LE DIABLE SORT DE SA BOÎTE

 Il y a deux ans, personne n’a songé à fêter les cinquante ans de la première réforme de l’état. Effet de la pandémie ? Ou grosse honte ? Depuis, il est vrai, le pays a connu cinq autres réformes de l’état sans parvenir à trouver les pièces manquantes du puzzle ni à emboîter celles qu’on a placées.

  On pouvait penser qu’une nouvelle génération de politiciens allait nous vendre un autre jeu de société, plus amusant, plus excitant, plus en phase avec notre époque et surtout avec les besoins et les aspirations des citoyens. D’autant que les protagonistes des six premières réformes sont plutôt mal en point (les socialistes wallons et surtout les sociaux chrétiens flamands) et les derniers acteurs de la partie, les plus agités, dans l’opposition (les nationalistes flamands).

Or, voilà que l’Institut Jules Destrée ressort le vieux puzzle de l’armoire. Il est vrai que cette vénérable institution s’affiche fièrement sur son site désormais comme un «think-and-do tank » (en wallon dans le texte sans traduction pour expliquer ce que ce jargon signifie). Après une longue réflexion, voici ce qu’ils ont trouvé : pourquoi ne pas démanteler la Belgique, non pas en trois régions, mais en quatre mini-états autonomes, lesquels formeraient la Belgique (quatre états qui en font un, ce n’est pas très clair, mais passons) ? 

Coïncidence, au même moment, Nicola Sturgeon, première ministre écossaise relance le projet d’un nouveau référendum pour l’indépendance de l’Ecosse. Et un mini-état de plus ! Sans compter la Catalogne qui guette derrière la porte. « Small is beautiful » était un slogan qui a connu son heure de gloire dans les années soixante. La mode est passée et surtout la réalité économique a eu raison de cette ambition.  

C’est pourquoi on peut se demander si les « penseurs » de chez Jules Destrée ne vivent pas les illusions d’une autre époque. Ils auraient peut-être dû viser plus grand plutôt que plus petit. Tant qu’à redécouper notre pays, pourquoi ne pas proposer de le constituer de six, sept, huit mini-états plutôt de quatre ? Ne soyons pas mesquins ! Ainsi, l’Ecosse comme la Catalogne, devenus indépendants, formeraient deux mini-états de plus de la Belgique fédérale, qui n’est plus qu’une espèce d’étiquette, de voile pudique dans le projet des amis de Jules D. On pourrait même y ajouter l’Ukraine. Bon sang (ce qui est le cas de le dire) mais c’est bien sûr ! Devenues parties de la Belgique nouvelle, ces trois pays n’auront plus à négocier péniblement leur entrée dans l’Union européenne. Ils en seraient membres automatiquement. Puisque rien dans le Traité de Rome n’interdit à un état membre de modifier (démocratiquement) la géographie de son territoire…   

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RULE, BRITANNIA !

  Dans un de ses meilleurs sketches, Fernand Raynaud se met dans la peau d’un douanier qui n’aime pas les étrangers. Il ne cesse de harceler l’étranger qui s’est installé au village jusqu’à ce que lui et sa famille, dégoûtés, filent ailleurs. Depuis, plus moyen de trouver du pain. C’était le boulanger du village. 

Boris Johnson ne connaît sans doute pas Fernand Raynaud, dommage pour lui – il aurait pu lui piquer quelques autres gags. Et il se serait surtout montré plus attentif aux conséquences de ce Brexit lancé dans un geste emphatique de fierté et d’orgueil nationalistes (« Rule, Britannia ! ») mais parfaitement indifférent à ses conséquences pratiques. Genre l’intendance suivra…

Ces conséquences, les Britanniques commencent peu à peu à les découvrir : fermeture progressive des stations d’essence, difficultés d’approvisionnement, tensions avec l’Irlande. Faute de chauffeurs et de carburant, les camions restent au dépôt, les chauffeurs polonais ou roumains sont partis travailler sur le continent. Les boulangers suivront bientôt le mouvement…

Faute d’essence, la reine elle-même a été obligée de laisser sa Rolls au garage et de faire dépoussiérer son vieux carrosse pour aller faire ses courses. En croisant les doigts pour que les chevaux qui le tirent soient tous de sang anglais.

Si le tonitruant Boris Johnson ne connaissait pas l’humoriste français des années cinquante, il a pourtant dû lire sa compatriote Daphné du Maurier. Dans un de ses derniers romans (« Rule, Britannia », bizarrement traduit sous le titre « Mad »), la brillantissime romancière imagine que la Grande-Bretagne vient de quitter l’Union européenne (le roman date de 1971). S’ensuivent des pénuries de carburant et d’approvisionnement. Le pays exsangue fait appel au grand frère américain qui envahit brutalement l’ancienne puissance coloniale, sans plus d’égard pour sa population qu’il n’en a eu lors de quelques expéditions précédentes des boys (le roman a été écrit à la fin de la guerre du Vietnam) …  

Quand on voit le rapprochement militaire récent des Anglais et des Américains avec les Australiens, on se dit que Daphné du Maurier a décidément fait preuve d’une étonnante clairvoyance !  

Si l’Ecosse dégoûtée quitte à son tour l’empire suivi du Pays de Galles puis des Cornouailles, restera à Boris Johnson de se faire élire président de Pimlico pour éviter que ce célèbre quartier de la cité de Westminster à Londres ne proclame à son tour son indépendance, comme il l’a fait dans une excellente comédie britannique jadis (« Passeport pour Pimlico » de Henry Cornelius), à l’époque où les Anglais préféraient l’humour à la politique…

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VIVE LE FURLONG !

Pour retrouver la canicule, plongeons-nous un moment dans la tête de Boris Johnson. 

A quoi ressemblera dans son esprit la Grande-Bretagne après qu’elle ait fermé les volets et les mille sabords pour que rien ne vienne plus souiller les mocassins à glands des sujets de sa gracieuse majesté ? 

 A propos d’Elizabeth II, justement. Symbole essentiel de la Grande Bretagne à l’ancienne que les Brexiters veulent reconstituer. Elle restera évidemment reine de la quinzaine d’états du Commonwealth dont elle est la chef d’état (dont l’Australie et le Canada). Mais, pour marquer le retour à la Belle Epoque, elle reprendra le titre d’Impératrice des Indes. Ca ne coûte pas cher et quelques gogos d’électeurs n’y verront que du feu. Permettant de sortir du placard ce magnifique slogan de jadis : un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais – ce qui au passage permet de supprimer l’heure d’été, c’est toujours ça d’économisé. 

On remettra aussi en vigueur les anciennes unités de mesures anglo-saxonnes, destinées à égarer définitivement les bêtes continentaux, les pieds, les pouces et le furlong (qui équivaut à dix chaînes, soit 201, 168 mètres, bonne chance !)   

 Dans l’Angleterre nouvelle à l’ancienne, plus question de GSM (technologie asiatique, bêrk). Retour des splendides cabines téléphoniques rouge sang !

 Plus de vin ni de champagne (c’est bon pour les mangeurs de grenouille) ni de prosecco (depuis que les Italiens ont chassé Salvini, pas question de faire exception pour leurs produits) : de la Guinness (heureusement rachetée aux Irlandais entre temps par une bonne compagnie de Londres) et du thé, what else ?

Tant qu’à remonter dans le temps, l’Ecosse va sans doute reprendre son indépendance. L’Irlande du Nord acheter des armes belges. Et Londres imiter Singapour. Mais c’est mal parti : les Anglais devront importer des ordis et des logiciels asiatiques (aïe). Et la gestion des portefeuilles et de l’argent noir depuis les cabines téléphoniques permettront difficilement de se mesurer à la ville-jardin.  

La bonne nouvelle c’est que de nombreuses économies sont envisagées : Scotland Yard licenciera une partie de ses troupes puisque l’île, désormais préservée des étrangers, sera une terre sûre, à l’abri des pires malandrins, sinon quelques petits voleurs à la tire qui ont trop lu Dickens. Pour le reste, les citoyens n’ont qu’à s’adresser aux détectives privés. Le royaume n’a-t-il pas donné au monde Sherlock Holmes ? On économisera sur les autres services publics comme on l’a fait avec les chemins de fer. Et on supprimera les autoroutes inutiles avec la disparition de ces affreux camions venus d’Europe de l’est.  

Boris Johnson pourra surtout sabrer dans le budget de la Santé puisque, comme le disait Oscar Wilde : « La pensée, en Angleterre, n’est pas une maladie contagieuse. »  

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REVENANTS

Que faire de tous ces voyageurs belges perdus en Syrie et qui commencent à revenir chez nous avec armes et enfants (les femmes suivent derrière avec les bagages) puisque le président Assad a sifflé la fin de la récréation ?
Je vous résume les propositions les plus intéressantes que j’ai relevées.
Avec la perspective d’un Brexit difficile, certains suggèrent que, dès leur retour, nos compatriotes soient engagés comme douaniers. Justement, on doit en recruter en masse pour empêcher les immigrés britanniques de prendre la place des réfugiés libyens ou somaliens au parc Maximilien. Les « revenants » ont toutes les qualités pour remplir cette mission difficile. Ils savent tirer. Ne se laisseront pas attendrir par le récit des malheurs des pauvres Ecossais. Et ils n’auront pas peur des fantômes qu’ils auront emportés dans leurs bagages. Les « revenants » en ont eux-mêmes ramenés tant avec eux qu’ils savent comment les dresser.
Autre offre, venue cette fois de l’Agence spatiale européenne. Pourquoi ne pas envoyer les « revenants » dans l’espace ? Ils viennent de l’enfer ; on les renvoie au paradis.
L’ASE qui prépare depuis des années des vols habités a bien du mal à recruter des candidats. Dès que l’Agence leur promettra un passeport et un engin direction le ciel, qui peut douter que les « revenants » n’accueillent cette proposition avec ferveur ? Les 72 vierges ? Oui, elles attendent là-haut, promis, juré. Mais, l’Agence ne garantira pas qu’elles seront déjà prêtes pour accueillir les voyageurs du premier voyage. Restons sérieux.
Les transports semblent beaucoup inspirer ceux qui veulent recaser les « revenants ». S’ils ne peuvent tous embarquer dans les capsules spatiales, ils trouveront un job dans les bus. Un des dirigeants des TEC m’a glissé à l’oreille que sa société pourrait charger les meilleurs d’entre eux de remplacer les chauffeurs des TEC les jours de grève. Soit pratiquement un boulot plein temps garanti. Ceux qui ont eu l’expérience des chemins de Syrie ne seront guère surpris par l’état des routes wallonnes.
Une dernière idée imaginée à l’occasion de la Foire du Libre de Bruxelles qui s’ouvre dans quelques jours. Beaucoup de parents se dévouent pour lire des livres aux petits dans les écoles. Les « revenants » pourraient les aider. Qui mieux qu’eux pourraient leur lire avec un accent de vérité et des sanglots dans la voix des extraits de livres dont l’action se déroule au Moyen Orient ? « Tintin au Pays de l’Or noir », « Salut aux coureurs d’aventures » de John Buchan ou les récits des « Mille et une nuits ».
On peut discuter mais il faut reconnaître que ces « travaux d’intérêt général » seraient autrement plus utiles pour les « revenants » – et moins inquiétants pour nous- que de bourrer les prisons et de les laisser convertir les autres détenus aux idées radicales…

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LE CHEMIN DES DAMES

Sans même consulter Madame Soleil, 2017 s’annonce aussi joyeuse que la bataille du Chemin des Dames dont on rappellera cette année le centième anniversaire : ouragans, mitraille et ravages. Si nous arrivons jusqu’à Noël prochain, nous sortirons des tranchées, étonnés d’être en vie et soulagés que la planète ait survécu. Réjouissons-nous ! 2017 ne peut qu’être une année de surprises…

En janvier, trompettes et clairons salueront aux Etats-Unis le sacre du nouveau commandant en chef des armées, accessoirement quarante-cinquième président. D’ores et déjà, Donald Trump a tracé les contours de son équipe, dont la composition est directement inspirée par la série américaine, qui a bercé son enfance, Les Trois Stooges. Une série à la fois délirante et navrante dont l’esprit correspond plus ou moins en France aux Pieds Nickelés. Des bouffons maladroits qui se croient très malins mais dont toutes les initiatives se transforment en catastrophes. C’est sûr, on va s’amuser. A condition que Vladimir Poutine déniche, comme son ami Donald le lui a demandé, la poignée de scénaristes capables d’écrire les gags.

En mai, dès son entrée en fonction, la nouvelle présidente française nommera François Hollande président d’honneur juste pour faire enrager son vieux père. Connue pour son aptitude à la pagaille, elle aura vite fait d’égarer le carnet sur lequel son prédécesseur a soigneusement noté le code de l’arme atomique. Heureusement que les services secrets russes en ont gardé copie. Oncle Vladimir le lui enverra en guise de cadeau pour célébrer son sacre. Il faut espérer qu’un secrétaire maladroit ne se mélange pas les pinceaux en confondant la formule de mise à feu de la bombe avec le script d’un des gags préparé pour le nouveau président américain.

Dès sa nomination comme nouveau Ministre de l’Immigration Endigué (à la place de Théo Francken, entré dans les Ordres), Bart De Wever règlera d’un coup le problème des réfugiés. « Inde est quod silanus erit clausa » (« C’est à la source qu’il faut fermer le robinet ») annoncera-t-il. Plus aucun étranger ne sera admis sur notre sol à moins qu’il prouve qu’un de ses ancêtres au moins a combattu à la bataille des Eperons d’Or sous les ordres du fils du Comte de Flandre, Gui de Namur (nul n’est parfait même en Flandre).

Que reste-t-il alors au menu pour nous sauver de la déprime ? La Catalogne se prépare à proclamer son indépendance et à fusionner avec l’Ecosse dans un nouveau royaume bilingue qui promet bien du plaisir aux constitutionnalistes et aux humoristes.

Et surtout, un seul espoir, comme toujours, dans notre Europe en miettes, Angela Merkel, dont le mandat pourrait être renouvelé à la rentrée d’automne. La dame qui montre le chemin…

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L’EUROPE DANS TOUS SES ETATS

Depuis des semaines, la planète occidentale n’a parlé que de ça. Que se passerait-il si l’Ecosse se séparait du Royaume Uni ? Oubliant presque que, pendant ce temps, une partie de l’Ukraine a quitté l’amère patrie pour plus grand et plus riche et que l’Iraq s’en va en morceaux comme jadis la Yougoslavie. Et d’agiter avec effroi la menace d’une sécession de la Catalogne, de la Padanie, de la Corse du nord, de la Corse du sud, voire des Cornouailles. Sans oublier bien sûr la Flandre.

Jadis, on avait des idées plus souples. Les modifications de frontières ou d’états, les changements d’étiquettes sur les cartes du monde, n’étaient pas considérés comme des tremblements de terre magnitude 9,5 sur l’échelle de Richter.

Lorsqu’il perdit son trône de Pologne, le pauvre roi Stanislas Leszczyński, errant et sans le sou, se vit offrir le duché de Lorraine par le roi de France – son gendre – avec l’accord des autres puissances européennes. Pour consoler l’ex-duc de Lorraine de la perte de ses terres, il reçut en lot de consolation le duché de Toscane. Vous auriez refusé d’abandonner Florange pour Florence?

L’opération était subtile. Louis XV n’attribua le duché de Lorraine à Stanislas qu’en viager. Ce qui lui permit de le récupérer à sa mort et de l’ajouter à son propre domaine.

Avec la mode de la démocratie, les rois n’ont plus la même marge de manœuvre. On imagine mal la reine Elisabeth II laisser la couronne d’Ecosse à son fils, pour le faire patienter en attendant la fin de son interminable règne. Ou le roi Philippe proposer à Bart De Wever, qui a si peu de goût pour la rue de la Loi, de lui confier un marquisat viager à Anvers. L’idée ne devrait pourtant pas être abandonnée. Il suffit de lui donner un coup de neuf.

Jadis, quand on ne savait plus comme se débarrasser d’un politicien, on le nommait, selon sa cote à l’Argus, député ou commissaire européen. On a vu le résultat. Leurs rôles sont mal définis, tout le monde se mélange les pinceaux et il n’en sort rien car ces fonctions ne représentent rien, ni personne. En revanche, si on découpait l’Europe en mille et un duchés, leurs dirigeants pourraient exercer utilement leur pouvoir sur ce bout de territoire. Sans créer ni jalousie ni crise de nerfs puisque l’existence de ces mini-états serait limitée à celle du mandat de leurs chefs.

Ce système permettrait aussi de recaser quelques gueules cassées. Melchior Wathelet jr à la tête d’un comté de Verviers-Tongres, loin de tout aéroport. Voisin d’un archiduché de Frise orientale où on aurait fait atterrir François Hollande. Il a déjà le nom, les bottes en caoutchouc et le nez qui coule. Il suffit d’un peu d’imagination pour remettre l’Europe sur les rails …

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