LE NOIR ET LE JAUNE

chronique
Je vous annonce une bonne et une mauvaise nouvelle.
La bonne : la Belgique a une politique étrangère.
Voici la mauvaise.
L’histoire commence à Léopoldville. Croyant servir le roi Léopold II (ce que personne n’a osé démentir pour ne pas le fâcher car ses colères sont terribles), monsieur Charles De Gucht, est descendu de son beau vaisseau. Et là, surprise : la grande et majestueuse statue de Stanley qui dominait le fleuve a disparu. Enlevée, l’œuvre monumentale que la Belgique avait offert à sa colonie comme un vulgaire portrait de Saddam Hussein. En cours de nettoyage, lui a-t-on dit pour ne pas l’irriter. Ah ya ? Awel ! C’est bon pour une fois ! Tournant son regard de l’autre côté de la route, il a aperçu que des Chinois étaient en train d’y travailler. Des Chinois aussi agrandissant le port. Des Chinois partout ! Là, il est vraiment devenu rouge. Les dents serrés, il a expliqué aux chefs des Noirs que les Jaunes, c’est pas bon pour eux. A rappelé le souvenir de l’horrible Fu Manchu. Les rapports d’Amnesty International sur les violation des droits de l’homme au pays de Mao. L’histoire de l’esclavage (non, ça c’est les Arabes. Ah oui, excusez-moi, je mélange un peu les pinceaux). Il a aussi vanté l’excellence des entreprises belges qui sont prêtes à offrir des beaux 4 x 4 à qui veut parce que, comme l’a si aimablement rappelé notre ministre, chez vous, tout le monde est corrompu. Et, comme après un long silence, personne dans l’assistance n’a levé le doigt pour demander une 4×4, il s’est vraiment mis en rogne et il a conclu, l’index levé, que comme le disait si bien une de leurs compatriotes à son enfant (immortalisés par Hergé) « Si toi pas sage toi y en seras jamais comme Tintin ».
Tout content d’avoir fait son devoir moral et flatté ses électeurs de Berlare, notre Excellence est parti pour Pékin.
En débarquant de son beau vaisseau, il a immédiatement remarqué que la gigantesque sculpture que les contribuables belges ont offert à l’empire du Milieu l’attendait, toute belle et toute blinquante, le vice-maire de Pékin planté à côté, un beau sourire sur les lèvres (le maire, lui, était en train d’essayer sa nouvelle 4 x 4. Mais c’est une autre histoire).
Fu Manchu ? Les droits de l’homme ? De quoi parlez-vous ? Tout ce bazar, c’est bon pour les discours en Afrique. A Pékin, on ne se rappelle que les rapports d’Amnesty International dénonçant les horreurs de la guerre dans l’est du Congo. Et on montre du doigt tous ces chefs noirs qui s’en mettent plein les poches.
Heureusement que la Belgique a une politique étrangère.

Alain Berenboom
www.berenboom.com