IL ETAIT UNE FOIS ELIO ET BART

Ce jour-là, le petit chaperon rouge s’en allait tout guilleret dans la forêt rejoindre son oncle qui, lui avait-on dit, vivait dans une maison-forteresse, au milieu de ses chiens.
On lui avait toujours caché l’existence de cet oncle, qui avait mauvaise réputation. Paraît qu’il lâchait des insanités et crachait à table. Quand le grand-père était tombé malade, l’avait refusé de payer son obole comme le reste de la famille. Mon argent, c’est pour moi et mes chiens ! il avait répondu avant de s’enfermer dans son bunker. Les mauvaises langues chuchotaient même que des cadavres pourrissaient dans son placard depuis la dernière guerre.
Mais tout ça, pensait le p’tit chaperon rouge, c’est de l’histoire ancienne. Maintenant qu’il était devenu lui aussi grand et fort, il se sentait prêt à le rencontrer et, qui sait, à le ramener au sein de la famille. L’avait un côté un peu missionnaire, le p’tit chaperon rouge, toujours à vouloir faire le bien autour de lui. Il se disait aussi que l’oncle ne devait pas être aussi méchant que le prétendait son entourage. On exagère toujours les défauts de ceux avec lesquels on ne parle pas. Il n’avait pas peur, le p’tit chaperon rouge. C’était pas une oie blanche comme dans les histoires pour enfants. Les coups, il en avait pris et il en avait donné. Demandez à Didgé l’amer, la terreur du village, qu’il venait de laisser K.O. sur le carreau.
Mais, dès qu’il pénétra dans la forêt, le p’tit chaperon rouge n’en mena plus aussi large. Les arbres ne ressemblaient pas à ceux de son village. On aurait dit des plantes carnivores qui grognaient à son passage. Sur le chemin, il avait croisé des maçons qui lui avaient conseillé de retourner sur ses pas tant qu’il était encore temps. Ils étaient chargés de construire un grand mur pour protéger la forêt de toute invasion extérieure.
Quand il aperçut enfin une lueur près d’une clairière, il devina qu’il n’était plus très loin.
Son oncle – ce devait être lui- l’attendait sur le pas de la porte. Un homme gigantesque dont les bras ressemblaient à des jambons et les yeux à des œufs sur le plat.
En le voyant s’avancer vers lui, l’oncle hocha la tête.
« Ainsi, c’est toi mon neveu ? Je ne t’imaginais pas tout à fait comme ça. Toi non plus sans doute. Dis-moi, trouves-tu que je ressemble à un monstre ?
– Nooon, murmura le p’tit chaperon rouge. Tout de même, tu as une grande bouche…
– Ca, c’est pour mieux chanter la Brabançonne, mon enfant.
– Et de grands pieds…
– Ca, c’est pour mieux botter le cul de ceux qui tentent de s’établir dans ma forêt.
– Et de grands yeux…
– C’est pour mieux t’hypnotiser, mon enfant.
– C’est vrai, je me sens tout drôle…
– C’est parce que tu as compris que je vais te manger, mon enfant…

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