FRIC FRAC CHEZ MA TANTE

Où va-t-on si même des employés du mont de piété se mettent à piquer dans la caisse ?
On pensait que l’usure était dans le taux. Pas du tout, elle était dans le système. Comme le ver est dans la pomme.
Personne ne sera surpris d’apprendre que ce sont les bijoux sur lesquels se seraient jetés des employés de chez ma tante (le nom pudique que l’on donnait à cette institution dans mon enfance). Depuis quinze ans, nos dirigeants politiques ont entrepris eux aussi de brader nos bijoux de famille. Peut-on reprocher à de braves fonctionnaires de prendre leurs dirigeants pour modèle ? Entreprises publiques privatisés n’importe comment, telle la poste dont le premier actionnaire étranger est rapidement reparti avec une partie du trésor. Bâtiments publics vendus à la hâte puis reloués aux administrations par l’acheteur à des prix défiant toute concurrence. Bâtiments scolaires confiés à des partenaires privés à des prix prohibitifs. Annonce d’un partenariat public-privé à l’administration de la Politique scientifique dont les établissements publics, tels les musées, seraient priés d’apporter en dot aux sponsors privés des droits d’auteur qu’ils n’ont pas. L’exemple vient de haut !
La raisons de cette politique ? Pour obéir à une directive européenne, notre déficit doit être drastiquement diminué. En mettant fictivement une partie des dépenses publiques à charge de partenaires privés, les comptes de l’état apparaissent soudain aussi sains et roses que les joues du ministre grec des finances lorsque son pays a rejoint la zone euro. Certains appellent ça du détournement. Justement ce dont on soupçonne certains employés du mont-de-piété…
Mais n’allons pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! Et faire disparaître cette vénérable institution qui remonte à la Renaissance parce que certains de ses travailleurs sont soupçonnés d’avoir fauté.
Dans l’état où se trouve notre état, ma tante va sans doute être bientôt sollicitée par les plus hautes autorités. Sur son site, le bureau municipal de prêt défend son rôle avec vigueur : « quelques chiffres des opérations, en continuelle augmentation, du Mont-de-Piété de Bruxelles prouvent, s’il en est encore besoin, le rôle presque indispensable que joue encore de nos jours, une telle institution, dans le paysage financier. »
Pendant que les mieux élus de nos politiciens se disputent, à coup de gaufres, si les inscriptions bilingues à Bruxelles doivent être d’abord en français ou en néerlandais et dans quelle langue seront rédigées les notes de gaz et de téléphone entre Halle et Vilvorde, il faudra bien trouver vingt cinq milliards. Comment ? En bazardant ce qui reste de l’état fédéral chez ma tante. Si vous avez le cœur bleu, blanc, belge, vous pourrez racheter la baraque dans un an et un jour.

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