LECTURES

Dans le mot lire, il y a lit. J’adore lire couché – ma compagne aussi, ça tombe bien. Quand on rit, on ne tombe pas de haut et ça secoue le matelas – excellent exercice pour le dos. Quand on pleure, on a des mètres de draps sous la main pour éponger les larmes. Et les coussins pour absorber les cauchemars, notre monde intérieur réveillé par quelque thriller tordu.
Dans le mot lire, il y a aussi ire, la colère : excellente conseillère. Rien de plus ennuyeux que ces livres écrits sans raison, juste pour orner la table du salon ou éblouir la galerie. Pour tenir son lecteur à la gorge, l’écrivain doit plonger sa plume au fond de ses humeurs. Une livre s’écrit avec la rate qui se dilate et des bleus à l’âme. Rien de tel pour faire naître le grand rire qui tue. Lisez J. Kennedy Toole “La Conjuration des Imbéciles? ou « Le Couperet » de Donald Westlake, belles figures de dérapages dans notre société folle par des êtres pathétiques et furieux sauvés par l’humour de leurs créateurs.
« Je lis » ça rime avec tapis. La littérature comme tapis volant. Recommandé à tous ceux qui ont le mal de l’air : ça ne consomme pas de pétrole et ça se crashe rarement. Et, pourtant, ça vous envoie en l’air plus haut et plus vite qu’une navette spatiale. Voyage dans la Lune aller-retour pour une poignée d’euros. Un petit pas dans un livre, un grand pas dans les rêves.
Se promener dans les petites villes du sud des Indes dans les années trente avec Narayan, au Japon aujourd’hui avec Haruki Murakami ou Ishiguro (« Un artiste du monde flottant »), dans les profondeurs de l’Amérique latine il y a quelques siècles avec Thornton Wilder (« Le Pont du Roi Louis ») L’espace-temps est bousculé dans ces intrigues magiques où des personnages venus de l’autre bout de la planète et du temps nous paraissent plus proches, plus familiers, que bien des héros de ces romans français qui traînent leur mélancolie dans les rues chics de Paris ou de ses banlieues glauques -forcément glauques.
On dit le mot « lit » et on pense aussi à l’amour. Evidemment. Que d’histoires d’amour esquissées, vécues à travers des amants heureux, malheureux, délirants, impuissants, obsédés, pervers, timides, que de belles dames aimées, détestées, séduites, folles, sournoises, lamentables mais toutes sublimes. Combien de magnifiques créatures avons-nous aimées– et trompées et délaissées ? D’« Anna Karenine », la plus belle et la plus contemporaine des femmes de la littérature à Zonzon Pepette, superbe et pathétique (André Baillon), Lou, amante lointaine d’Apollinaire bandant au fond de sa tranchée, « La femme aux lucioles » de Jim Harrison quittant sa vie bourgeoise pour rien, comme ça, par caprice, à un parking d’autoroute. Et Jenny, la redoutable maman de Garp (John Irving), les femmes folles de l’ouest américain qui hantent les livres de Dorothy Johnson et de Willa Cather, Shosha la sublime petite Polonaise de Singer restée à Varsovie à l’arrivée des Nazis, et Sylvia Plath. Et les petites filles faussement fragiles de Carson Mac Cullers («Frankie Adams »).
La syllabe « Li » se retrouve aussi dans « Italie ». Même en littérature, tous les chemins mènent à Rome. Se plonger avec délices dans les intrigues tortueuses avec les amoureuses capricieuses de Mario Soldati, l’Italie honnête, civilisée de I. Silone, l’Italie urbaine, raffinée et perverse de Fruttero et Lucentini. Sans oublier tant d’écrivains étrangers qui ont aussi bien raconté l’Italie que des Italiens, J.L. Sampedro ( « Le Sourire étrusque »), Barry Unsworth (« La Vierge de Pierre »).
Entre « lit » et « élit », il n’y a qu’une petite lettre de différence. L’élection, c’est le choix, quelques instants de liberté où l’on se croit maître des événements, du monde, de la vie, le temps d’un livre quand des héros nous permettent de refaire le monde : Ubu roi, «Les fous du roi » de R. Penn Warren, « Fondation » d’Asimov.
Des bouquins dont je me rappelle les couvertures. Important ça, les couvertures. Mes vieux livres de poche, sont toujours rangés dans un coin de ma bibliothèque à côté d’une pile de Marabout, reflet de mon enfance, éclat de mes vies.

Paru dans « Lectures » (revue des Bibliothèques de la Communauté française), n°151.

Le dernier qui part jette la clef

chronique
A partir du 1er juillet, plus rien n’a d’importance. Tout ce qui paraissait incontournable, onbespreekbaar se délite dans le sable, la mer et le vent. L’air passe enfin. Les nœuds, les blocages s’évanouissent, Charleroi, le programme de la NVA, BHV, le plan Marshall, les mecs qui se remontent les bretelles à longueur d’années, les nanas qui veulent montrer qu’elles aussi ont des biscottos, les chefs, les sous-chefs, les futurs chefs et ceux qui veulent faire croire qu’ils ne sont pas encore has been, tout ça, c’est fini. On arrête tout et on marche dans l’eau.
Les très sérieux présidents des conseils d’administration courent les écoles pour écouter, plus anxieux que leurs enfants, le résultat des délibés avant de se remettre de leurs angoisses en enfilant short et tongs et en construisant des châteaux de sable avec l’énergie qu’ils mettent à racheter et à revendre des entreprises. Des châteaux qui vont disparaître une heure plus tard, dès la marée haute.
Pastis, épilation et régime maillot, le tour de France, le concours de pétanque, voilà désormais ce qui compte. La seule question existentielle qui se pose est celle-ci : combien de fois, penses-tu, ces scampis ont-ils été congelés, dégelés et congelés à nouveau ? Ah ! Qui décrira la terreur de l’homo sapiens confronté aux mystères de la chaîne du froid dans les restos de plage de la Méditerranée ?
Ce n’est pas seulement une pause, c’est l’histoire qui bascule : Tony Blair quitte le pouvoir, Paris Hilton sort de prison, les socialistes wallons perdent le contrôle absolu de Charleroi. Une époque nouvelle commence : l’Europe se promet un vrai président, Elio di Rupo accède à la présidence du P.S., Michel Daerden exige la présidence de la gauche bouchon.
On ferme tout ce qu’on croyait indispensable : l’ordinateur, la télé, la radio, le mobile, le bulletin des enfants, le rapport de l’informateur. Le catalogue des Trois Suisses vient d’arriver et on se met enfin à lire des romans.
Reste à affronter les soldes, une épreuve terrible, nouvelle preuve que rien n’a d’importance : cette veste, cette paire de sandales à semelles compensées, ce sac qui valait deux mois de salaire, symboles magiques mais inaccessibles de la réussite, on vous les donne ou presque. On s’était donc trompé sur toute la ligne : tout ça ne valait rien. Pas plus que les promesses électorales imprimées en couleurs sur les tracts qui traînent encore dans la cave avec la photographie chiffonnée de ceux qui n’ont pas été élus et de ceux qui l’ont été mais qui se demandent déjà pourquoi faire. Il n’y a pas qu’eux. Le 1er juillet, on se demande tous si on ne s’est pas trompé de vie.

Alain Berenboom
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DREAM TEAM

chronique
Nicolas Sarkozy a fait fort : Kouchner aux affaires étrangères, un super ministère de l’environnement, la présidente de Ni putes Ni soumises et l’ex-patron d’Emmaüs : que du beau linge dans un gouvernement dit de droite ! On imagine mal la gauche française déployer pareil tableau de chasse. Face à lui, le pauvre Hollande n’en mène d’ailleurs pas large. Entre Sarkozy qui lui pique le meilleur de la troupe, Ségolène qui le chasse de l’appartement en gardant la vaisselle et les poids lourds du PS qui le poussent au fond du placard, il rame à Solférino et songe à partir en week-end avec Alain Juppé pour soigner sa dépression.
Emerveillé par le numéro de Nicolas 1er, dont il est un des plus fervents groopie, Didier Reynders fantasme sur une dream-team à la belge. Les traîtres magnifiques sont à la mode. Qui va croquer les oranges bleues ? Si l’on range à gauche Van Cauwenberghe, Happart ou Despiegeleer, il ne devrait pas avoir top de mal à convaincre des vraies stars et même quelques B.V./W.
Michel Daerden par exemple, l’incarnation de la vraie gauche bouchon prendrait la Santé (pas la prison, les hôpitaux). Au grand dam de Steve Stevaert qu’un passé de bistrotier prédestinait à la fonction. Le gouverneur du Limbourg continuera donc à chasser les chenilles processionnaires.
Josy Dubié aurait accepté le secrétariat d’état à la Condition féminine, ce qui pourrait pousser Richard Fourneaux à la Condition masculine. Il se tâte encore.
Pure provocation à l’égard de son ami Alain Zenner – ancien curateur des Forges de Clabecq- ou vraie conviction, D. Reynders songerait très sérieusement à Roberto D’Orazio pour dynamiter la Justice.
Divine surprise, Kim Clijsters n’aurait pas dit non au portefeuille des Affaires étrangères. Dame ! Elle parle au moins trois langues et pratique le grand écart mieux que la plupart de nos politiciens professionnels. Autre nouveauté, un ministère confié à deux co-ministres : les frères Dardenne qui hésitent entre l’Intérieur et l’Extérieur Nuit.
Notre meilleur produit d’exportation, la B.D. serait pour la première fois dans un gouvernement. Tintin, trouvant les oranges bleues trop amères, le rôle serait confié à Gaston Lagaffe, le héros sans emploi, ce qui le prédestine à la fonction de ministre sans portefeuille mais avec hamac.
Au ministère de l’avenir, François Schuiten ; aux droits de l’homme, Marion Hänsel et Toone VII au ministère du bruxellois, qui devrait remplacer français et flamand comme seule langue officielle du pays, une solution qui réglera enfin ces stériles et épuisantes querelles communautaires.
Reste le poste le plus disputé, le ministère de la Perfidie. Aux dernières nouvelles, c’est Guy Spitaels qui tient la corde.

Alain Berenboom
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TOUT NUS & A VELO

chronique
Avec le réchauffement climatique et la mode bio, les manifestations changent de look. Au défilé de protestataires emballés dans des parkas matelassés succèdent les adeptes du naturel. Après Saragosse, c’est à Paris que des militants vélocipédiques ont parcouru les rues sur leurs engins en exhibant fièrement les leurs. N’en déplaise aux vieux militants, parfois un peu coincés, le slogan bombé sur un drap et l’Internationale chantée en chœur, ça n’intéresse plus personne. Pour attirer l’attention du citoyen, ce n’est plus le poing qu’on lève.
La grève de la faim aussi est passée de mode. Le temps où Gandhi soulevait l’Angleterre est bien fini. Malgré la mort d’irréductibles partisans de l’I.R.A., madame Thatcher avait été réélue sans difficultés. Et l’Inde choisit maintenant l’arme atomique pour imposer ses vues.
Les épouvantables massacres en Afrique noire, les violences barbares des terroristes irakiens ont habitué l’opinion publique à une escalade de plus en plus atroce dans l’expression des revendications. La surenchère est triste hélas. Ne reste que le cul pour sensibiliser les citoyens blasés et monter à la tête de ceux qui tentent à tout prix de devenir des vedettes ou d’afficher leurs idées.
Michel Daerden a bien essayé l’alcool mais son message était si dilué que la méthode a démontré ses limites. La prochaine fois, faisons-lui confiance, lui aussi descendra le pantalon.
Le sexe a envahi les journaux et l’internet mais il continue de titiller et de faire scandale: la pub, les shows télé n’ont rien trouvé de mieux pour se vendre. Voilà donc les revendications politiques gagnées à leur tour par le fléau.
Les cyclistes défilent dans le plus simple appareil pour protester contre l’envahissement des villes par les bagnoles. Demain, à qui le tour ? José Bové qui a beaucoup perdu de sa superbe depuis la dernière campagne électorale française mais qui affiche toujours sa moustache en forme de guidon de vélo pourrait être tenté d’attaquer la prochaine fois Mac Donald à poil. Et José Happart, en chute libre dans le coeur des électeurs, se rappeler qu’il existe des francophones dans les Fourons et leur proposer de poser sans défroques devant le palais du gouverneur du Limbourg jusqu’au jour du rattachement à Liège – ou à la pneumonie. Dans quelques semaines, lorsque les socialistes seront dans l’opposition, ils pourront peut-être reprendre l’idée à leur compte ; cela fera un scandale qui fera oublier ceux de Charleroi, de la gestion des habitations sociales et autres.
Reste une limite : le froid. Mais à la manière dont nos gouvernants s’intéressent à l’évolution climatique, l’hiver n’existera bientôt plus.

Alain Berenboom
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LE CAROLO UGLY BROTHER

chronique
Les thèmes des reality shows et autres star ac’ commençant à s’épuiser, les producteurs ont compris que, pour relancer l’intérêt des téléspectateurs, il fallait surenchérir dans le guignol en jouant la carte du sordide. Aux Pays-Bas, grâce au très raffiné Endemol (propriété notamment de Silvio Berlusconi), une cancéreuse en stade terminal trônant sur un plateau télé va choisir le bénéficiaire de son rein entre plusieurs candidats (applause !)
En Belgique, c’est la ville de Charleroi qui relève le gant. Lassés des quolibets et des lazzis, les dirigeants socialistes locaux ont longtemps cherché le moyen de redorer leur image auprès du public. Les inculpations n’ont en effet servi à rien, ni les contritions et autres excuses. Les élections communales pas davantage. Dans l’isoloir, les citoyens perdus devant ces listes décourageantes de noms et de sigles inconnus, poussent un grand soupir, haussent les épaules et cochent comme toujours le nom de leur seigneur (leur saigneur serait plus exact). Après ça, ledit roi, réélu pour la centième fois, fait semblant dans un grand geste de générosité de s’entourer de nouveaux bouffons. Mais, personne ne s’y trompe, le spectacle reste le même. Comment alors provoquer un électrochoc qui redonnerait à la population le goût de la politique ?
Une idée géniale vient de jaillir dans le cerveau fertile de certains de ces messieurs : un jeu, un show, le Carolo Ugly Brother. La démocratie ayant démontré son inutilité, place à la télé ! Un outil que le citoyen d’aujourd’hui comprend et manie bien mieux que le crayon électronique.
A l’occasion des élections, il s’agit (en principe) de choisir les meilleurs dirigeants. On a vu le résultat… Avec le jeu télé, plus d’hypocrisie : le gagnant est vraiment le dirigeant le plus affreux. C’est celui qui a commis le plus d’infractions qui accumule les points. Spéculation immobilière grâce à des renseignements d’initiés ou faux procès-verbaux du conseil communal, c’est pas mal mais insuffisant pour accéder aux demi-finales. L’achat de vins avec la caisse des habitations sociales, c’est mieux. Une caisse noire dans le dos du service troisième âge, c’est assez dégoûtant pour valoir une prime. L’argent des contribuables dépensé pour équiper des maisons de campagne, payer les frais de bouche et les voyages lointains des grands chefs, c’est classique mais vu le montant, cela mérite un coup de chapeau. Le financement d’une équipe sportive à Carcassonne, ça c’est beaucoup plus original. Pour ma part, je vote la qualification en finale de l’auteur de cette trouvaille. Mais on attend la suite avant de désigner le vainqueur. A Charleroi, on n’est jamais déçu. L’imagination est au pouvoir (de l’argent).

Alain Berenboom
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VERTU FRAICHE

chronique
Je ne cache pas le plaisir un peu pervers que je prends certains soirs de déprime à lire les discours des ministres de la Communauté française. Saturé de reportages sur l’explosion du libéralisme nécessairement sauvage ou sur le plongeon des cadres de sociétés en parachutes dorés, il est rafraîchissant d’entendre une ministre parler de « l’universalité de l’humain » à travers « une autre mondialisation » tout ça juste pour ouvrir un festival à Liège et une autre excellence soutenir, paraît-il, l’engagement d’un clown pour aider les chômeurs à retrouver de l’emploi. Après le plan Marshall, le cirque de Moscou.
Nul n’a écrit des mots aussi ardents que les leaders politiques de la culture pour défendre le service public à la radio et à la télévision et protéger l’âme des enfants mais il vaut mieux regarder leurs discours que la RTBF ou les locaux des écoles. Jamais les programmes n’ont été autant pollués par la pub. Et les distributeurs de boissons affichant les marques les plus connues décorent les locaux des écoles (cachant ainsi par de jolies couleurs fissures et autres dégradations). Les parents, amis et voisins n’ont jamais été autant sollicités. Faute de manuels scolaires, les écoles achètent des photocopieuses. En faisant les comptes, on découvrirait peut-être que le coût des machines et surtout la « participation » des parents au remboursement des photocopies permettraient d’acquérir une bibliothèque de livres reliés pleine toile …
N’oublions pas les voyages scolaires. Jadis, les fancy-fairs contribuaient à boucler les budgets. Maintenant, la technique branchée s’appelle le porte-à-porte. Les enfants des environs viennent sonner, une attestation à la main indiquant que leur mendicité est très morale puisque soutenue par leurs profs : ils font la manche pour payer le voyage scolaire et non pour survivre, comme les malheureux qui se jettent sous les voitures à certains carrefours de la capitale. Certains proposent des cakes maison, des bougies, des savons, joyeux modèle de l’économie parallèle des pays sous-développés. Et, sur les marchés le dimanche, des bambins de moins de six ans interpellent le chaland en vendant des fleurs pour financer leurs camps d’été. Est-ce une manière de leur apprendre la survie en communauté française ? Ou une pub pour la re-fedéralisation de la protection de la jeunesse ?

PS : Si la lecture des discours ministériels et des tracts électoraux vous laissent un peu de temps, évadez-vous ce long week-end dans la Suède noire. Après les polars d’H. Mankel qui égratignent le beau vernis de la social-démocratie (modèle de Sarkozy et de Royal), voici un autre Suédois qui nous emballe, Stieg Larsson et sa trilogie « Millenium » (chez Actes sud).

Alain Berenboom
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REFONDATION

chronique
La mode est à la refondation. Le parti socialiste français s’est emparé de cette belle expression pour cacher les dégâts causés par son implosion et donner « du grain à moudre » au « peuple de gauche » qui a toujours vécu de promesses et de belles phrases. Sentant le potentiel de cette formule très médiatique, la droite sarkozienne n’a pas voulu en laisser le monopole au pauvre Hollande et à ses SDF (entendez : sociaux-démocrates fichus). Elle s’en est donc servie pour expliquer que le parti créé par Chirac a disparu pour être remplacé par un autre tout à fait différent, qui porte le même nom, adoube les mêmes députés, est dirigé par les mêmes hommes et a le même but, cirer les pompes du président.
Il faut se méfier des belles formules. La fracture sociale a failli conduire à la cassure définitive. La force tranquille a mené à la stagnation, à l’élimination de la gauche du pouvoir pour longtemps et au plus beau score électoral du Front national. Où va conduire la refondation ?
Les amoureux de littérature se souviennent que « Fondation » est le titre d’un des plus beaux cycles de science-fiction. Isaac Asimov imagine qu’un personnage nommé Harry Seldon développe une science nouvelle, la protohistoire, qui permet de calculer les errements de l’histoire future. A sa mort, Seldon prédit la chute de l’empire et l’arrivée de trente mille ans de barbarie, dominés par les marchands. Trente mille ans… Fichu présage pour les malheureux socialistes français qui ont lancé l’idée de refondation, ignorant manifestement le livre d’Asimov. La faute à Jack Lang ? Leur grrrand spécialiste culturel n’a pas eu le temps d’analyser le célèbre roman car il devait d’abord terminer la lecture du programme de S. Royal.
Seldon prévoit deux moyens pour limiter les conséquences des âges de barbarie. Une fondation destinée à préserver les acquis de la civilisation, qui s’appelle Terminus (un nom à déconseiller si le PS veut changer son sigle) Et sa propre réapparition aux grands moments de crises afin d’indiquer à ses successeurs la voie à suivre.
La réapparition de l’homme providentiel en plein milieu de la crise, voilà peut-être une idée pour sortir la gauche de la mouise. Certes, Arlette Laguillier, réapparue régulièrement tous les sept ans, n’a pas fait beaucoup d’effet. Mais observons Bernard Kouchner qui réapparaît à droite quelques jours seulement après avoir sombré à gauche.
Peut-être faut-il se montrer plus audacieux et se servir de personnalités mythiques. C’est ce que Sarkozy a parfaitement compris en faisant réapparaître miraculeusement à ses côtés Jaurès et Léon Blum. Allez, Hollande, tente enfin de nous surprendre ! Songe à Louis XIV, un royal qui a réussi.

Alain Berenboom
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VACANCES DU POUVOIR

TEXTE INEDIT – sur le site www.berenboom.com

Le président Sarkozy s’en va flotter trois jours à Malte et la France est dans la tempête. C’est son hôte, V. Bolloré qui dérange et qui donne l’occasion aux amis de Ségolène Royal de canonner. Eux qui ont manqué si cruellement ces dernières semaines de thèmes de campagne en ont enfin trouvé un !
Pourtant, les dirigeants socialistes ne sont pas les derniers à lorgner côté caviar. Blair fréquentait les îles de rêve de quelques amis fortunés et G. Schröder continue d’émarger au budget de Gazprom, le géant russe de l’énergie. Sans rappeler quelques mauvaises fréquentations de l’empereur de gauche, François Mitterrand. Le pouvoir politique et le pouvoir de l’argent, ça ne s’affiche pas bras dessus bras dessous.
Quelle hypocrisie tout de même ! Les dîners en ville ou les week-end champêtres offrent autant de possibilités d’échanges pas très catholiques que les voyages de luxe. Le grand patron de la F1, avant tout grand cigarettier, qui était devenu le meilleur ami de Blair s’en frotte encore les mains. Remords ou contrition, l’ex premier ministre anglais a ensuite beaucoup investi dans les services de santé…
Les réactions et les critiques à ces flirts de vacances ne viennent-ils pas de politiciens déçus ? Madame Royal a autant mérité de se reposer que monsieur Nicolas mais avec les amis qui lui restent, elle peut difficilement espérer une autre destination que La Panne ou Palavas-les-Flots.
Les Français ne devraient pas se plaindre. Si leur nouveau président est accueilli dans le luxe et la volupté, c’est parce que le pays compte encore quelques industriels fortunés qui aiment célébrer le suffrage universel. En Belgique, vers qui pourrait se tourner le vainqueur des élections ? Nos banques, nos compagnies d’assurances, nos entreprises sidérurgiques et d’énergie, nos grands magasins, notre industrie alimentaire, même nos éditions de bandes dessinées, tous les joyaux de l’économie belge ont été vendus à des groupes multinationaux. Et on voit mal monsieur Mittal offrir au bourgmestre de Liège un week-end à Goa. Ce qui explique pourquoi les pauvres députés socialistes wallons devaient aller chercher dans la poche des habitants sociaux de quoi s’offrir quelques jours de chasse en Ukraine et que le séjour à Cuba de fonctionnaires et de politiciens de la communauté française se paye sur le budget du CGRI. Avec un peu d’imagination pourtant, nos hommes politiques devraient s’en sortir. Didier Reynders par exemple qui s’est dévoué pour les PME peut espérer un paquet de frites place Jourdan. Ce n’est pas Malte mais de Liège à Bruxelles, le voyage est parfois encore plus dépaysant.

Alain Berenboom

EN MAI

actualite

Alain Berenboom est l’invité du « Coup de Midi » à la Bibliothèque des Riche-Claires 24 rue des Riches-Claires à Bruxelles (Bourse) le vendredi 11 mai à 12 h 30 où il est interrogé par Jacques De Decker, à propos de son roman « Le Goût amer de l’Amérique » (entrée gratuite).

MENSONGES, ETC

chronique
Mark Twain observait qu’il y a les mensonges, les foutus mensonges et les statistiques. Une remarque qui n’a rien perdu de son actualité avec la multiplication des sondages. J’adore les sondeurs commenter leurs enquêtes. Leurs résultats sont parfaitement fiables pourvu qu’on oublie les réserves. D’abord « la marge d’erreur » : 5% en plus et en moins. Avec cette précaution, faut-il perdre son temps à interroger 850 personnes ? Il suffit d’ingurgiter trois gueuzes « Mort subite » et d’inscrire les scores sur les ronds de bière.
L’encre de leur chèque à peine sèche, les sondeurs précisent aussi que leur enquête est déjà périmée : elle n’est qu’une « photographie de l’opinion » à un moment donné (le moment qui précède la remise du chèque). Pourtant, de ces sondages aussi frais qu’un yaourt abandonné dans un frigo par un navigateur solitaire avant son départ, tout le monde va faire ses choux gras. En oubliant la fameuse marge d’erreur, la photo à un moment donné, etc.
Dernière victime connue, ce pauvre monsieur Bayrou. Drogué par les sondages, il s’y voyait déjà : deuxième tour en douceur et hop, L’Elysée ! Patatras ! Que lui reste-t-il maintenant ? Ségolène, plus gentille qu’on ne le dit, lui a offert un faux débat de deuxième tour pour prolonger ses illusions. Il paraissait si heureux ! On aurait dit Charles-Quint assistant à la répétition de ses funérailles.
Alors que la majorité de ses électeurs vont voter Ségolène qu’il avait tant critiquée et que ses députés sont allés cirer les pompes de Sarkozy, qu’il avait tant vilipendé, Bayrou reste là, tout seul, avec son ni-ni à la main, à attendre dans cinq ans le retour des sondages.
Imaginez que dimanche, Sarko soit battu, que répondra le patron de l’institut machin, en essayant de ne pas prendre la main du président de l’UMP dans la figure ? « Ah ! mon pauvre monsieur, à deux jours près, vous étiez président. » « Deux jours ? » « Je vous avais averti (regardez là en petits caractères sur nos conditions de vente) : notre enquête n’est qu’une photo , etc.. » Vous auriez dû avancer les élections ou remplacer le vote par le sondage – tout le monde vous aurait été reconnaissant.
Le sondage du Soir publié au début de la semaine a provoqué beaucoup d’émotion. Seul Guy Verhofstadt ne s’en fait pas. 17% aujourd’hui, avec une marge d’erreur de 10 %, pas de problème pour lui : il est déjà en tête ou presque. On comprend les hésitations de M. Leterme à revendiquer le poste de premier ministre. Quant aux socialistes, c’est l’heureuse surprise. Les voilà toujours le plus grand parti francophone. Même que Van Cauwenberghe a promis à di Rupo de sortir encore quelques petites choses de son placard puisque les sondés wallons ont l’air d’aimer ça.

Alain Berenboom
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