TUE, TUE, TUE !

    La photo aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Pour l’une de ses premières sorties, le nouveau petit tyran coréen a tenu à s’afficher avec une jolie jeune dame (son épouse, d’après les gossips) en train de faire les fous dans un parc d’attraction. Particulièrement excités par des montagnes russes vertigineuses.

Le Leader Bien-aimé-respecté, version baby, est aussi un fan des jeux vidéo et des créatures virtuelles. Faut-il s’étonner alors de sa capacité à se faire peur ?

Les drogués du monde virtuel sont fascinés par ce qu’il offre de violence, de créatures terrifiantes et d’armes absurdes faites pour riposter de façon disproportionnée à l’adversaire. Dans le monde virtuel, on ne fait pas de prisonniers, on ne connaît pas les conventions de Genève et de La Haye. La seule règle, c’est : Tue, tue, tue !

Qu’y a-t-il de réel dans les rodomontades de Kim Baby ? A-t-il vraiment une bombe atomique ? Est-il capable de l’expédier sur la tête de ses voisins ? Et, si Baby se comportait en émule du docteur Folamour, serait-il suivi par ses militaires ?

Sur ce dernier point, on est un peu inquiet : aucun d’entre eux n’a jusqu’ici refusé de porter la casquette ridicule qui coiffe les haut-gradés coréens, une espèce de super-crêpe Suzette, qui constitue pour eux une mise à l’épreuve : celui qui accepte de se promener avec ce couvre-chef en public est prêt à accepter en toutes circonstances d’obéir aux ordres de son chef, même les plus délirants. L’histoire nous a enseignés que, placés sous les ordres d’un dément, les hommes les plus intelligents exécutent ses caprices, le doigt sur la couture du pantalon. Sans exception. Hitler, Staline, Hiro-Hito. A son propos, on a dit qu’après la destruction d’Hiroshima, l’empereur nippon, incapable de concevoir les effets de la bombe atomique, a dit, c’est triste mais c’est la guerre ; on continue. Banzaï !

Kim baby, lui, connaît la terreur nucléaire mais il a l’air de croire qu’elle n’est qu’un épisode d’un jeu video. Ne vit-il pas dans un monde inexistant, fictif ? Personne de sensé ne peut croire qu’un pays comme la Corée du Nord existe vraiment. Et que des vrais gens y survivent. C’est ce qui explique sans doute que personne non plus ne fait vraiment d’efforts pour faire revenir ce pays et ses habitants dans le monde réel. Les Japonais n’ont pas envie, en cas de réunification, d’une puissance industrielle concurrente dans les parages, la Chine de bases américaines à leurs frontières, les Russes de la fin d’un abcès de fixation et de tension pour les Occidentaux.

Alors, on laisse Kim baby dans sa salle de jeux avec ses bombinettes comme certains parents abandonnent leurs enfants devant la télé ou l’ordinateur sans souci et sans crainte de leurs effets…

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BIJOUX DE FAMILLE

Cette fois, annonce le gouvernement d’une voix spectrale, on n’a vraiment plus de sous. On doit vendre les « bijoux de famille ».

Bon sang ! Les bijoux de famille ! On en a encore ? Mais, à quoi ressemblent-ils ? Et qui en voudra ?

Dans un de ses romans, Diderot désignait ainsi des anneaux magiques possédant le pouvoir de faire parler la partie la plus intime des femmes (« Les Bijoux indiscrets »).

La proposition de les vendre laisse donc un peu perplexe même si on ne doute pas de la bonne volonté des dames de notre gouvernement de se sacrifier corps et biens pour sauver le pays. Laurette, Joëlle et Maggie ne le répètent-elles pas à l’envi ? Mais, si notre nouveau ministre des finances n’a rien trouvé de mieux pour boucler le budget, on comprend mieux la lenteur et la difficulté du dernier conclave gouvernemental.

L’égalité entre hommes et femmes voudrait que, dans ce cas, les mâles du gouvernement fassent à leur tour un effort. Et abandonnent eux aussi aux caisses de l’état leurs précieux bijoux de famille. Sans entrer dans le détail, est-ce que ça rapporte gros ? On en doute.

Sacrifice pour sacrifice, vaudrait mieux qu’ils prennent exemple sur leurs collègues français. Ne viennent-ils pas de demander à leur ministre du budget, M. Cahuzac, de renflouer le déficit en transférant le montant de ses comptes exotiques vers ceux du ministère des finances ? Voilà une bonne idée ! Ne pourrait-on s’en inspirer en décidant de ne nommer ministres que ceux qui acceptent d’abandonner un montant substantiel de leur capital pour le bien commun ?

Bien sûr, cela obligera à créer des ministères nombreux et variés. Mais notre pays a toujours fait preuve d’une grande imagination. Rien qu’en fabriquant des ministres fédéraux chargés des relations avec les ministres régionaux et communautaires pour chacune de leurs compétences (le ministre des affaires étrangères n’a-t-il pas ouvert la voie en nommant des représentants fédéraux économiques chargés de dédoubler leurs collègues régionaux ?), on pourra facilement fabriquer une vingtaine de portefeuilles. Des ministères des réformes, on peut aussi en créer autant qu’on en a besoin : chargé des réformes structurelles, des questions endémiques, de la réforme des réformes, de la révision des réformes précédentes. En échange de ces fonctions de haut niveau, ces nouvelles excellences offriront au pays des dons généreux qui permettront de préserver les bijoux de famille de leurs collègues.

De plus, cette rentrée d’argent est « structurelle » comme dit M. Di Rupo, tout fier d’avoir appris un nouveau mot et qui le répète sans cesse de peur de l’oublier. Un bâtiment, des participations dans une banque ou une entreprise, une fois que l’état les a vendus, c’est fini. En revanche, des postes, on peut en créer jusqu’à la fin de la crise – ou de la Belgique.

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PINOCCHIO. LE RETOUR

   Du temps de Pinocchio (dont une nouvelle adaptation sort sur les écrans), tout était simple : quand le petit pantin mentait, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure.

Mais comment démasquer menteurs, hypocrites et autres faux culs si leur nez ne s’allonge pas ? Dans notre société médiatique où celui qui parle le plus fort et le plus simpliste a raison, comment distinguer le vrai du faux ?

Vous me direz que si tous les menteurs avaient un nez à ressort, nous ne serions pas nombreux (et moi le premier) à promener fièrement le joli petit pif que nous a fabriqué notre maman. Tout de même. Le truc de Pinocchio serait bien utile.

Imaginez Herman Van Rompuy, frappé du syndrome de Pinocchio après toutes ses contorsions sournoises pour le sauvetage de l’euro et ses mesures en trompe-l’œil de relance de l’économie européenne. Le Berlaymont serait trop petit pour abriter son pauvre tarin qui, perçant les vitres du building de la place Schuman, traverserait Bruxelles et irait frapper les neuf boules de l’Atomium telle une queue de billard.

Et Nollet et Demotte avec leurs certificats verts aussi rassurants que la monnaie chypriote ? On se consolerait un peu de leur baratin de faux derche si leur nez se transformait soudain en éolienne.

Songez aussi à ce pathétique monsieur Hollande, obligé d’affirmer la main sur le cœur, mais l’air chafouin tout de même, qu’il y aurait moins de chômeurs à Noël qu’à Pâques ou à la Trinité. Juré, craché. Si je mens, je vais en enfer. En enfer ? Il y est déjà. Il peut promettre n’importe quoi. Mais si son nez dévoilait sa langue de bois, son discours serait bien différent. Comment oserait-il présenter ses vœux de fin d’année devant les caméras de la télévision avec le blair de Pinocchio ?

Le double langage est un jargon universel. A peine arrivés au pouvoir, les nouveaux élus parviennent spontanément à dire n’importe quoi avec le même aplomb que les plus anciens routiers de la politique. Dès sa première tournée internationale, en Afrique, dans ses habits neufs de président, M. Xi Jinping s’est mis au diapason de ses collègues (et de ses prédécesseurs). En déclarant (sans éclater de rire, même jaune) : « La Chine insiste sur l’égalité entre les pays, quels que soient leur taille, leur force et leur richesse. La Chine défend la justice, et s’oppose à la pratique du grand harcelant le petit, du fort dominant le faible, et du riche oppressant le pauvre».

Depuis Damas, le président Assad l’a immédiatement félicité pour ces belles paroles. Et promis de défendre lui aussi ses chers concitoyens, les plus petits, les plus faibles et les plus pauvres. A ce sujet, quelques armes chinoises supplémentaires seraient bien utiles pour continuer à défendre la justice, vu ce qui lui pend au nez.

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APHRODITE PERD LE NORD

On a beaucoup parlé ces derniers jours de la crise bancaire à Chypre. Mais peu de la situation de ce pays mal connu. Toujours au service des plus curieux de nos lecteurs, voici quelques précisions oubliées par Wikipedia.

Chypre est un pays confédéral, c’est-à-dIre un régime politique incompréhensible dont la signification dépend de celui qui l’invoque. Disons que le confédéralisme à la chypriote désigne un état indépendant composé de deux républiques elles aussi indépendantes qui se tournent le dos et ne veulent rien avoir en commun même pas le café baptisé grec ou turc selon qu’on le boit en-deçà ou au-delà de la frontière linguistique. Un pays. Deux langues. Et des politiciens qui ne se comprennent pas.

Ils devraient prendre exemple sur la Belgique, un état composé de deux, de trois ou de quatre régions différentes, selon votre interlocuteur. On n’y parle pas non plus la même langue mais le nord et le sud se comprennent quand il s’agit de fixer le montant des impôts complémentaires, de commander du lait russe ou de la dame blanche et de se plaindre de la pluie glacée qui frappe indistinctement le nord et le sud avec la même furie.

Le sud de l’île est, d’après le nord, habité par des paresseux qui vivent de l’argent de l’Europe et qui célèbrent l’amour plutôt que le boulot. Ca tombe bien, la déesse Aphrodite est justement née, d’après la légende, dans le sud, sur un coin du rivage à l’époque sauvage et désolé, battu par le vent mais aujourd’hui protégé par le béton massif de banques russes.

Ils devraient prendre exemple sur les Belges. Le sud du pays est, d’après le nord, peuplé de paresseux qui vivent de l’argent de l’Europe et des Flamands et qui célèbrent l’amour du parti socialiste. Ca tombe bien. Le premier ministre Elio Di Rupo est né, selon la légende, dans un coin qui à l’époque était couvert par la masse des tours de chevalement des mines et aujourd’hui par des terrils sauvages et désolés battus par le vent.

L’économie du sud de l’île vit au-dessus de ses moyens grâce à des banques qui vivent des économies placées par des oligarques russes vivant au-dessus de la moyenne de leurs concitoyens. Lorsque le sud veut taxer ses épargnants, ceux-ci s’empressent de transférer leurs comptes des banques du sud vers celles du nord, qui les attendaient depuis longtemps.

La Belgique devrait prendre exemple sur Chypre. Et se fabriquer un petit confédéralisme à deux qui permettrait de garder les épargnants étrangers dans le pays. Si le sud se montre trop gourmand, le nord se fera accueillant. Et vice-versa. Tant que le pognon reste chez nous, la déesse Aphrodite ou Dieu-sait-qui veillera sur l’avenir de notre chère nation et de ses banques.

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PAS DE FUMEE SANS FEU

  Ne comptez pas sur moi pour dénoncer la politique de l’église catholique, apostolique et romaine ! Pour crier au loup avec les Femen (mes seins ne sont pas à la hauteur, à mon grand regret) ! Comment reprocher à l’Eglise du Christ de vendre les produits et services de son fonds de commerce plutôt que ceux de ses concurrents ? Demander au pape de célébrer le mariage gay, d’approuver l’avortement ou l’euthanasie, d’admettre l’ordination des femmes, ce serait proposer à Mac Donald de supprimer la graisse dans ses cuisines et de viser les étoiles du Michelin.

Même si un pape noir avait été choisi, personne n’aurait cru à un Obama coiffé d’une mitre s’avançant dans de petites pantoufles rouges. L’Eglise est réactionnaire. Une nouvelle preuve avec cette histoire de fumée qui a fasciné la planète cette semaine. Fumée noire, fumée blanche. On se serait cru à la finale du 100 mètres olympique ou à celle de The Voice. Oh ! Ah ! Sur écran géant ! Tout le monde s’extasiait devant ces volutes qui s’échappaient de la chapelle Sixtine. Sans que personne ne s’avise que la loi a changé : même dans l’état du Saint Siège, il est interdit de fumer dans les lieux publics. A fortiori dans les musées. Or, voilà que les cardinaux, au lieu de griller leur clope à l’ombre du porche comme tout le monde, ont passé leur temps à flamber leur paquet de Marlboro, de Ninas, ou à s’allumer un pétard dans un des lieux témoins les plus fascinants de l’art occidental de la Renaissance, au milieu des chefs d’œuvre de Michel Ange, du Pérugin, de Botticelli.

Pourtant, les inscriptions « danger » qui protègent la santé des fumeurs sont là. L’immense fresque du Jugement dernier de Michel Ange n’avertit-elle pas (de façon jésuite, forcément jésuite) que le cancer guette les intoxiqués ? Mais, à leur âge, les hauts dignitaires se moquent de l’état de leurs poumons. Les voies (respiratoires) du Seigneur sont impénétrables.

Que les nouveaux dirigeants de Rome prennent garde de céder aux sirènes des media. Beaucoup attendent du pape François qu’il dépoussière enfin là où ses prédécesseurs ont refusé de passer le plumeau. C’est une erreur. Que le souverain pontife poursuive sa route en regardant derrière lui dans sa pampa-mobile et en évitant de jeter l’enfant Jésus avec l’eau du baptême. Gaucho, oui. Mais de gauche, non ! A quoi distinguera-t-on un bon catholique d’un bête sans-Dieu si le divorce, le préservatif ou (Dieu nous en garde !) la femme sont reconnus par l’église ?

Chacun à sa place ! Dans cette époque troublée et sans repères, si les Pussy Riots (bénies soient-elles !) devenaient des modèles, des saintes aussi pour les pèlerins pieux et les moines ermites, que resterait-il aux indignés, aux contestataires, aux démocrates, sinon leurs yeux pour pleurer ?

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AU CONFLUENT DE DEUX FLEUVES

   Les hommes et femmes politiques ouvrent-ils encore un livre depuis qu’ils ont découvert Tweeter ? A la pointe des technologies modernes comme tous les eurocrates, Herman Van Rompuy s’est empressé de convertir ses discours en haïkus. Mais, devant la popularité et la lisibilité de sa politique, on se dit qu’il devrait peut-être puiser son inspiration dans un autre rayon de sa bibliothèque.

D’autres se veulent plus chics et s’empressent de picorer dans l’un ou l’autre « classique » dont les « meilleures » phrases, libres de droits, apparaissent d’un simple clic dans les dictionnaires des citations sur la toile. Citer Montaigne ou Chateaubriand permet d’apparaître à la fois rassurant (on se réfère aux « anciens »), intelligent (on sait lire) et très classe.

On ne s’étonnera donc pas d’entendre Bart De Wever utiliser quelques propos de Tocqueville plutôt que de Tom Lanoye ou de Dimitri Verhulst. Et dire tout le mal qu’il pense des intellectuels flamands tant qu’ils sont vivants. Et qu’ils n’avancent pas dans le sens des aiguilles de sa montre.

Ne boudons cependant pas les auteurs anciens. A Steven Vanackere, on pourrait conseiller la lecture de « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » de Stig Dagerman (Actes Sud) même si ses collègues ont préféré lui donner comme cadeau d’adieu « Les mémoires d’Outre-Tombe » de Chateaubriand. « Je me suis rencontré entre deux siècles comme au confluent de deux fleuves « , écrivait l’écrivain-politicien romantique.

Il n’y a pas de fleuves à Bruxelles. Et, avec le départ de Vanackere et bientôt celui de Charles Picqué, plus beaucoup d’hommes politiques « zinneke » au confluent de nos deux cultures.

Tous ceux qui, faute d’autres idées, proposent de déchirer le pays feraient bien de lire Chimamanda Ngozi Adichie. A trente-cinq ans, déjà la plus brillante des écrivains africains. Née au Nigéria, elle raconte dans ses deux romans et un superbe recueil de nouvelles qui vient de paraître (« Autour de ton cou », Gallimard), les blessures laissées par la guerre civile qui a ensanglanté son pays il y a cinquante ans et qui expliquent que, malgré sa manne pétrolière, le Nigéria piétine dans la violence, la division, l’incapacité de construire une démocratie, bref, la barbarie. « Comment une histoire aussi vraie pouvait-elle être dépassée ?» demande un personnage. Magnifique pouvoir de la fiction d’expliquer le monde. De le faire sentir. Mais aussi de le faire aimer même quand il vous prend à la gorge. «Grace réfléchirait longuement à cette histoire, avec une grande tristesse, et elle en viendrait à établir un lien très clair entre éducation et dignité, entre les faits évidents et tangibles qui sont imprimés dans les livres, et ceux, doux et subtils, qui se déposent dans les âmes.»

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TECHNIQUE NAC

Quoi ? Vous ne connaissez pas les NAC ? Prenez garde si vous ne voulez pas être largués. Le monde se divise en deux : ceux qui sont dans le coup (ils connaissent tous les acronymes à la mode) et les autres. Faites donc semblant d’adorer les NAC, sinon vous êtes bon pour la remise à outils au fond du jardin, là où sont déjà rangés ces quelques anciens amis de Facebook qui vous donnaient l’air ringard.

Donc, les NAC. Je vous le glisse à l’oreille. Ces trois lettres désignent les Nouveaux Animaux de Compagnie. Chiens, chats, perruches ? Oubliez ces pauvres bestioles affreusement démodées. Pour être chic aujourd’hui, il faut vivre avec des serpents, des araignées exotiques, des fennecs et autres bébêtes rapportées de votre dernier voyage au Burkina Faso ou en Papouasie et passées sous le nez des douaniers à Zaventem aussi coulos qu’un sachet de cocaïne pour votre copain psychiatre qui n’a pas le temps de voyager.

Le NAC, c’est la dernière façon à la mode pour faire monter l’adrénaline. Pour se sentir vivant, cool et branché, le nec plus ultra est de mettre sur la table de chevet à côté de votre lit une boîte à chaussures dont sortent des grattements bizarres. De peupler votre appartement d’animaux monstrueux qui prouvent que les desseins de Dieu sont impénétrables.

Certains murmurent que ce qui a poussé le pape Benoit XVI à la démission, ce n’est pas la découverte d’un réseau gay mais celle d’un réseau NAC dans les caves du Vatican.

Les NAC, c’est bon pour l’image de marque. Regardez la vie politique italienne. Mario Monti s’est cru malin en s’exhibant à la télé pendant la campagne électorale en tenant dans ses bras un petit chien ridicule. Alors que Berlusconi, lui, recrute dans les soirées bonga-bonga. Résultat, Monti, avec son image démodée, a sombré aux dernières élections alors que le Cavaliere est redevenu le politicien à la mode. On imagine souvent que le citoyen moyen veut être rassuré. Mais, dans le secret de l’isoloir, il finit toujours par se laisser hypnotiser par le serpent ou l’araignée.

C’est ce qu’a compris, avec un peu de retard, Elio Di Rupo. Pour le remplacer à la tête du PS, il avait d’abord placé Thierry Giet, un brave, un doux, un herbivore qui ne ferait pas de mal à une mouche. Les sondages lui ont vite montré son erreur. Avec la souplesse d’un félin, il s’est empressé de le remplacer vite fait par un vrai NAC alors que se profile une campagne législative qui va ressembler à un combat de fauves dans la jungle. Face à un Bart De Wever qui a assimilé toutes les techniques des NAC. Séduction. Hypnotisme. Langue fourchue. Discours paralysant.

« Si l’on pouvait croiser l’homme et le chat, cela améliorerait l’homme mais dégraderait le chat» écrivait Mark Twain. Et si on le croisait avec un NAC ?

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POURQUOI J’AIME L’ITALIE

  Je peux vous dire pourquoi j’aime les socialistes wallons, les marches militaires, les films d’horreur muets allemands et les polars mexicains. Mais pourquoi j’aime l’Italie …

Faisant le bilan des années de dictature, juste après la guerre, Elsa Morante écrivait : « Mussolini est un homme médiocre, une brute, étranger à la culture, à l’éloquence vulgaire et facile ». Les comparaisons historiques sont toujours inexactes et trompeuses mais n’est-il pas troublant que Berlusconi ait répété pendant la campagne électorale, en célébrant la journée de l’Holocauste, qu’il y a beaucoup de bonnes choses dans les réalisations du Duce ?

Morante disait aussi : Le peuple italien s’est-il rendu compte des crimes de son chef ? Bien sûr, presque toujours le peuple italien est prêt à donner ses voix à celui qui a la plus forte voix plutôt qu’à la justice. Si on lui demande de faire le choix« entre son intérêt personnel et son devoir, même en sachant ce qui doit être son devoir », il choisit toujours son intérêt. « Un peuple qui tolère les crimes de celui qui est à sa tête, concluait-elle, devient complice de ces crimes. »

Et pourtant, même si j’adore la Morante et que je n’oublie pas près d’un quart de siècle de fascisme, j’aime l’Italie.

On dit souvent que les dirigeants d’un pays sont à l’image de ses habitants. L’histoire de l’Italie d’après-guerre est elle aussi inquiétante, d’Andreotti à Berlusconi. Au point qu’on peut se demander si les Italiens n’ont pas choisi de faire mentir le cliché en se donnant des chefs qui ne sont pas leurs miroirs mais leurs repoussoirs, comme dans le théâtre de marionnettes, justement une spécialité locale, l’opera dei pupi. Les hommes politiques italiens ne ressemblent-ils pas aux fantoccini, les marionnettes à fil, maniées en coulisses par leurs montreurs ?

Dans un pays aussi morcelé que l’Italie, aux pouvoirs encore plus éclatés que la Belgique, n’est-ce pas plutôt la culture qui est le reflet de son peuple ? Et sa cuisine ? Et ses paysages ? Vu à travers son cinéma, l’Italie a tout de même une sacrée gueule quand elle prend le masque de Nanni Moretti ou de Vittorio Gassman, de Mastroiani ou de Sordi. Ou celles de ses sublimissimes stars, Stefania Sandrelli (ah !), Monica Vitti (ah !), la Masina, la Martinelli, la Massari. Au passage, allez donc admirer la magie du cinéma italien dans le plus dingue musée du cinéma du monde à Turin.
L’air a une autre saveur à Rome, les églises un charme délirant à Lecce et à Notto. Et je préfère éviter les clichés à propos de Venise. Ils sont tous en dessous de la vérité. Même la pluie y est plus douce que le vin.

PS : le plus fantasque mais peut-être le plus pertinent et passionnant romancier italien, lisez Mario Soldati, dont les éditions du Promeneur sont en train de rééditer toute l’œuvre.

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ROME OU BOLOGNE

Pendant des siècles, on se bousculait pour être pape. Papes et anti-papes, papes parallèles et papes fantômes s’en donnaient à cœur joie pour glisser leurs fesses sur le trône de Pierre en éliminant plus ou moins gentiment celui qui s’y accrochait. Un vrai jeu des chaises musicales. Tout ce beau monde crachant des bulles à qui mieux mieux se cognait joyeusement dans le sang plutôt que dans le savon. Rien que dans la famille des Benoît, le numéro VI fut étranglé par le numéro VII des Boniface. Le numéro XI fut empoisonné à Pérouse où il s’était exilé. Le numéro IX, mon préféré, fut élu à l’âge de douze ans, remplacé peu après par le numéro III des Sylvestre qu’il réussit à chasser avant de s’effacer, comme le numéro XVI, au profit du numéro VI des Grégoire qui lui avait remis un chèque plantureux pour se coiffer de la tiare. Redevenu pape quelques années plus tard, il fut chassé, cette fois définitivement, par le numéro II des Damase. Qui ne l’emporta pas au paradis. Ou plutôt si, puisqu’il mourut vingt-trois jours plus tard. Seigneur, Marie, Jésus ! On savait vivre en ce temps-là !

A côté des entrées et sorties rocambolesques de ses ancêtres, la démission du numéro XVI est d’un terne accablant, à l’image de son règne. Des observateurs en sont même arrivés à remarquer que le départ du dernier des Benoît était le seul acte moderne de son règne. Ce qui n’est pas mal vu. Les héros de notre temps ne sont pas comme jadis ceux qui ont mené à bout une belle épopée, transformé le monde ou au moins entrepris une réforme historique, l’abolition de la peine de mort ou du délit d’avortement. Non, le héros d’aujourd’hui est celui qui a laissé tomber et qui est parti. Jamais Berlusconi (même lui !) n’a recueilli ces dernières années une telle popularité que depuis qu’il a claqué la porte du palazzo Chigi (au point que certains Italiens semblent avoir oublié qu’il a dû s’enfuir par la petite porte, celle réservée aux mendiants et colporteurs).

A cet égard, en effet, Benoît XVI aura réussi totalement sa sortie. Personne ou presque n’a entendu l’annonce de sa démission. Aucun des rares journalistes qui assistaient à son discours, sauf une, plus futée que ses collègues, n’écoutaient sa voix monocorde et son charabia en latin. Dès le lendemain de l’événement, enfin connu, il était déjà oublié, écrasé par une information autrement plus importante : la sauce bolognaise d’une partie des lasagnes surgelées contenait du cheval et non du bœuf.

Entre Rome et Bologne, les citoyens n’ont pas hésité longtemps.

PS : c’est le moment de (re)voir « Habemus papam » de Nanni Moretti. Superbe portrait d’un un pape élu malgré lui. Hésitant à accepter le mandat que lui ont confié tous ces vieux messieurs célibataires comme lui coupés du monde, il erre dans Rome à la recherche de la vraie vie.

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SALUT AUX COUREURS D’AVENTURE !

Jadis, l’aventure, c’était courir le monde, découvrir des lieux, des gens différents. Philéas Fogg, Tintin ou les héros de John Buchan (le magnifique auteur de « Salut aux coureurs d’aventure ! ») entraînaient les assoiffés d’ailleurs dans les coins les plus improbables de la planète.

Mais maintenant que tout se ressemble de Schaerbeek à Shanghai et à Doha, que tout est uniforme, les gratte-ciel comme les distributeurs de Coca, l’allure des femmes autant que les marques de poudre à laver, où chercher encore un peu d’exotisme ?

Les occasions de frôler le vide, de défier le vertige, deviennent rares. Jusqu’il y a peu, on aurait conseillé aux amateurs de devenir enfant de chœur mais même ce danger-là semble s’être estompé, hélas, ces derniers temps.

Pour attraper le grand frisson, la seule façon est de mettre le cap à gauche dans un monde où le capitalisme sauvage a triomphé.

Dans une interview pétillante d’intelligence, publiée le week-end dernier, l’ancien président du tribunal civil de Namur, Christian Panier, annonce son nouveau coming out. Le voilà bleu du PTB. Debout, les damnés de la terre wallonne !

Ne vous moquez pas. Où trouver son bonheur en Belgique quand on se veut résolument de gauche ?

Que Christian Panier conserve tout de même à l’instar de son ancienne déesse, Thémis, un bandeau sur les yeux, en se promenant dans les bureaux de ses nouveaux camarades. S’il l’enlève, le portrait de Joseph Staline risque de lui sauter à la figure.

Mais, pourquoi choisir les héritiers du bolchevisme alors que nous avons un premier ministre socialiste ? Le cinquième seulement dans l’histoire du pays, le premier depuis quarante ans à chanter l’Internationale pendant qu’il se rase, le poing levé, en défiant le grand capital.

Lequel, notez-le, se montre bon prince. Jamais autant de grands patrons étrangers ne se sont installés chez nous que depuis l’arrivée des rouges au pouvoir. Peut-être sont-ils mal renseignés ? On leur a glissé à l’oreille que c’était le très conservateur Bart De Wever qui dirigeait le pays.

Peut-être aussi que notre grand leader rouge a le titre, la cravate, mais pas réellement la fonction ?

Les socialistes ne promettaient-ils pas de combattre le système des intérêts notionnels s’il n’était pas lié à la création d’emplois ? Oui, mais Bart De Wever n’en voulait pas. Alors…

Les socialistes ne s’engageaient-ils pas à promouvoir un meilleur sort pour les travailleurs ?

Oui, mais Bart De Wever trouvait que, sans blocage des salaires, la Flandre allait perdre des marchés. Alors…

Bart De Wever vient d’interdire les T-shirts vantant le combat des homosexuels à Anvers. Que va faire M. Di Rupo ?

Défier le bourgmestre de la métropole en arborant le vêtement honni lors de sa prochaine rencontre avec Mittal ? Ah ! ça, ce serait de gauche…

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