VRAIMENT RIEN A DECLARER ?

Qu’est-ce qui évoque mieux les vacances que l’aéroport ? Ah ! Le ring quand surgit enfin cette indication exotique sur fond blanc : Zaventem, suivi du dessin d’un avion qui se crashe. En route pour Zaventem, c’est déjà un peu se glisser vers ailleurs. Les embouteillages au milieu des fumées des camions polonais ou croates, la queue pour atteindre l’aérogare, la queue pour s’enregistrer, la queue pour le café, un avant-goût de ce qui vous attend à la montagne ou à la mer. La dé-ten-te ! Et la queue pour le passage devant le policier fédéral de faction. Affronter son regard, son grognement devant vos papiers puis ce geste si doux de la main qui signifie : bonnes vacances ! Ou quelque chose d’approchant. Vous êtes passé, vous voilà dans la zone de transit. Un coup d’œil derrière votre épaule. Soulagement. Derrière vous, une famille genre qu’a pas l’air de chez nous et sur laquelle se jette le fonctionnaire zélé va retenir la file un sacré temps.
Vous pensiez en avoir fini ? Avant la queue pour montrer sa carte d’embarquement et la queue pour monter à bord, n’oubliez pas la queue devant les portiques de sécurité. Aussi dépaysant qu’un séjour à la prison de Forest ou au centre fermé de Vottem : enlevez votre montre, ôtez votre ceinture, déchaussez-vous ! Votre portefeuille dans un bac, avec vos bagues, et vos dents en or. Oh ! Au passage, le portique, décidément facétieux, a décidé de lâcher un joyeux ding, ding ? Tous les regards se braquent sur vous. Les flics relèvent la tête. Les autres passagers s’écartent, un peu inquiets. Direction, la cabine, s’il vous plaît (un gardien de l’ordre dit toujours s’il vous plaît, vous avez remarqué ?) Déshabillage en règle devant un bonhomme qui parcourt votre corps d’un air méfiant avec un appareil type compteur Geiger pour vérifier que vous n’êtes pas une bombe nucléaire vivante, qui va faire exploser dans trois minutes Zaventem waar Vlamingent thuis zijn.
Enfin ! Votre fauteuil dans l’avion ! A peine avez-vous fermé les yeux qu’un signal intempestif vous impose la séance de démonstration des consignes de sécurité. Si l’appareil plonge dans la mer, si la cabine est soudain dépressurisée, si le feu se déclare, si.. Excusez-moi, on peut sortir ? Oui, mais seulement entre deux gendarmes car qui voudrait abandonner la route tant enviée des vacances sinon un dangereux terroriste ?
Voilà le sort d’un bon Bruxellois de souche. Alors, songez comment les robots qui peuplent l’office des étrangers accueille un étudiant d’origine camerounaise, pressé de revenir en Belgique où il a brillamment réussi quatre années de polytechnique ?

Alain Berenboom
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POUR QUI SONNE LE GLAS ?

Tout est aujourd’hui source d’angoisse. Même ces bonnes fêtes de Pâques, image jadis du bonheur bon enfant et sans arrière pensée. A l’idée que le Vatican nous envoie ses cloches, maintenant, la planète tremble. Cardinaux, évêques et curés implorent le ciel. Que nous réserve cette année Benoît XVI, le Gérald Ford des temps modernes ?
Après ses propos désolants sur les musulmans, la réintégration d’un évêque illuminé révisionniste, le découragement du préservatif et le silence sur l’excommunication d’un médecin qui a sauvé la vie d’une gamine au Brésil, de quoi va-t-il farcir les œufs ?
Jaloux du succès médiatique du G 20 et de la réunion de l’OTAN, on peut lui suggérer, pour revenir à l’avant-plan de l’actualité, quelques idées susceptibles de lui rendre un peu de popularité: l’excommunication d’Obama pour avoir critiqué le très saint et très pieux Georges Bush, la conversion à titre honorifique du nouveau ministre israélien des affaires étrangères pour ses aimables propos sur les Arabes, histoire d’annoncer joyeusement son voyage en terre sainte, la béatification de Rudolf Hess pour avoir voulu empêcher les Alliés de vaincre la pauvre Allemagne, l’obligation pour tous les curés de plus de cinquante ans de porter une Rolex pendant la messe, le port de la burka par les ministres sociaux-chrétiens obligés de cohabiter dans des gouvernements de coalition avec des politiciens sans Djeu.
Après l’affront commis par la Belgique, dont le parlement a voté la condamnation de ses propos, il pourrait aussi décider, en rétorsion, de transposer dans une encyclique la directive européenne qui autorise d’appeler « chocolat » une confiserie où le bon beurre de cacao est remplacé par des graisses végétales.
Le souci d’ouverture du pape a été mal compris : son erreur a été de se déporter vers l’extrême droite au lieu de pratiquer, à l’instar du président Sarkozy, la récupération de la gauche. Plutôt que de rallier les quelques centaines d’égarés gâteux de monseigneur Lefèbvre, il ferait mieux de récupérer les communistes, en mal de leadership. D’Amérique latine à Cuba, de Moscou à Hanoï, ils sont orphelins d’un vrai patron qui leur montre le chemin du paradis. S’il proclamait Staline et Lénine bienheureux, Benoit XVI gagnerait à sa cause quelques millions de bolcheviques à la dérive. Dans une église en mal de vocation, il transformerait facilement des militants professionnels en curés de choc, prêts à porter sa bonne parole. Ce serait trahir l’œuvre de Jean-Paul II ? Bah ! La trahison a commencé dès son élection…

Alain Berenboom
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L’HONORABLE MR OMAR

Monsieur Omar Al-Bachir était, jusqu’il y a peu, le calife, le boss (ou, comment appelle-t-on au juste un président qui s’est mis la couronne tout seul sur la tête ?) d’un pays appelé le Soudan. Principale curiosité, la moitié de sa population a passé des années à massacrer l’autre moitié. Quand la paix a finalement été signée, des centaines de milliers d’habitants de la région du Darfour (en tout cas ceux qui ont réussi à échapper aux milices du calife) se sont réfugiés dans les pays voisins où ils survivent au milieu du désert, sans rien, sinon l’aide internationale. De mâles résolutions ont été prises à l’ONU pour que les pays civilisés (et les autres, ceux qui fournissent le lot habituel de casques bleus) ramènent ces gens chez eux et que le gouvernement du Soudan redevienne un peu plus présentable. Opération difficile pour des dirigeants qui avaient jadis invité Oussama Ben Laden à y installer le centre de ses activités.
Bref, toutes ces histoires d’Arabes et de Noirs n’ont guère ému le bon peuple de chez nous jusqu’à ce qu’un tribunal international installé en Hollande décide un beau jour d’inculper Mr Omar pour crimes contre l’humanité et prie les états membres de l’ONU d’arrêter la calife au passage pour le renvoyer vers La Haye où une petite tente bien chauffée l’attend, juste à côté de celle de Mr Radovan Karadzic, un de ses collègues déchus.
Quelle maladresse ! Quel manque de diplomatie ! Ces juges avaient-ils mangé trop de fromage ? bu trop de genièvre ? Mr Omar qui ne dérangeait personne s’est transformé en victime, donc en héros. Soutenu par les démocrates chinois (qui s’abreuvent à son pétrole et à son uranium, extrait du Darfour, comme c’est curieux), égyptiens et libyens, Mr Omar a aussitôt été reçu en grande pompe par la Ligue arabe réunie à Doha. Passant, la tête haute, les portiques de sécurité. Applaudissements, place d’honneur, tout le tralala.
Si le secrétaire général de l’ONU, Ban-Ki-moon, en a avalé sa bouteille d’eau, étiquette et bouchon compris, l’histoire ne le dit pas. Mais c’est la seule raison que je vois au fait qu’il ne soit pas sorti de la séance en claquant la porte.
L’explication de cette provocante invitation est simple : lorsqu’un dirigeant politique assassin est poursuivi par le TPI, c’est parce qu’il est un dirigeant politique assassin ; quand l’honorable Mr Omar est poursuivi, c’est parce qu’il est un dirigeant africain et musulman.
Bien sûr, si le pays de Mr Omar n’était pas une éponge gorgée de pétrole, avec en guise de dessert, une pincée d’uranium, le cher homme serait à l’ombre depuis longtemps. Et sans air conditionné.

Alain Berenboom
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LES SENIORS RIENT

Avant la crise, la règle était : place aux jeunes ! Dehors, les anciens, les vieux birbes et les barbes mitées ! La culture de la consommation avait instillé ses réflexes jusqu’en politique et même en sport. C’était le bon temps où Yves Leterme, tout neuf sur la scène nationale, écrasait ses adversaires du haut de ses huit cent mille voix, où l’on redécouvrait un parti social chrétien « new look » peuplé d’inconnus aux figures poupines qui flirtaient avec le séparatisme, où l’on pariait sur l’équipe des « jeunes » du Standard, où l’on vantait le dynamisme de ces « nouvelles » banques qui avaient enterré à coups de milliards les vénérables institutions poussiéreuses, CGER, Crédit communal et autres dont on a oublié le nom pour imposer une gestion « audacieuse » de leurs investissements, en se moquant de la pusillanimité des établissements de jadis.
Partout, la valse aux étiquettes : GB devenait Carrefour, la télévision publique envoyait aux orties son nom et son logo pour renommer ses chaînes de télévision et faire oublier la RTBF, appellation trop ringarde. Et Verhofstadt, à la dérive, changeait de paires lunettes tous les mois pour essayer de rester dans le coup.
En quelques semaines, tout a changé. La formation au forceps du nouveau gouvernement aurait dû mettre la puce à l’oreille. Qu’il ait fallu faire appel au glorieux ancêtre Wilfried Martens pour venir à bout de l’impasse était un signe. Dans sa foulée, la vague a effacé tout ce qui avait changé. Les « nouvelles banques » se sont honteusement effondrées, tout comme le pauvre Yves Leterme. Et les sociaux chrétiens, balayant leurs nouvelles pousses et leurs alliances séparatistes, ont cherché le salut dans les bras de Herman Van Rompuy, présenté jusque là comme un politicien au placard.
La contagion a atteint les autres partis. Les libéraux, qui les poussaient vers la sortie, supplient maintenant Verhofstadt et Louis Michel de les sauver. Et les socialistes de Charleroi ne trouvent leur salut que dans le retour de Van Cauwenberghe et de sa joyeuse équipe de pieds nickelés. Même Ecolo s’y est mis en plaçant en vedette Jean-Claude Defosset, joyeux turlupin mais solide retraité, plutôt qu’une génération nouvelle comme le parti vert le faisait jadis.
En sport, on attend Lance Amstrong pour sortir ce sport sinistré de sa morosité et en tennis, Kim Clijsters pour retrouver les bonheurs d’autrefois. Quant au Standard, il réfléchit très sérieusement au retour de Leon Semmeling et de Christian Piot.
Avec l’allongement probable de l’âge de la pension, vu l’état des finances publiques, les jeunes ont des cheveux blancs à se faire…

Alain Berenboom
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CECI N’EST PAS UNE LECON DE MORALE

Cela valait-il la peine de passer la nuit à faire la queue pour inscrire son enfant, de pleurer de joie parce qu’il a enfin décroché son billet d’entrée pour que, une fois en classe, on lui enseigne que le génocide nazi n’était pas si terrible que ça et que l’holocauste est une affaire bien exagérée ?
Il y a quelque chose de pourri dans le domaine enchanté de l’école. Mais, contrairement à ce qui se dit souvent, pas tellement du côté des élèves. D’après ce que j’ai lu, ce sont eux qui ont interpellé leur prof de religion après l’avoir entendu contester le récit d’un rescapé des camps: « C’est vrai ce que dit ce type ? Mais alors, pourquoi nous raconter le contraire ? »
Que les enfants (et la plupart de leurs profs) soient assez lucides pour dénoncer le discours dévoyé d’un de leurs enseignants prouve sans doute qu’on leur a appris à réfléchir et à réagir. Mais que ce discours ait pu être tenu en public, sans honte, est aussi la preuve que l’école est décidément bien chahutée ces temps-ci, et pas seulement à cause des extravagances et des caprices de ses ministres de tutelle. Quoique, de ce côté-là, on n’a jamais été très gâté. Il y a quelques années déjà une ministre de l’enseignement n’avait rien trouvé de mieux que d’inaugurer son règne en renvoyant une partie des profs au chômage, pour devoir, dès la rentrée suivante, supplier les retraités de bien vouloir reprendre du service, vu l’affluence dans les classes…
On voit tous les jours des exemples formidables d’initiatives personnelles de profs et d’étudiants pour dynamiser la pédagogie, faire aimer les sciences ou la culture, donner les clés d’accès à la littérature ou au théâtre. Ou tout simplement pour apprendre à des enfants venus d’ailleurs notre langue et leur en faire miroiter les merveilles. Mais, avec si peu de moyens que l’on comprend pourquoi, malgré leur dévouement et leur dynamisme, l’enseignement de la communauté française ne cesse de dégringoler dans le hit-parade européen (quelles que soient les réserves qu’on peut émettre à propos de ce type de classement).
A voir la façon dont nos gouvernants dotent l’école, l’organisent et entretiennent ses locaux, à la manière dont ils traitent les parents, on peut avoir quelque doute sur l’intérêt qu’ils portent au département dont ils ont la charge. Jusque là, on a mis toutes ces négligences sur le compte de la pauvreté générale des budgets. Mais, devant la capacité soudaine à mobiliser des moyens extravagants dès que les banques privées crient au secours, on s’interroge.
Qui fera la Belgique de demain ? Quelques banquiers ou les têtes multicolores qui peuplent nos écoles ?

Alain Berenboom
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LE PROCES-VERBAL (EXTRAITS)

Didjé – Je jure que je n’ai jamais téléphoné à un juge de ma vie. Vous me confondez avec Anne-Marie Lizin.
Juge 1 – J’ai pas dit que Didjé m’a téléphoné. J’ai dit que des indices sérieux de présomption me font suspecter que quelqu’un a peut-être…
Yveke – En tout cas, c’est pas moi !
Jo- Moi, j’ai reçu un coup de fil de Yveke qui me disait comme ça que Didjé avait reçu un appel de son collaborateur qui a été informé par l’avocat qui avait parlé au procureur, lequel a signalé que le juge s’était levé de mauvaise humeur et que c’était peut-être pas le jour qu’il prononce son jugement. Mais que le bâtonnier lui a interdit de le confirmer.
Didjé – Mon collaborateur s’est juste contenté de prendre des nouvelles. Dans notre métier, on passe son temps à prendre des nouvelles des gens. Vous n’imaginez pas le nombre de fois qu’on dit « et vous, ça va ? » dans une journée.
Yveke : ça, c’est vrai. Quand j’étais à l’hôpital, ils sont tous venus proposer de me remplacer. Tant d’attention, ça m’a vite remis sur pied.
Juge 2. – Mes collègues sont aussi venus me rendre visite quand je suis tombée malade juste pendant la délibération sur le jugement. Il y en a même un qui est entré par la cheminée, déguisé en père Noël et qui m’a dit : tiens signe ici, c’est juste une carte de vœux pour le président de la cour.
Juge 1 – Elle n’était même pas malade. Juste un peu de dépression.
Juge 2 – Si vous travailliez au palais, vous feriez aussi de la dépression ; et pas un peu !
Didjé – On voit que vous n’avez jamais pointé le nez dans le milieu politique. Moi qui n’ai qu’un plaisir dans la vie, passer la soirée avec un bon livre au fond de mon canapé, je suis obligé de souper avec mes « amis », Gérard et Olivier, pour préparer le petit déjeuner avec mes « alliés », Elio, Joëlleke, Herman et les autres avant d’aller me geler au football puis serrer la main des ouvriers d’usines dont je sais qu’elles vont fermer à la fin du mois, en leur disant avec un beau sourire « tout va bien » ! En rentrant au cabinet, je me fais engueuler par mes collègues étrangers parce que les banques belges entraînent celles de leurs pays dans la déroute et que l’euro s’enfonce à cause de notre dette publique.
L’huissier : – Monsieur le président, la planète vient de basculer sur son axe, les Etats-Unis ont fait aveu de faillite et la Chine a envahi la Russie.
Le Président (en rage) : – Tout est donc prétexte ici pour tenter de freiner le vrai débat, le seul qui intéresse nos citoyens: avez-vous ou non téléphoné au juge qui… ?

Alain Berenboom
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SMALL IS BEAUTIFUL

Une information importante est passée un peu inaperçue cette semaine au milieu du tohu-bohu général, la rencontre entre le nouveau ministre de l’intérieur, Guido De Padt, et les quatre syndicats représentatifs de la police. A l’issue de leurs conversations, ces charmants jeunes gens ont décidé de maintenir le règlement qui fixe à 1 m 52 la taille minimale pour entrer dans la police.
Après tous les ratés de ces derniers mois (accord boiteux à Fortis, échec des négociations communautaires, naufrage du budget et autres joyeusetés), voilà enfin une décision qui réconciliera les citoyens avec le gouvernement fédéral. Il faut dire que monsieur Reynders n’y est pour rien.
Face à une population qui grandit à chaque génération, surtout les brutes, les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre (que la crise sociale et économique va multiplier) risquent en effet de tourner à la déroute de nos pauvres agents. Sauf, justement, si les grandes gueules se trouvent soudain face à des mini-flics, mobiles, imprévisibles, capables de leur casser les pattes, mordre leurs mollets et leur péter la rotule. S’ils s’enduisent en plus le corps d’huile, ces super flics seront insaisissables.
Autre idée pour déconcerter des manifestants un peu nerveux : placer deux mini flics l’un sur l’autre, pour en faire un géant, comme ceux qu’on promène ces jours-ci dans les villes de Wallonie. Quatre poings jaillissant de la pèlerine prouveront qu’un flic peut en cacher un autre.
L’idée pourrait être étendue à d’autres professions. Permettant de sauver des emplois. Car un grand professionnel peut être remplacé par trois, voire quatre petits. Pour conduire un camion, un chauffeur se chargera des pédales et un autre du volant, pendant que le troisième actionnera les vitesses et le dernier s’occupera du café.
En politique, cette idée fera des heureux : si la taille des députés est limitée, leur nombre pourra être multiplié par deux sans modifier la grandeur de l’hémicycle. Cela permettra aussi aux ministres, soumis à un calendrier d’enfer de se faire remplacer : s’il y avait trois petit Reynders au lieu d’un grand, chacun d’eux aurait pu se partager les terribles chantiers qu’un seul a dû affronter. La règle a ses limites : imaginer quatre mini-Lizin au lieu d’une a de quoi donner le frisson…
La nature n’a-t-elle pas montré l’exemple, en faisant disparaître les grands monstres qui jadis peuplaient la planète ? Si les dinosaures se sont transformés en oiseaux, l’homme peut devenir fourmi. Une solution ingénieuse pour sauver la planète, soit dit en passant.

Alain Berenboom
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SAINT VALENTIN

A l’heure des familles recomposées, on ne fête plus tout à fait la Saint Valentin comme jadis.
Maintenant, les couples, se font, se défont et se refont selon des ordres et dans des désordres parfois byzantins. Un exemple au hasard, chez les Fortis, tenez, nos voisins qui tenaient jadis le haut du pavé.
Quelle aventure ! Après avoir largué monsieur Maurice, madame F. s’était donnée à monsieur Didier, un homme chic mais qui n’a pas beaucoup de temps et qui l’a jetée dans les bras de monsieur Baudouin, un homme bien, genre beaux quartiers de Paris, avec des crolles grises, un prénom rassurant et un sourire économe.
L’amour, l’amour, c’est très beau mais il ne faut pas oublier les enfants dans le placard, sinon ils ruent dans les brancards !
A l’époque où ils étaient petits, je me souviens comme les Fortis étaient fiers de leurs lardons! Et puis, ils ne le disaient pas, mais leurs enfants leur rapportaient beaucoup d’allocations familiales. Sans oublier le petit Chinois que le couple a adopté il n’y a pas très longtemps, vu qu’il y avait une prime à la clé et que les allocations ne suffisaient plus à assurer leur train de vie. Les vieux couples, ça s’habitue au luxe. Et ça n’oublie pas que le code civil impose aux enfants de prendre en charge leurs chers parents dans le besoin.
Mais voilà, les enfants, au fond, n’aiment pas la saint Valentin. En tout cas, celle de leurs parents.
Chez les Fortis, ils avaient organisé une grande party pour célébrer les nouvelles amours de madame F. et de monsieur Baudouin. Même que monsieur Didier, pas bégueule, avait accepté de venir à la fin de la réception pour lever son verre de champagne français en l’honneur du couple. C’est qu’il doit montrer sa tête dans les fancy fairs vu qu’il est en campagne. Mais les enfants, une fois encore, ont gâché la fête. Alors que le duo d’amoureux s’échangeaient des mots doux, des lingots d’or et des baisers ardents, voilà que les enfants se sont mis à les bousculer, les invectiver et, comme s’ils n’avaient pas fait assez de dégâts, à révéler leurs secrets de famille les plus honteux. On se serait vraiment cru dans « Festen », le film de Thomas Vinterberg.
Bref, la cassure bête et brutale. Monsieur Baudouin est rentré à Paris avec ses crolles de plus en plus grises et son sourire de plus en plus économe, monsieur Didier s’est esquivé sur la pointe des pieds. Et madame F, la pauvre, a fini la Saint Valentin à ramasser, toute seule, les serpentins, les cotillons, et à essuyer la colère qui avait dégouliné sur la moquette. Mais elle continue de croire à l’amour. Sauf que la prochaine fois, elle le vivra caché. Loin des marmots.

Alain Berenboom

UN HOMME MORDANT

Personne n’a jamais réussi à répondre à cette question faussement simple : peut-on rire de tout ?
Pierre Desproges s’en est tiré par une pirouette. On peut rire de tout mais pas avec tout le monde. Encore faut-il comprendre Pierre Desproges. Ce ne semble pas le cas du très limité sénateur Front (bas) national Michel Delacroix qui a traduit à sa façon le précepte desprogien en faisant pour ses amis (seulement pour ses amis, croyait-il) l’apologie de l’extermination nazie sur l’air de « l’eau vive » du pauvre Guy Béart. Comme l’un de ses amis était un traître, l’élu du peuple s’est retrouvé tout nu –et ce n’est pas beau, pas tellement plus beau et surtout pas plus comique que les très bonnes blagues de Jean-Marie Le Penn et de Dieudonné.
L’humour juif semble décidément à la mode ces temps-ci. Voilà que le service public de télévision flamande plonge à son tour dans le vivier.
A voir l’émission « Man bijt hond » (L’homme mord le chien), on peut penser que la Flandre est désormais gouvernée par un nouveau cartel, Vlaams Belang et NV-A (tendance Bart De Wever qui avait critiqué le bourgmestre d’Anvers parce qu’il avait présenté les excuses de la Ville à propos du comportement des services administratifs et policiers pendant la guerre). Et que la VRT en est devenu son porte-parole officiel.
Réagissant aux critiques suscitées par les déclarations du ministre Anciaux, champion des à peu près populistes, qui avait comparé l’armée israélienne au tueur de Termonde, la VRT s’est ému de ce que « les Juifs » sont fâchés sur le si brave Bert et elle a fait la liste de ceux contre lesquels « les Juifs ne seraient pas encore fâchés » : les amitiés judéo-américaines, la Bourse du diamant. Et défilent les images de juifs pieux en vêtements hassidiques, de personnalités juives anversoises, mais aussi de montres Rolex et de voitures Rolls Royce. De la critique de la politique israélienne, la VRT est passée sans vergogne, à celle des Juifs dans leur ensemble avec l’utilisation de tous les clichés y compris (surtout) l’argent.
« Je me demande si cela pourrait se produire sur une autre émission publique en Europe » se demande effaré le député VLD d’Anvers Claude Marinower (administrateur de la VRT). C’est le cinquième dérapage de la VRT en trois mois sans que les milieux politiques flamands ne s’en émeuvent.
Charlot, Laurel et Hardy, Mr Bean mais aussi Sempé, Goscinny ou Hergé, Tati, Westlake, Labiche, Evelyn Waugh ou Vonnegut ont démontré que l’on peut faire rire le monde entier. Les mêmes gags, les mêmes subtilités arrachent le même sourire à Hollywood et à Bombay, à Tel Aviv, à Anvers et à Bagdad, aux enfants comme aux adultes. Faudra-t-il parler désormais de l’exception culturelle du service public flamand ?

Alain Berenboom
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L’OPIUM DU PEUPLE

Jadis, la Russie soviétique et la Cuba castriste partageaient la même haine de l’opium du peuple. Curés, prêtres et autres gens de robe devaient se tenir à carreau pour échapper à la persécution. Puis, il y eut la grande cassure, la chute du mur et de tout l’empire soviétique. Sur les ruines de l’empire, on vit Eltsine puis Poutine, devenus plus catholiques que le pape, si l’on ose dire, parader avec les représentants de l’église orthodoxe. Et le pape Jean Paul II se précipiter dans la patrie du communisme tropical pour serrer dans ses bras Fidel, redevenu soudain fils bien aimé de l’Eglise.
Chacun semblait avoir choisi son camp. A ma droite les Russes, flattant les dignitaires orthodoxes de Moscou; à ma gauche, Cuba, séduisant le pape de Rome. Tous deux se tournant le dos.
En quelques mois, Cuba, lâché par ses anciens protecteurs aurait sombré économiquement si le fan-club de Neckermann ne s’était précipité à son secours. Indifférente à son ancienne colonie, la Russie avait d’autres chats à fouetter que les cannes à sucre et les bases militaires de l’Amérique tropicale.
Or voilà que La Havane et Moscou viennent de renouer spectaculairement leurs relations. Une flottille militaire russe est revenue mouiller près de la capitale cubaine, tandis que Raul Castro part pour une semaine exhiber son bel uniforme vert bouteille dans la capitale russe.
Mais, quoi de plus symbolique pour marquer ce rapprochement que cet événement, passé trop inaperçu : l’inauguration de la première église orthodoxe de l’île par le nouveau patriarche de Moscou et de toutes les Russies, le métropolite Cyrille ?
Pourquoi Moscou s’intéresse-t-elle à nouveau à la petite île américaine ? Pour le sucre ? Non, merci, celui de Tirlemont est mieux emballé. Pour la base militaire ? Guantanamo va être vidé de ses terroristes, malgré les protestations de Anne-Marie Lizin, mais elle ne sera pas avant longtemps en état de remplacer les camps de Sibérie (la base, pas Lizin).
Non, ce qui fait revenir les Russes à La Havane, c’est Dieu. Jadis, pour faire ami-ami avec Moscou, il fallait embrasser la faucille et le marteau, cracher sur la bible et agiter les photos de Marx, Lénine et de leurs étranges rejetons, Brejnev et consorts. Maintenant, le dernier chic, c’est d’exhiber des prêtres barbus (ça tombe bien !), dresser la croix et admirer Jésus (un barbu, encore) et ses étranges rejetons, Poutine et consorts.
Les voies du seigneur sont décidément impénétrables. Il est un peu paradoxal que Dieu ait soufflé à Poutine le tuyau pour revenir à Cuba plutôt qu’à G.W Bush, qui était pourtant en permanence branché sur sa ligne.

Alain Berenboom
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