LES FEMMES SAVENT POURQUOI

Il y a un peu plus de trente ans, Françoise Giroud disait : La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente.» Dommage que cette magnifique chroniqueuse, à la plume aiguë et piquante, ne soit plus là pour célébrer les exploits de Jacqueline Galant. Avec son talent, elle en aurait fait une véritable héroïne, la meilleure femme politique d’Europe puisque la plus maladroite.

Marguerite Duras aussi nous manque. « Coupable, forcément coupable » aurait-elle écrit pour célébrer la patronne de Jurbise et la transformer en icône. Avec elle, la mobilité n’a certes pas progressé d’un pouce mais la cause féminine, si. Faut choisir.

Le rapport parlementaire sur l’état des tunnels bruxellois conclut à la responsabilité de tous les ministres régionaux successifs, ainsi que de l’administration. Lorsque tout le monde est responsable, personne ne l’est. C’est un des trucs habituels qu’utilisent les hommes pour se tirer des flûtes. Heureusement, il y a au moins une femme dans le tas qui en profite, Brigitte Grouwels qui, question compétence, n’a rien à envier à notre spectaculaire mais ex-ministre fédérale de la mobilité. En voilà encore une qui fait sortir la cause des femmes du tunnel.

L’égalité annoncée par Françoise Giroud montre cependant ses limites avec Joëlle Milquet. Une femme dont les capacités et les compétences sont reconnues même par ses pires ennemis (et question ennemis, personne n’est plus compétente qu’elle !)

A sa place, un homme aurait-il été traité de la même façon ? Aurait-il été inculpé aussi sec pour ce genre de (mé)faits comme si aucun membre de cabinet n’a jamais participé à la campagne de son boss ? Et aurait-il été dans la foulée débarqué avec le même entrain (comme dit madame Galant) ? Il est vrai qu’en Belgique, on aime brûler ceux dont la tête dépasse. Tant pis pour les écoles et l’éducation, sans doute le secteur le plus essentiel pour changer notre société et sauver la prochaine génération. Les cahiers au feu et Joëlle au milieu !

La Belgique n’a pas la médaille en matière de féminisme politique. Demandez aux parlementaires brésiliens ce qu’ils pensent de leur présidente et si, au lieu de Dilma Rousseff, c’eût été Lula au pouvoir. Se seraient-ils dressés contre lui de la même manière, avec la même hargne et aussi rapidement ? L’élimination de Dilma se court comme le cent mètres, celle de Lula aurait au moins pris l’allure d’un marathon doublé d’une course d’obstacles et complété par une finale de triathlon.

Une fois de plus, une seule femme tire son épingle du jeu, Angela Merkel ! Elle surmonte les épreuves les plus improbables avec la grâce d’une antilope et l’intelligence d’un dauphin. Au-dessus du lot, des hommes – et des incompétentes ! Allez, Angela !

www.berenboom.com

PRENDS L’OSEILLE ET TIRE-TOI !

Temps difficiles pour la culture et les créateurs. Les libraires tombent comme des mouches, les éditeurs belges se réduisent comme peau de chagrin et les innombrables ministres de la culture de notre petit royaume sabrent dans les budgets pour se débarrasser des théâtres ou des musées qui les encombrent. Ils n’ont pas encore compris que ce sont les créateurs qui tissent le lien social et tiennent le fritkot debout et pas leur service de communication. Qu’est-ce qui rend Bruxelles si magnifique, si émouvant, si désirable ? Le « Tout Nouveau Testament » de Jaco Van Dormael ou un discours à la nation bruxelloise de Rudi Vervoort ?

La situation des créateurs était aussi déprimante en France jusqu’à ce qu’un duo de journalistes donne un coup de pied dans cette fourmilière désespérée. Qu’ils en soient loués, comme disait Dieu ! Même si leur initiative les a fait valser en taule. C’est bon signe : beaucoup de grands artistes sont passés par la case prison avant de passer à la postérité. Cervantès, Casanova, Howard Fast, Dostoïevski ou Soljenitsyne. Eric Laurent et Catherine Graciet, retenez ces noms, sont les nouveaux géants de la culture new wave.

Ils ont compris que le livre, c’est fini : plus de lecteurs (les gens préfèrent lire les conneries de leurs copains sur leur Smartphone), plus de subventions (les politiciens ont transféré le pognon destiné à produire des livres ou des spectacles vers les agences chargées d’assurer leur image), le livre n’est même plus cet emblème chic de l’homme classieux. Leur idée de génie : pour que le livre reste une bombe, il faut qu’il ne soit pas lu, qu’il ne paraisse pas, que les auteurs empêchent eux-mêmes l’édition de leur texte. Au lieu d’encaisser des droits d’auteur, il suffit de monnayer cette autocensure. Ce coûte moins cher et ça rapporte beaucoup plus.

Laurent et Graciet ont donc griffonné un vague manuscrit bourré d’horreurs sur le roi du Maroc qu’ils ont essayé de vendre au Commandeur des croyants pour trois millions d’euros. Même Hollywood n’aurait pas payé autant pour l’adaptation -le roi du Maroc non plus. Mais peut-être Spielberg serait-il prêt maintenant à acheter très cher l’histoire de ce coup fumant, plus fort encore que celui raconté dans « Catch me if you can » ?

Ce concept révolutionnaire devrait inspirer d’autres auteurs. Combien donnerait Bart De Wever pour faire oublier les déclarations de Théo Francken sur l’accueil nécessaire aux réfugiés ? Et Joëlle Milquet pour que les humoristes arrêtent d’exploiter toutes ses bonnes idées ? Et Charles Michel pour qu’on efface toutes ses déclarations durant la campagne électorale où il s’engageait à ne jamais (jamais, lisez sur mes lèvres) s’allier à la N-VA ?

Et surtout, combien Dieu serait-il prêt à payer à Jaco pour qu’il taise ses secrets ?

www.berenboom.com