IMPLANT : UN BON PLAN ? 

 En ces jours tourmentés, les Européens ne savent plus où tourner la tête pour manœuvrer au milieu des tempêtes vu que personne ne sait où on a rangé la boussole. Cherche capitaine désespérément. Macron a perdu le nord. Meloni n’a pas séduit le sud. Geert Wilders a prouvé que crier n’importe quoi ne suffit pas à faire avancer le bateau. Alors, vers quelle nouvelle idole se tourner pour éviter de se noyer d’autant que l’approche des élections européennes provoque la fièvre dans les troupeaux ? 

Elon Musk serait-il l’oiseau rare ? Aurait-il déniché la pierre philosophale ? Une pierre directement implantée dans les cerveaux.  

Laissons à l’enfant prodige sud-africain, entre autres trouvailles impressionnantes, le talent de transformer ses échecs en autant de triomphes. Ainsi, la célébration bruyante avec paillettes du départ de la fusée Starship a réussi à occulter le fait qu’elle a explosé quelques secondes après son décollage. 

Une aussi belle réussite que l’achat du réseau Twitter (pour plus de quarante milliards de dollars) devenu le terrain de chasse des fous, menteurs et conspirationnistes. Autant de faits d’armes qui pourrait inspirer les politiciens belges en mal de coups d’éclat et de sex-appeal. 

Son dernier gadget, un implant destiné à augmenter considérablement les capacités du cerveau. Au passage, on se demande pourquoi Elon Musk préfère se shooter à la kétamine que de se faire placer un de ses brols dont il est si fier pour secouer ses cellules grises. A moins qu’il ait du mal à imaginer que son cerveau puisse être encore plus performant.  

On ne fera pas l’injure de nommer les politiciens de chez nous pour lesquels au contraire il y a encore de la marge, beaucoup de marge. Mais ce procédé permettra peut-être à la Wallonie de se désembourber enfin. Depuis plus de trente ans, les plans ont succédé aux plans. Sans effet. Peut-être qu’avec un implant, il y en aura un enfin à faire pâlir d’envie les Flamands ? 

Pour la composition des listes électorales aussi, G. L. Bouchez cherche implant. Depuis que Charles Michel a fait exploser son beau château de cartes, il a du mal à en reconstituer un qui ne transforme pas en château de sable. 

Implant aussi pour Paul Magnette lancé dans une campagne électorale où il va démolir ce que son parti a voté depuis quatre ans et demi et promettre qu’une fois réélu il va faire le contraire de ce qu’il a approuvé. 

Côté contradiction insoluble, le PTB n’est pas en reste. Malgré le bagout de Raoul Hedebouw, il doit faire avaler aux électeurs que son parti corrigera toutes les injustices commises par le gouvernement Vivaldi mais qu’en aucun cas, il ne participera au pouvoir pour mettre en œuvre ses promesses. 

Musk, au secours ! A propos, une question à M. Vandenbroucke, placer une puce électronique dans le cerveau est-il remboursé par la sécurité sociale ?

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AH ! SI J’AVAIS UN FRANC CINQUANTE …

  Imaginez, cher lecteur, que vous ayez 43 milliards de dollars dans votre petit cochon, un tas de pièces accumulées au fil des ans, dont vous ne savez que faire. Le cochon déborde. Or, vos revenus et votre patrimoine vous assurent la satisfaction de tous vos besoins, y compris vos caprices et l’ardoise de vos cambuses favorites.

Alors, comment vous débarrasser de tout ce pognon ? Vous pourriez évidemment acheter des tas de billets de loterie. Mais à quoi bon ? Avec votre chance insolente, vous risquez de gagner encore au prochain tirage, ce qui ajoutera à vos soucis. 

Distribuer votre fortune aux pauvres, comme on disait jadis ? Aux associations de sans-abris, aux ONG qui s’occupent des migrants, des affamés ou autres laissés pour compte ? Mais non ! Seul un homme qui n’a jamais eu un sou à dépenser peut imaginer un scénario aussi gnan-gnan. Même Frank Capra, qui ne lésinait pas sur les bons sentiments dégoulinant de l’écran, nous raconte dans « L’extravagant Mr Deeds » que son héros, dès qu’il se met à distribuer l’héritage inattendu qu’il a reçu, est mûr pour se faire enfermer. Quand on a autant de fric que l’Oncle Picsou, qui déborde des armoires et des tiroirs, on ne le distribue pas. D’abord, ça créé un mauvais exemple. Mais surtout ça ne vous rapporte rien à part quelques centaines de lettres de remerciements écrites dans des langues indéchiffrables et dont on ne peut rien faire sinon les fourrer au fond d’un sac jaune (des frais supplémentaires vraiment inutiles).

Elon Musk a trouvé un autre hochet. En échange d’un chèque de 43 milliards, il s’est offert Twitter. L’envie de fournir aux gens un lieu pour s’exprimer, laisser les opinions ou les fantaisies se déployer ? Les messages étant limités à 280 caractères, on ne va pas très loin dans la nuance, la réflexion, le développement de la pensée sur Twitter. C’est trop court, même si on est un écrivain de nouvelles, pour installer une intrigue, camper des personnages. 

S’il voulait devenir éditeur, Musk aurait mieux fait de racheter une vraie maison, Penguin ou HarperCollins, qui peuvent publier des livres de centaines ou même de milliers de pages. Mais le chiffre d’affaires de Penguin, le principal éditeur américain, n’est que de 1,5 milliards de dollars. Beaucoup, beaucoup trop bon marché pour Musk. Ce qui au passage permet d’observer que moins un éditeur limite le nombre de mots de ses auteurs, plus il cartonne.

Evidemment, à la tête de son nouveau joujou, Musk va pouvoir publier des auteurs dont personne d’autre ne veut, Donald Trump, les évangelisto-conspirationnisto-délirants et autres paranos dangereux du monde entier. 

Ce qui au passage donne une idée un peu inquiétante de ce que recherchent aujourd’hui lecteurs et électeurs…  

Ps : pour le titre, merci à Boris Vian !   

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CANARD A L’ORAGE

Où bat le pouls de l’opinion publique ? Sur Twitter ? La pensée s’arrête à 150 caractères (souvent de mauvais caractères). Même si cela peut avoir des effets positifs : la passion frénétique de Donald Trump pour cette messagerie annonce que ses mémoires seront brèves, beaucoup plus brèves que les énormes pensums que nous ont laissés la plupart de ses glorieux prédécesseurs.

Sur les réseaux sociaux ? C’est le festival des fausses nouvelles, le rendez-vous des membres du club des complotistes et des malades souffrant du syndrome de la Tourette (un mal qui se caractérise par la production incontrôlée de grossièretés et d’obscénités).

Reste les journaux. Cela fait, paraît-il, vieux jeu de se promener, un journal sous le bras. Pour ne pas passer pour un schnoque, on le lit maintenant en cachette comme jadis les revues pornos.

Pourtant, depuis quelques mois, désolé pour les obsédés de l’écran tactile, les accrocs au web, et à Facebook, c’est le retour en force de cette bonne vieille presse écrite. Vous savez, ces grandes feuilles imprimées qui tachent un peu les doigts et dans lesquelles on emballe les épluchures de pommes de terre et jadis les restes des poissons.

Où a-t-on découvert les Panama Papers ? Dans les journaux (dont votre quotidien favori). Et les coins sombres de l’âme de François Fillon, le père La Vertu qui donnait des leçons de civisme et de morale à ses concurrents ? Dans « Le Canard Enchaîné », une gazette qui, peu ou prou, n’a guère changé depuis la première guerre mondiale !

C’est un journal qui a chamboulé la campagne électorale française. Même en se produisant dans plusieurs villes simultanément en hologrammes genre Disneyland, Mélenchon n’a rien fait pour révéler le vrai visage de Fillon. C’est un petit palmipède qui a flanqué à l’eau le héros du mouvement Sens commun. Ce sont aussi les journaux qui ont rendu compte des péripéties judiciaires de la fifille à Le Pen et du contenu de ses sombres placards.

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les régimes de Poutine et d’Erdogan ont tout fait pour éliminer les journaux d’opposition et quelques-uns de leurs journalistes. Dans certains pays, le plomb se met dans la tête et pas seulement dans les caractères d’imprimerie. Comme le disait Pierre Nora : « Le vrai journaliste est celui vend la mèche en se brûlant les doigts. »

D’accord, les gazettes ne publient pas que des scoops qui servent la démocratie. Ils racontent aussi des histoires, font parler les stars et nous abreuvent de faits divers croustillants. Mais, avouez que vous aimez ça. Et vous avez raison. Tristan Bernard l’avait résumé en une jolie formule : “Un journal coupé en morceaux n’intéresse aucune femme, alors qu’une femme coupée en morceaux intéresse tous les journaux.”

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LE BON, LA BRUTE, ET LE TRUAND

Avec la dictature de Twitter, journalistes et chroniqueurs sont priés de simplifier car lecteurs et téléspectateurs ont été modelés à piquer du nez au-delà de 140 signes. Or, comment parler des réfugiés en 140 signes ? On dira : le réfugié politique, c’est le bon. La brute, le sans-papier économique et le truand, l’horrible passeur. Comme c’est rassurant, ces raccourcis ! Continuons donc sur cette voie pour que notre propos soit compréhensible.

Le bon, c’est le ministre Francken, l’abbé Théo qui indique la température de notre politique  d’accueil. La brute, Viktor Orban, qui fait de son pays un camp retranché. Et le truand, Jean-Claude Juncker qui vante dans tous les medias la formidable générosité de l’Europe tout en étant incapable de gérer l’accueil des réfugiés parmi les états membres, une hospitalité décente et civilisée et une politique d’asile à long terme.

Le bon, c’est Mutti Merkel qui abandonne le traité de Dublin et permet aux réfugiés de s’installer en Allemagne. La brute, c’est Angela Merkel qui ferme sa frontière subitement après avoir attiré les réfugiés dans son pays. Et le truand, c’est la chancelière allemande qui va négocier sa politique à géométrie variable avec ses collègues au prochain conseil européen. En échange de quoi ? Quand on le saura, on jugera dans quelle case la ranger. Elle n’est pas la seule à changer de rôle selon les interlocuteurs et le moment.

Le réfugié, le bon ? Au-delà de 140 signes, les choses ne sont plus aussi simples. Pour certains de mes voisins, le réfugié n’est pas le bon mais la brute, un terroriste infiltré et un futur chômeur, le représentant de la cinquième colonne dans notre belle Europe blanche et chrétienne. Et ces voisins ne sont pas tous d’anciens réfugiés hongrois accueillis à l’époque où eux-mêmes fuyaient la violence. Pour eux, le bon, c’est Orban. Et Francken le truand. Ce qu’il est aussi pour son propre président de parti, Bart De Wever, qui sera, selon les points de vue, la brute ou le truand. La brute parce qu’il veut fourrer ceux qui arrivent de Syrie dans un statut de sous-réfugiés. Ou le truand en vendant au patronat flamand de la main d’œuvre de qualité moins chère que le plombier polonais !

Et que dire de François Hollande ? Combattant d’abord les quotas avant de lutter contre ceux qui les refusent –vous me suivez ?

Et Assad ? Brute et truand à la fois ? Pas si vite ! Pour certains, il est le bon, le seul à affronter l’état islamique sur le terrain. On ajoutera que, Assad éliminé, on se retrouvera avec un nouvel enfer sur les bras, après l’Iraq et la Libye. Des pays dont les Occidentaux se sont flattés d’avoir chassé le tyran pour les remplacer par un tas de petits diables. A ce propos, sous quelle étiquette ranger les Occidentaux ?

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LE PRINCE DE TWITTER

Avec l’apparition de l’e-mail, je me suis dit : chouette, le grand retour de l’écrit ! J’ai rêvé à l’épanouissement grâce au web de millions de nouveaux Dostoïevski, de Kafka et de Tolstoï, libres de toute contrainte, défiant la censure, se passant de papier, de crayons et surtout d’éditeurs et s’adressant directement à leurs lecteurs. Et dans la foulée, à la réapparition de genres presque disparus : le feuilleton puisque le mail permet de fabriquer de nouveaux épisodes plus vite qu’on ne les écrit ou des romans épistolaires. Des Alexandre Dumas en herbe et des sémillantes dames de Sévigné d’aujourd’hui.
Mais, bientôt, MSM a pris le relais. Avec son dialogue permanent. Bon, pourquoi pas ? Oublions les nouveaux romanciers ! Et place à une nouvelle génération d’auteurs dramatiques, de dialoguistes, libérés des contraintes surannées du théâtre. L’absurde des conversations sur MSN annonçait de dignes enfants d’Ionesco et le glauque des propos des héritiers de Beckett.
Mais, las. Le babil sans fin a aussi fait long feu. Pour laisser la place aux gazouillis (tweets) et au règne de Twitter.
140 caractères, un peu moins de deux phrases à condition qu’elles ne soient pas de Marcel Proust.
Question longueur, on est passé des « Trois Mousquetaires » aux slogans des partis politiques belges sur les affiches électorales…
Et question style, quel défi ! Allez créer une œuvre immortelle en cent quarante caractères, pas une virgule de plus.
Raymond Devos, décidément visionnaire, l’avait relevé avec son mini-sketch « Se coucher tard… nuit ! »
Peut-on faire mieux ? Ce sera difficile.
« Il est terrible
Le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain
Il est terrible ce bruit
Quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim »
(Jacques Prévert, Paroles, Gallimard)
Trop long ! Twitter n’acceptera sa transmission que si on sucre l’homme qui a faim. Tout un symbole…
Twitter n’accoucherait-il même pas d’un poète ? Faudrait qu’il soit particulièrement laconique, zen. Comme si le nouvel instrument que le diable technologie nous a apporté ne servait que la gloire des créateurs d’haikus.
« Trois vagues déferlent / abordant ensemble au port / Le trio est rentré »
Herman Van Rompuy, le président-pouet-pouet belgo-européen, a gagné : moins de 80 caractères !
Son œuvre aussi brève que les points d’accords entre négociateurs flamands et francophones, aussi concise qu’une interview de Johan Vande Lanotte est écrite pour Twitter.
Van Rompuy, voilà donc le modèle du créateur de demain ?
Comme il a été l’exemple parfait (et regretté) du politicien qui nous manque tant aujourd’hui.
Ne disant rien ou si peu que tous peuvent croire qu’il leur a donné raison.

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