J’IRAI CRACHER SUR VOS TOMBES

Tous les media célèbrent en chœur cette semaine le génie de Boris Vian. N’en jetez plus ! De son vivant, il n’était connu que d’un cercle d’amateurs et son seul succès de librairie, « J’irai cracher sur vos tombes », était un canular pastichant la série noire, publié par un éditeur confidentiel qui l’avait lancé comme un roman américain. Et le voilà bientôt dans la Pléiade, où Gallimard publiera, cinquante ans après sa mort, les romans refusés de son vivant…
Paraphrasant le général Custer, un bon auteur est un auteur mort. Pour beaucoup de folliculaires, il faut un anniversaire pour découvrir le talent. Françoise Sagan, si contestée jadis par les critiques littéraires sérieux, est devenue « la » grande dame des lettres françaises depuis qu’elle a passé la larme à gauche. Simenon, traité de « romancier de gare », a dû lui aussi attendre la mort pour entrer dans la Pléiade et le programme scolaire.
Dire que le mois dernier le plus grand auteur britannique vivant, Jonathan Coe était à Bruxelles à l’invitation de la Maison des Littératures Passa Porta et de la Cinémathèque. A part Focus-Le Vif, les medias francophones n’ont pas trouvé utile de le rencontrer (à la différence de leurs confrères flamands) et la RTBF qui, en d’autres temps, aurait enregistré un entretien, préfère désormais se flatter de produire les travaux de Justine Hennin.
Ce culte des auteurs morts prend parfois des allures franchement glauques, telles ces célébrations rituelles de Céline et de Drieu La Rochelle, ces salauds qui fascinent tant la presse de gauche.
Pour les vacances, fuyez les snobs qui vous annoncent une fois de plus qu’ils vont « relire Proust et Chateaubriand ». Remplissez vos valises d’auteurs vivants ! Au hasard des parutions récentes, « Ici et maintenant » de Robert Cohen (Ed. Joëlle Losfeld) ou la fascination hilarante et désespérée d’un demi-juif athée pour un couple de juifs orthodoxes. « Océan de Vérités » de Andrea de Carlo (Grasset) évoque l’état de détresse et de danger de la démocratie italienne à travers un récit prenant et poétique qui flirte avec le thriller façon P. Highsmith. Pour ceux qui pratiqueront l’art d’être grand-père sur les plages, un roman minuscule qui troue le cœur, Le remplaçant d’Agnès Desarthe (L’Olivier), hommage éperdu à un grand-père anti-héros venu de Moldavie. Les lecteurs de polars adopteront « La Dame noire » de S. Carter (R.Laffont) qui entraîne ses lecteurs sur les campus américains où une prof noire doit affronter le meurtre d’un de ses collègues dans une ambiance pré-Obama. Et ceux qui, comme moi, choisissent les Pouilles emporteront le dernier V. Engel «La Peur du paradis »(Lattès) dans leur petit baluchon.

Alain Berenboom
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LE PRESIDENT PERSE

… Et personne pour plaindre le président Mahmoud Ahmadinejad ?
Adversaires politiques, étudiants, femmes, tous, se prétendant victimes de son élection, crient et défilent. Et lui, alors ? N’est-il pas la première, la seule victime de ce tsunami qui balaye Téhéran, ébranle son pouvoir, son autorité, sa réputation ? Faut reconnaître qu’il était un peu naïf ce pauvre Mahmoud. Pourquoi organiser des élections ? Son principal concurrent, Hussein Mussavi aurait pu lui souffler que ça n’apporte que des ennuis. Premier ministre pendant près de neuf ans sous la présidence du boss, Ali Khamenei (devenu depuis guide suprême), il sait mieux que tout le monde que la démocratie iranienne ne fonctionne que quand on ne s’en sert pas. C’est sans doute ce qui surprend le plus Ahmadinejad : dans le scénario, il était écrit : Mussavi se couche dès la première reprise. Une fois les urnes dépouillées (on veut dire : dépouillées des bulletins qui portent son nom), il reconnaît la victoire du président en place et crie : vive Mahmoud ! Au lieu de quoi, le traître proteste !
Décidément, tout part en eau de boudin. D’abord cette mauvaise querelle qu’on lui fait sur l’holocauste. Sur son ignorance des détails de la seconde guerre mondiale. Avec son diplôme en ingenerie des transports publics, il sait tout ou presque sur les trams. Qu’on l’interroge sur la STIB, soit. Mais comment pourrait-il savoir ce que les Allemands ont fait aux Juifs le siècle passé ?
Son autre dada, ce sont les femmes. Toutes des perverses, des impudentes qu’il faut mettre au pas car, comme le dit le prophète, quand le tchador, les souris dansent. Dans sa grande générosité, il leur a pourtant laissé le droit de vote (auquel s’était opposé sagement son héros, l’imam Khomeyni). Résultat, elles le narguent et réclament sa tête.
Et la bombe atomique ? Encore un reproche incompréhensible. Combien de fois doit-il jurer sur le Coran et tous les prophètes que l’énergie nucléaire iranienne ne servira qu’à faire tourner les carrousels et les machines à fabriquer la barbe à papa ? Rien d’autre. Mahmoud est le protecteur de la jeunesse. Mais personne ne le croit. On lui cherche des poux. On lui promet l’apocalypse. Pendant ce temps, Coréens, Israéliens, Indiens, Pakistanais peuvent jouer tranquilles avec leurs bombes. Même les Américains ne protestent que mollement. Preuve que tout est seulement prétexte pour le discréditer.
Seule solution, élargir sa majorité. Mais, avec les Ecolos, sa bombinette est à l’eau. Les socialistes alors ? Il a assez de problèmes comme ça sans José Happart, les amis de l’aéroport de Charleroi et les autres. Reste le MR. Mais mouvement réformateur, ça ne fait pas seulement peur en Wallonie. A Téhéran aussi.

Alain Berenboom
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MENUS PLAISIRS

MENUS PLAISIRS

Trente-cinq secondes : c’est la durée moyenne que l’électeur flamand a passé dimanche dernier dans l’isoloir (selon Het Laatste Nieuws). Quel gâchis ! Voter à la sauvette au lieu de profiter de ce moment exceptionnel où, tel l’empereur romain, le citoyen a le droit de lever ou de baisser le pouce, de sauver le joueur ou l’envoyer aux lions. Les femmes ont mieux saisi l’importance de ce fugace instant de bonheur. Elles sont restées en moyenne cinquante-six secondes devant leur bulletin, douze secondes de plus que leurs mâles. Et une habitante de Serskamp, plus de quatorze minutes. En voilà une qui connaît la signification du mot plezier.
Ce qui rappelle que l’essentiel de l’amour, ce sont les préliminaires. Ah ! Le bon temps de l’introuvable orange bleue. Le temps béni où la Belgique a connu le bonheur de vivre sans gouvernement pendant plusieurs mois. Grâce en soit rendue à des négociateurs, grands spécialistes de la question, qui, pour prolonger notre jouissance, se sont livrés à d’interminables danses du ventre et caresses préalables sans jamais consommer, au point de sucrer de leur agenda le moment fatal de la noce.
Supplication à nos dirigeants actuels : faites comme eux, et pour ceux qui étaient de l’aventure, remettez le couvert ! Tout pour rendre à nouveau le mariage impossible. Réveille-toi, madame Non !
Bart, reviens ! Essaye à nouveau de les rendre fous !
Quelques conseils pour rendre l’affaire inextricable.
Aux socialistes : proposer la présidence de la Wallonie à Michel Daerden ou à José Happart.
Aux libéraux : annoncer d’emblée la construction d’une nouvelle centrale nucléaire.
Aux verts, légaliser le cannabis et la coke et établir des accises sur les téléphones portables.
Si ces arguments sont insuffisants pour bloquer les négociations, abordez la question du voile. La pagaille est déjà annoncée depuis qu’une représentante du parti humaniste a décidé de siéger voilée à l’assemblée régionale bruxelloise. Comment refuser l’entrée du voile dans les écoles si l’exemple vient d’en haut ? Bonne chance avec les ailes laïques des partenaires et les syndicats d’enseignants.
Enfin, pour savonner la planche, n’oubliez pas de vous entourer d’ « experts » tous plus aptes les uns que les autres à rendre les choses catastrophiques : quelques noms circulent. Lippens et Frédéric Daerden pour aider les négociateurs à dépatouiller les comptes de la région et organiser les flux bancaires des organismes régionaux. Donfut pour fournir des rapports savants sur le fonctionnement des intercommunales et leur dépolitisation.
Et si, par malheur, les partis finissent par se marier, restera à dissoudre les chambres et à remettre ça aux fédérales.

Alain Berenboom
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TENUE DE SOIREE

Depuis deux ans que je l’attendais. Enfin, le revoilà, ce grand moment d’émotion et de plaisir, d’intelligence et de civilisation : la soirée électorale.
De civilisation ? oui. Car, dans une soirée électorale, on ne s’insulte pas, on ne se dispute pas, on se respecte. Philippe Moureaux est prié de remballer ses démons s’il veut passer devant les caméras; il lui est même interdit d’insulter ses propres troupes. Didier Reynders fréquente soudain les infréquentables. Les ecolos la jouent pepsodent avec qui leur fait des mamours. Et Joëlle Milquet insiste qu’on la maquille avec le sourire du Joker pour éviter que la caméra ne saisisse à son insu le moment où elle lira les résultats.
Pour un soir, on est co-pains !
Tout le monde est heu-reux !
Ils ont tous gagné !
Celui qui n’est pas le premier parti de Wallonie est néanmoins le premier si l’on ajoute à ses résultats ceux qu’il aurait eus dans le cas où.. et si on avait comptabilisé…
Celui qui est premier est triomphant : ne lui avait-on pas promis l’apocalypse ? Bien sûr, ses résultats sont en chute libre par rapport aux précédentes élections régionales et européennes. Mais qui compte ainsi ? Pour une comparaison sérieuse, il faut faire la moyenne entre les dernières élections fédérales, les élections communales et l’âge moyen de la population. Ce qui permet de conclure que le parti a sérieusement augmenté son taux de pénétration.
Bien sûr, pour gâcher la fête de nos stars, la télé nous sort ses spécialistes, des coupeurs de cheveux en quatre, qui relèvent qu’à cause de la séparation de la commune de Jehay-Bodegnée en deux entités, rattachées respectivement à Amay et à Verlaine, arrondissement de Huy, province de Liège, dix bureaux dépouillés sur soixante, les sondages à la sortie des urnes indiquent l’effondrement de … Tout le monde s’en moque de vos analyses. Ce qu’on veut, c’est du sang ! Joëlle foudroyant Didjé qui vient d’assassiner Elio, sous le regard bon enfant de Jean-mi. Au lieu de quoi, que nous offrent les radios et les télés ? Leurs visages souriants, leurs remerciements à leurs cher-z électeurs qui nous ont apporté leurs…, leur triomphe modeste. Et leurs déclarations, prononcées d’une voix mécanique, comme si la machine déjà les lâchait.
« Alors, président, comme vous l’aviez promis, pas d’impôts ?
– Je ne parle pas avec des slogans. Moi, j’agis. Nous aurons un comportement responsable.
« Pendant la campagne, vous avez jeté des exclusives contre certains partis. Toujours d’actualité ce soir ?
– Nous devons rester humbles devant l’ampleur de la tâche qui nous attend. En période de crise, on sauve d’abord les meubles, pas les présidents de parti.
Vivement la suite, avec les fédérales. Je m’en lèche déjà les babines !

Alain Berenboom
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LES TOILES MYSTERIEUSES

– Mille millions de mille sabords ! Où se trouve ce scrogneugneu de musée ?
– D’après mon pendule, un peu plus à gauche, capitaine !
– A gauche ? Mais… ce sont ces cornichons des Dupondt ! Que faites-vous ici ?
– On songe à changer d’air. Il paraît que le musée Magritte a besoin de deux gardiens et que nous ferions parfaitement l’affaire.
– Je dirais même plus. Il paraît que Magritte a besoin de deux musées et que…
– Sacrés bougres d’emplâtres sur une jambe de bois ! Magritte, c’était à Bruxelles la semaine dernière. Cette semaine, c’est le musée Hergé !
– Regardez, capitaine, derrière ce bosquet d’arbres, ce magnifique vaisseau blanc au milieu de cette épouvantable tempête médiatique !
– Une tempête, cette jolie petite brise ? Mais non, moussaillon. Un simple coup de tabac. Oh ! Alerte ! Aux abris ! Voilà Séraphin Lampion ! Trop tard, mille sabords !
– Tu tombes bien, vieux flibustier ! Je suis certain que tu connais les propriétaires de cette baraque. Dis-leur la chance qu’ils ont. Lampion est prêt à assurer tout leur bazar aux petits oignons.
– C’est que…
– Taratata ! C’est comme si c’était déjà signé.
– Vous ne nous accompagnez pas pour la visite ?
– C’est pas que je sois contre un peu de culture de temps en temps, galopin, mais franchement, dans la journée, je préfère un bon demi.
– Regardez, professeur, dans le hall, cette grande colonne qui rappelle votre fusée.
– Mon musée ?
– Repeinte en noir et blanc, quelle allure ! J’espère qu’elle portera chance à Frank Dewinne.
– Et là, cette passerelle qui serpente dans le ciel, elle est encore plus belle et plus folle que celle de l’Observatoire du professeur Calys.
– Sur le mur, moussaillon, les images des aventures où vous vous seriez épargné bien des plaies et des bosses si Hergé avait eu l’idée de me faire apparaître plus tôt !
– Et là, celles où je me suis trouvé dans des situations inextricables à cause de vous.
– Votre chien a l’air de grommeler, moussaillon ?
– Grommeler ? Alors que personne ne rappelle que, sans moi, vous ne seriez pas tous ici à vous admirer avec un air béat !
– Je suppose qu’il a trouvé un os à ronger.
– Et moi, une bouteille de Loch Lomond ! Il serait peut-être prudent que je vérifie si ce whisky est d’origine. Avec le nombre de contrefaçons qui circulent aujourd’hui…
– Que faites-vous capitaine ?
– Laissez boire un vrai spécialiste. Ah ! Dites donc, il a l’air authentique. Allez, encore une petite gorgée pour être sûr de ne pas me tromper. Mon Dieu, la Castafiore !
– Aaaaaaah ! Je ris de me voir si belle et si amusée !

Alain Berenboom
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CECI N’EST PAS UN MUSEE MAIS DEUX

Dans quelques jours vont être inaugurés le Musée Magritte et le musée Hergé. Sacrée coïncidence que cet hommage rendu à deux créateurs géniaux qui travaillaient le même art, vivaient à la même époque et dans la même ville mais qui ne se sont pas rencontrés. Aujourd’hui, le rapprochement entre les deux œuvres paraît évident. Trop évident ? Trop séduisant ? Trop facile ?
Tout sépare en fait les deux artistes. Magritte est un bouffeur de curés, aux idées révolutionnaires qui a flirté un moment avec le parti communiste, comme la plupart des autres membres du groupe surréaliste. Alors qu’Hergé était plongé dans un milieu catholique conservateur, et même réactionnaire. Sous la silhouette apparente de petit bourgeois bruxellois qu’ils affichaient tous les deux, se cachaient des hommes et des univers bien différents. La coexistence à quelques rues de distance d’artistes si différents (et qui s’ignorent !) est peut-être un des secrets de la magie belge.
Pourtant, on ne peut nier des points communs entre Magritte et Hergé. Le sens de la dérision, du pied-de-nez, de l’impertinence. Il n’y a qu’un pas entre la rue où jouent Quick et Flupke et celle de Golconde sur laquelle tombent des centaines de bonhommes en chapeau boule (encore un accessoire commun). Cette façon de ne pas se prendre au sérieux, typiquement de chez nous, explique sans doute le temps qu’il a fallu à l’un et à l’autre pour être reconnu hors de nos frontières.
L’importance du monde du rêve est évidente dès qu’on regarde un tableau de Magritte. Mais, en grattant un peu, on découvre qu’il en est de même pour Hergé. Les hallucinations du capitaine Haddock, prêt à enfoncer son ouvre-bouteille dans la tête de Tintin ou le passage des Dupondt devant une plaque de rayons X, qui les transforme en demi-squelettes, paraissent étrangement familiers aux amateurs de Magritte. Comme leur goût partagé pour le roman populaire, le « roman de gare ». Les titres des toiles de Magritte évoquent ceux des romans d’aventures et de mystère, autant que ceux d’Hergé : Le Château des Pyrénées, le Monde perdu, le Gouffre argenté ou encore l’Ile au Trésor et Le Drapeau noir font écho à l’Ile noire, à l’Oreille cassée et à l’Etoile mystérieuse.
Tous deux aussi ne cachent pas leur amour du cinéma burlesque. Magritte collectionnait les films de Buster Keaton, de Charlot et de Laurel et Hardy, dont Hergé n’a jamais caché l’influence qu’ils ont eue sur son sens du gag, élément essentiel de son œuvre.
A une époque où il est de bon ton de se « racrapoter » dans sa communauté, la culture belge revient en tornade, mille sabords ! Et c’est une sacrée gifle dans la figure de ceux qui pensent que la Belgique n’existe pas.

Alain Berenboom
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CHERCHEZ LA FEMME

Jadis (à l’époque bénie du rideau de fer), on s’inquiétait des humeurs de ces messieurs du Kremlin – les camarades femelles n’existaient pas. Un froncement de sourcil du czar rouge et le monde « libre » tremblait, les chancelleries s’agitaient comme une fourmilière menacée par le feu, les ministres européens se pressaient, tremblants et blêmes, comme si un tyrannosaure Rex venait de se réveiller sous leur nez.
Depuis la disparition des monstres rouges, ce sont les dames qui font la météo : calme plat, plein soleil, ouragan ou avis de tempête.
Quand l’une des épouses de Nicolas Sarkozy ne fait pas partie des bagages ou qu’elle n’apparaît pas à un raout officiel, la France entière s’interroge, bruisse de rumeurs. C’est la crise. Le président restera-t-il en place ? La république tremble sur ses bases. Peu importe les raisons du voyage, la situation internationale. Il n’y en a que pour madame : est-elle là ou pas ? Souriante ou maussade ? Et, surtout, comment est-elle habillée ?
Lors du récent déplacement en Espagne du président français, la crise financière, la lutte contre le terrorisme étaient passés à la trappe. Oubliés aussi les quelques mots maladroits à propos de M. Zapatero. Les folliculaires ne regardaient qu’une chose : les belles gambettes, les toilettes élégantes et les silhouettes cambrées des deux premières dames, photographiées de préférence de dos.
En Italie, tant que le ménage Berlusconi faisait illusion, le président du conseil pouvait multiplier les déclarations grotesques, faire voter des lois scandaleuses pour s’en mettre plein les poches dans la plus parfaite légalité et faire le clown devant les morts de la catastrophe de L’Aquila, rien ne pouvait entamer sa popularité. Que sa chère et tendre claque la porte et dénonce ses sympathies pour quelques starlettes, et c’est la dégringolade. Heureusement qu’à l’époque où J.F. Kennedy était président, les Etats-Unis n’avaient d’yeux que pour Khrouchtchev et Castro. Car ce n’était pas seulement un pauvre cigare qui faisait ses délices…
Le nouveau président d’Afrique du sud, M. Zuma, devrait se méfier. Ce pauvre homme est en effet flanqué de quatre épouses. Quatre madame Berlusconi… Ca promet !

Alain Berenboom
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PS : ça n’a rien à voir – quoiqu’il y est aussi question de femmes ! Ne ratez pas la reparution de « L’Incendie » de Mario Soldati (édition Le Promeneur), sublime romancier italien, mort il y a tout juste dix ans. Entre Venise, Turin et l’Afrique, Soldati nous offre une comédie à l’italienne qui est aussi un passionnant thriller et une superbe réflexion sur l’art.

DANS LE COCHON , TOUT EST BON

Sanction de la mondialisation ? De ses excès et de la crise ? Le nationalisme revient à la mode. Pour justifier sa petite entreprise, M. Modrikamen n’hésite pas à retrouver les trémolos tricolores d’une autre époque et dénoncer l’épouvantail français alors que sa « banque belgo-belge » serait surtout chinoise.
La grippe aussi a retrouvé les bons vieux accents nationalistes. Lors de son apparition, on l’avait baptisée « porcine ». Maintenant qu’elle s’étend sur toute la planète, elle est devenue « mexicaine ». Dans les restos, on respire. La côte de porc et le cochon de lait sont revenus à la carte. Et les tortilla rebaptisées omelette jambon. Ouf ! Dans le cochon, tout reste bon.
Mais l’étiquette, on s’en doute, ne fait pas l’affaire des Mexicains qui se battent pour refiler la patate chaude. Les meilleurs spécialistes en communication ont été mobilisés pour trouver un nouveau vocable avant que l’épidémie ne tue le commerce national. Les Espagnols n’en veulent pas. Ils rappellent à juste titre qu’ils ont déjà donné. Trente millions de morts.
Comme les paradis fiscaux ont mauvaise presse, pourquoi ne pas renommer la grippe liechtensteinoise ? a proposé un spécialiste. Mais les medias risquent de renâcler devant la complication. Saint Marin, Caïman ? Des étiquettes trop exotiques pour l’horrible virus dont l’image évoque plutôt le froid et la pluie.
Grippe belge, alors ? a suggéré un autre conseiller en éternuant bruyamment. Voilà un paradis fiscal idéal pour notre nouveau virus. Un nom connu, associé déjà, grâce à l’Europe, à la critique, à la raillerie et à la détestation.
Aussitôt, Didier Reynders a poussé un lamento déchirant et protesté officiellement auprès du gouvernement mexicain: grâce à ses efforts, la Belgique a échappé de peu à la liste noire des paradis fiscaux. Ce n’est pas pour y revenir par le biais de l’influenza. Les conséquences pour la gastronomie nationale risquent d’être catastrophiques. A quoi bon avoir sauvé le porc Cross & Blackwell si c’est pour tuer le bœuf bleu, blanc, belge ?
Le leader du M.R. soupçonne d’ailleurs que ce projet diabolique a été concocté par son rival socialiste. Certains laissent entendre que M. Reynders aurait chargé l’efficace détective de Jean-Marie Dedecker d’enquêter pour mettre à jour la mexican connection qui lie Mexico à Mons. Voilà qui expliquerait l’étrange silence de Jean-Claude Van Cauwenberghe et de José Happart sur les détails de leur « mission » en Californie : de San Diego à Tijuana, il n’y a qu’un pas. Redevenus amis-amis avec Elio Di Rupo, les deux hommes ont-ils négocié en secret ce mauvais coup ? Suite au prochain numéro…

Alain Berenboom
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LE TRESOR DE MEME

Le sauvetage de Fortis et de Dexia a donné des idées. On croyait les caisses de l’état vides. Erreur. Mémé avait caché dans un placard, sous plusieurs couches de vieux pulls troués par les mites, derrière la pile de journaux qu’elle avait gardés de l’époque où la Belgique était heureuse (la première victoire de Merckx, le mariage de Baudouin et de Fabiola, la visite du pape, la demande de naturalisation de Johnny Hallyday) quelques lingots d’or. Ce trésor, qui avait échappé aux Allemands et à tous les gouvernements dépensiers qui les ont suivis, mémé avait décidé cette fois de le sortir de sa planque. Pour une juste cause. L’effondrement des mines, de la sidérurgie ou de la Sabena, c’était pas gai mais tant pis. Mais la Banque qui vacille, c’est la Belgique qui disparaît.
Ainsi donc, l’état avait des économies… C’était le neveu de mémé, monsieur Didier, qui gère ses finances en bon père de famille, qui s’est souvenu de l’or, sous les pulls et les journaux. Naïvement, monsieur Didier croyait que la famille allait se réjouir d’avoir retrouvé le coffre et d’en avoir généreusement distribué le contenu. Pensez-vous ! Depuis, il ne cesse d’être sollicité, harcelé, critiqué. Il a beau dire qu’il a perdu les clés du placard, que d’ailleurs, il n’y a plus rien dedans, qu’il ne connaît pas les autres cachettes de mémé, et que sa mémoire n’est plus ce qu’elle était, rien n’y fait. Chaque jour, ils sont là à supplier, à mendier, à tendre la main. La société Untel qui a tant fait pour la Belgique, les joyeux mijoleurs du dimanche, les supporters de Mouscron, de La Louvière. Et pas seulement les Belges, hein ! On ignore comment ils l’ont appris. Mais, même les Somaliens frappent à sa porte ! Fortis se serait-elle vantée jusque sur les plages de la mer rouge des gentillesses de mémé et de son neveu ?
Cette fois, ce sont les patrons qui montent au créneau. Si les banquiers ont droit aux bijoux de famille, pourquoi pas nous ?
Dites donc, m’sieur Didier, à quelques semaines des élections, vous ne voulez tout de même pas qu’on mette nos employés à la porte, n’est-ce pas ? Alors, un p’tit geste…
Pourquoi ne pas faire payer par le contribuable le salaire de nos employés ? Poliment, on appelle ça la mise au chômage technique.
Le problème c’est que, le trésor de mémé étant dépensé, ne reste que le contribuable pour payer, c’est-à-dire justement les travailleurs qu’on menace de licencier. Autrement dit, pour garder leur emploi, les salariés vont devoir payer à l’état le montant de leur propre salaire pour que les entreprises ne les licencient pas, tout en assurant le salaire, les boni et autres primes de leurs dirigeants. Vous me suivez ?

Alain Berenboom
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VRAIMENT RIEN A DECLARER ?

Qu’est-ce qui évoque mieux les vacances que l’aéroport ? Ah ! Le ring quand surgit enfin cette indication exotique sur fond blanc : Zaventem, suivi du dessin d’un avion qui se crashe. En route pour Zaventem, c’est déjà un peu se glisser vers ailleurs. Les embouteillages au milieu des fumées des camions polonais ou croates, la queue pour atteindre l’aérogare, la queue pour s’enregistrer, la queue pour le café, un avant-goût de ce qui vous attend à la montagne ou à la mer. La dé-ten-te ! Et la queue pour le passage devant le policier fédéral de faction. Affronter son regard, son grognement devant vos papiers puis ce geste si doux de la main qui signifie : bonnes vacances ! Ou quelque chose d’approchant. Vous êtes passé, vous voilà dans la zone de transit. Un coup d’œil derrière votre épaule. Soulagement. Derrière vous, une famille genre qu’a pas l’air de chez nous et sur laquelle se jette le fonctionnaire zélé va retenir la file un sacré temps.
Vous pensiez en avoir fini ? Avant la queue pour montrer sa carte d’embarquement et la queue pour monter à bord, n’oubliez pas la queue devant les portiques de sécurité. Aussi dépaysant qu’un séjour à la prison de Forest ou au centre fermé de Vottem : enlevez votre montre, ôtez votre ceinture, déchaussez-vous ! Votre portefeuille dans un bac, avec vos bagues, et vos dents en or. Oh ! Au passage, le portique, décidément facétieux, a décidé de lâcher un joyeux ding, ding ? Tous les regards se braquent sur vous. Les flics relèvent la tête. Les autres passagers s’écartent, un peu inquiets. Direction, la cabine, s’il vous plaît (un gardien de l’ordre dit toujours s’il vous plaît, vous avez remarqué ?) Déshabillage en règle devant un bonhomme qui parcourt votre corps d’un air méfiant avec un appareil type compteur Geiger pour vérifier que vous n’êtes pas une bombe nucléaire vivante, qui va faire exploser dans trois minutes Zaventem waar Vlamingent thuis zijn.
Enfin ! Votre fauteuil dans l’avion ! A peine avez-vous fermé les yeux qu’un signal intempestif vous impose la séance de démonstration des consignes de sécurité. Si l’appareil plonge dans la mer, si la cabine est soudain dépressurisée, si le feu se déclare, si.. Excusez-moi, on peut sortir ? Oui, mais seulement entre deux gendarmes car qui voudrait abandonner la route tant enviée des vacances sinon un dangereux terroriste ?
Voilà le sort d’un bon Bruxellois de souche. Alors, songez comment les robots qui peuplent l’office des étrangers accueille un étudiant d’origine camerounaise, pressé de revenir en Belgique où il a brillamment réussi quatre années de polytechnique ?

Alain Berenboom
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