HEROÏNES DE NOTRE TEMPS

 Allez, les filles, c’est votre fête ! Profitez-en, ça n’arrive qu’une fois par an ! Le reste de l’année, faut ramer pour être une héroïne ! 

D’ailleurs, qu’est-ce qu’une héroïne de notre temps ? Adèle Haenel quittant la cérémonie des Césars en pestant parce que le César de la Réalisation est attribué à Roman Polanski pour « J’accuse » ? (Le cinéaste l’avait déjà emporté quatre fois auparavant sans susciter de vagues). 

Ou plutôt Maggie De Block obligée de gérer la lutte contre l’épidémie (et l’hystérie) du corona-virus avec/contre les ministres de la santé de toutes les entités fédérées, régionales, communautaires, qui veulent tous être sur la photo ? Ou encore Sophie Wilmès qui parvient à piloter un gouvernement hyper-minoritaire sans susciter de polémique ou de blocage de nos institutions ? 

Comment faire avancer la cause des femmes ? En France, dans le sillage de la grande Adèle, certaines affirment que c’est par la violence que « la » cause va progresser. Il est vrai que c’est une tradition chez nos voisins, bercés par les images d’Epinal de la Révolution. On a été jusqu’à prétendre que l’avant-garde du féminisme c’était les tricoteuses qui s’installaient devant la guillotine pendant la Terreur pour voir tomber les têtes avant de tremper leurs mouchoirs dans le sang des suppliciés. 

Faut-il parler aussi de « violence féministe » à propos des Femen ? Ce mouvement (né dans les premières années de l’Ukraine post-soviétique mais imité depuis notamment en France) lance ses militantes sur le pavé en exhibant un message peint sur leur poitrine dénudée. Jouant avec ambigüité de ce mélange de sexe, politique et provocation. 

Poursuivi par le parquet pour « exhibition sexuelle», un groupe de Femen avait été acquitté par la cour d’appel de Paris qui estimait que « la seule exhibition de la poitrine d’une femme » ne constitue pas un délit si « l’intention de l’auteur est dénuée de toute connotation sexuelle ». L’intention politique est évidente. Mais peut-on dire qu’elle est dépourvue de toute provocation sexuelle ? La cour de  cassation de France a essayé de redresser la barre il y a quelques jours. Elle estime qu’une femme qui exhibe sa poitrine commet un délit. Tout en confirmant la relaxe des Femen car les incriminer serait « une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression ». Raisonnement bien tortueux d’une justice qui, une fois de plus, ne sait plus comment coller à l’air du temps d’une société en pleine évolution et en pleine contradiction. 

Au même moment, un juge américain a condamné une femme qui peignait une pièce de sa maison, seins nus, devant ses enfants. Mais pas son mari, qui travaillait à ses côtés, lui aussi sans chemise.

« Rien n’est jamais acquis pour une femme, sauf le sarcasme si elle trébuche », écrivait pertinemment Christine Ockrent.   

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LES FEMMES SAVENT POURQUOI

Il y a un peu plus de trente ans, Françoise Giroud disait : La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente.» Dommage que cette magnifique chroniqueuse, à la plume aiguë et piquante, ne soit plus là pour célébrer les exploits de Jacqueline Galant. Avec son talent, elle en aurait fait une véritable héroïne, la meilleure femme politique d’Europe puisque la plus maladroite.

Marguerite Duras aussi nous manque. « Coupable, forcément coupable » aurait-elle écrit pour célébrer la patronne de Jurbise et la transformer en icône. Avec elle, la mobilité n’a certes pas progressé d’un pouce mais la cause féminine, si. Faut choisir.

Le rapport parlementaire sur l’état des tunnels bruxellois conclut à la responsabilité de tous les ministres régionaux successifs, ainsi que de l’administration. Lorsque tout le monde est responsable, personne ne l’est. C’est un des trucs habituels qu’utilisent les hommes pour se tirer des flûtes. Heureusement, il y a au moins une femme dans le tas qui en profite, Brigitte Grouwels qui, question compétence, n’a rien à envier à notre spectaculaire mais ex-ministre fédérale de la mobilité. En voilà encore une qui fait sortir la cause des femmes du tunnel.

L’égalité annoncée par Françoise Giroud montre cependant ses limites avec Joëlle Milquet. Une femme dont les capacités et les compétences sont reconnues même par ses pires ennemis (et question ennemis, personne n’est plus compétente qu’elle !)

A sa place, un homme aurait-il été traité de la même façon ? Aurait-il été inculpé aussi sec pour ce genre de (mé)faits comme si aucun membre de cabinet n’a jamais participé à la campagne de son boss ? Et aurait-il été dans la foulée débarqué avec le même entrain (comme dit madame Galant) ? Il est vrai qu’en Belgique, on aime brûler ceux dont la tête dépasse. Tant pis pour les écoles et l’éducation, sans doute le secteur le plus essentiel pour changer notre société et sauver la prochaine génération. Les cahiers au feu et Joëlle au milieu !

La Belgique n’a pas la médaille en matière de féminisme politique. Demandez aux parlementaires brésiliens ce qu’ils pensent de leur présidente et si, au lieu de Dilma Rousseff, c’eût été Lula au pouvoir. Se seraient-ils dressés contre lui de la même manière, avec la même hargne et aussi rapidement ? L’élimination de Dilma se court comme le cent mètres, celle de Lula aurait au moins pris l’allure d’un marathon doublé d’une course d’obstacles et complété par une finale de triathlon.

Une fois de plus, une seule femme tire son épingle du jeu, Angela Merkel ! Elle surmonte les épreuves les plus improbables avec la grâce d’une antilope et l’intelligence d’un dauphin. Au-dessus du lot, des hommes – et des incompétentes ! Allez, Angela !

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