner des petits vélos sur les chaussées de la capitale, façon de donner l’illusion aux cyclistes qu’ils sont protégés, faute d’avoir l’audace de construire des sites propres. L’audace est mal vue chez les hommes politiques belges.

Il paraît qu’avec Rudi Vervoort, ça va changer. Les grands travaux, il connaît. N’a-t-il pas lancé le chantier d’un gigantesque nouveau stade de football dès son intronisation ?

Mais, question argent, foot ou tunnels, il faut choisir.

Le gouvernement régional pourrait s’inspirer d’Yvan Mayeur. En supprimant les voitures dans le centre ville, il a réglé le problème : plus de voitures, donc plus besoin d’entretenir la voirie.

Faire de la petite ceinture un piétonnier, doublé d’une piste cyclable ? C’est une option. Il y en a une autre : transférer le nouveau stade du Heysel à Louise. D’une pierre, deux coups, et qui ne tomberont pas sur le capot…

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