LA COMMEDIA DU CHANGEMENT

On peut tout changer de nos jours : reins, mains, cœur, vie, nationalité, femmes. On peut facilement changer d’air et même quitter la terre pour voler dans les étoiles. Mais le monde a autant de mal à changer de dirigeants politiques que les Belges de championnes de tennis.
Aux Etats-Unis, après l’espoir suscité par la disparition de G.W. Bush, les sales guerres continuent de plus belle. L’Afghanistan s’enfonce dans le non-droit et la terreur, et les Américains, pris dans un siphon, sont sur le point d’envoyer plusieurs milliers d’hommes en renfort. Exactement ce qu’un autre président démocrate s’était cru obligé de faire il y a près de cinquante ans. Au Vietnam.
En Grèce, Papandréou succède à Caramanlis. On se frotte les yeux. En 1963, au moment où s’amorçait l’escalade américaine au Vietnam, Papandreou succédait déjà à Caramanlis !
Et que dire de Assad qui succède à Assad et de Ben Ali ou Hosni Moubarak qui se succèdent interminablement à eux-mêmes ? En attendant l’arrivée de Tony Blair, bientôt à la tête de l’Europe après avoir vidé le parti travailliste anglais de ce qui restait de sa substance après le passage de Mrs Thatcher.
Mais le plus impressionnant de tous est sans doute Silvio Berlusconi. L’homme qui a tout changé (cheveux, rides, paupières, etc) pour ne pas changer. Et qui a ramené l’Italie dans la léthargie tranquille dont l’avait sortie la chute de Mussolini. S’il a modifié le nom de son parti, c’était pour avaler les autres formations de droite, et éviter ainsi à l’Italie de changer de premier ministre. S’il a suborné des témoins, acheté des juges et même le mari d’une ministre britannique, c’est pour prouver que le système judiciaire italien fonctionne bien, et que les innocents s’en sortent toujours, contrairement à ce que prétendent tant de mauvaises langues, puisque le Cavaliere est systématiquement acquitté, souvent au bénéfice de la prescription ou grâce à l’immunité pénale que lui garantissait la loi mitonnée par son ministre de la justice et votée par sa majorité.
Or, voilà que la cour suprême vient de déclarer cette loi inconstitutionnelle. Non, mais où va-t-on ? Et que veut-on de Berlusconi ? Les procès pour corruption vont pouvoir reprendre. Les adversaires politiques qui avaient été aussi écrasés que les socialistes français vont redonner de la voix. Dans la foulée, tout le reste de ce qu’il a apporté à l’Italie sera-t-il aussi remis en cause ? Devra-t-il ôter ses implants capillaires ? Laisser retomber ses paupières tel un vulgaire Michel Daerden ? Limiter l’accès de la télévision à toutes ces folles bimbos qui donnent à la culture italienne ce supplément d’âme qu’apportait hier le cinéma de Fellini, de Risi ou de Monicelli ?

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CHERE MADAME LA POSTE

Pour la vieille dame que je suis, la nouvelle fait l’effet d’un bain de jouvence. C’est vrai, ça ? Je serai désormais facteur à la place du facteur ?
Dans ma commune, les trois bureaux de poste sont fermés. C’est normal de supprimer les bureaux dès qu’ils sont sales vu que les femmes de ménages sont aujourd’hui hors de prix. Mais cela m’oblige, pour acheter trois timbres et envoyer mon recommandé, à faire une file interminable chez Delhaize où je dois me rendre en bus (et supporter toutes ces mains baladeuses). Puis-je en passant m’étonner du cadeau versé à votre ancien mari, monsieur Danois Le Postier ? Deux cent et quelques millions (soit deux cents millions de fois plus que le total de mes gains à la Loterie coloniale, où je joue depuis cinquante ans) ! Quand je me suis séparée de mon mari, ce petit salopard qui sautait sur tout ce qui bouge, c’est lui qui m’a payé une pension et je peux vous dire que, même en francs belges, j’étais loin du compte (paix à son âme, il n’a pas longtemps survécu à sa coiffeuse, mais je m’égare).
Remplacer les facteurs par les gens du quartier, comme moi, c’est une sage décision. D’abord, les facteurs, les vrais, c’est que des flamands. Il n’y en a pas un qui accepte de venir boire le café avec moi pour me raconter ce qui se passe chez les voisins. De toute façon, je ne comprends rien. Mais, tout ça va changer dès que c’est moi qui porterai la casquette ! Le pédophile du bout de la rue, avec moi, il pourra l’attendre longtemps, son courrier, faites-moi confiance (mon fils m’a montré son nom inscrit sur Face Book, un truc pour draguer les lolitas ; je suis certain qu’il y en a d’autres dans le coin ; je vous les signalerai : suffit de noter quels journaux ils reçoivent et de relever les enveloppes tracées d’une écriture féminine).
Et l’hôtesse de l’air en face de chez moi ? Je saurai enfin si, comme je le pense, elle a une aventure du genre exotique (vous voyez ce que je veux dire ?) A ce propos, le petit cordonnier arabe, qui a une tête de terroriste, je le tiendrai à l’œil. Si je vois un paquet suspect à son nom, je le remettrai directement au bureau de police.
Je sais que mon salaire ne sera pas celui d’un facteur flamand : depuis que votre Danois a piqué la caisse, madame la Poste, ne vous reste que vos yeux pour pleurer. Tant pis. Je me contenterai de peu. Ma pension n’est pas très élevée et les Fortis que mon mari m’a laissés, je les ai maintenant collés sur les murs des toilettes – comme mon père l’avait fait dans mon enfance avec les emprunts russes. Moi, ce n’est pas l’argent qui m’intéresse. C’est de lire les lettres de mes voisins, vu que moi, je n’en reçois jamais. Et que je m’ennuie, vous ne pouvez pas savoir…

Alain Berenboom
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LES APPARITIONS

vendredi 16 octobre à 18 h
à la librairie oxfam de xl-bruxelles
chaussée d’ixelles, 254 (entre les places flagey et fernand cocq)
dialogue avec Maddy Tiembe
autour du « Roi du Congo »

dimanche 18 octobre à paris
à partir de 14 h. jusqu’à 18 h 30
Salon du livre de la Wizo
au Centre Elysée Saint Honoré
21, rue Balzac

LE HOLLANDAIS VOLANT

La crise bancaire, un an après. G20, F.M.I., tous ceux qui ont une responsabilité dans la gestion des affaires publiques s’attellent au redressement économique et financier. Oubliant les dégâts que laissera la crise sur les gens, leurs comportements, leur imaginaire, leur conception du monde.
Même si l’époque que nous vivons ne peut être comparée aux années d’apocalypse qui ont suivi 1929 (raccourci facile dont certains media ont abusé), elles ont en commun de remettre en cause certains fondements de la société. De bousculer les valeurs. Et de laisser le citoyen moralement désemparé. Les dégâts touchent nos institutions les plus stables qui ressemblent de plus en plus au Hollandais volant, ce vaisseau fantôme qui errait sur les océans avant de disparaître dans les profondeurs mystérieuses de la mer des Sargasses. La justice belge, par exemple, balayée par les hoquets du procès Fortis. Les yeux bandés, Thémis, descendue du sommet du temple babylonien où l’avait collée Léopold II, fauche aveuglément de son épée tout ce qui l’entoure : hauts magistrats, avocats, jusqu’au président de la chambre flamande de la cour de cassation, dont on a toujours salué la rigueur et l’intégrité.
Ne dirait-on pas que ce climat d’égarement pèse même sur des querelles éthiques comme celles du port du voile ?
L’opposition des uns de voir notre société « submergée » par des valeurs qu’ils ne partagent pas. L’affirmation des autres de leur différence, de leurs « racines ». L’attachement des uns à l’importance des acquis de la société occidentale laïque. Et des autres à des emblèmes religieux qui les rassurent. Dans ces échanges d’arguments, on lit surtout la peur des uns et des autres. Encore un signe de la crise.
Quant aux responsables de ce chaos, qu’en pensent-ils ?
Le retour de l’ancien patron de Fortis, Maurice Lippens, fait plaisir à voir. Après avoir quitté le navire dès que la tempête s’est levée, il est parti se reposer sur la terre ferme abandonnant son navire, le Belgo-Hollandais volant, qui aurait coulé à pic sans les efforts du gouvernement pour en reprendre le gouvernail (pour une fois que l’on peut lancer une bouée à nos ministres, ne faisons pas la fine bouche !) Et lui de proclamer quel bon capitaine il a été, mille millions de mille sabords ! A part une petite faute de communication », reconnaît-il du bout des lèvres : lorsque le bateau a commencé à sombrer, il a oublié de crier : « Sauve qui peut ! Le vin et le pastis d’abord ! » Préférant laisser l’orchestre jouer pendant qu’il filait à l’anglaise.
Le G20 proclame des règles vertueuses, Mr Lippens défend sa propre vertu dans les journaux. Mais les marins le savent : c’et la solidarité entre les hommes qui fait avancer le bateau ; pas le chacun pour soi.

Alain Berenboom
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LE TEMPS DE L’INNOCENCE

Le lancement d’une (nouvelle) intégrale des Beatles en C.D. provoque un engouement que l’admirable orchestration de la campagne de pub ne suffit pas à expliquer. Ni la nostalgie de ceux qui ont aujourd’hui soixante-quatre ans, comme le chantait il y a peu un Paul Mc Cartney sexagénaire mi-pathétique, mi-ironique.
Bien sûr, les babas devenus papas cools écoutent une dernière fois leurs cheveux pousser au rythme de paroles qu’ils sont seuls à comprendre (« You don’t know how lucky you are boy/Back in the U.S. Back in the U.S. Back in U.S.S.R.”). Et les Bobos, se battent pour exhiber dans leur 4×4 la série limitée en mono. Bon, voilà pour les amateurs de collectors.
Mais, les filles et les gars de quinze, de vingt ans, pourquoi se passionnent-ils autant pour des mélodies d’un groupe dissous depuis quarante ans ? Plus que la plupart de leurs parents, à vrai dire.
Les figures de cire qui entourent les Beatles et qu’ils ont choisies, ne signifient plus rien non plus : qui se souvient de leurs idoles, W.C. Fields, Marlène Dietrich, Tony Curtis, Tyrone Power, Diana Dors ou la sculpturale mangeuse d’hommes Mae West (qui avait d’abord refusé la présence de son effigie car, disait-elle, « What would I be doing in a lonely hearts club ? » ) ? A chaque génération, ses idoles. Les figures de cire sont maintenant celles de John Lennon, Paul Mc Cartney, George Harrison et Ringo Starr, figées une fois pour toute dans leur uniforme militaire du Sgt Pepper Club Band. Images d’une époque de rêve, du temps de l’innocence. Celui où Eddy Merckx gagnait le Tour, pas encore hanté par la suspicion permanente de l’E.P.O., où Amstrong mettait le pied sur la Lune sans qu’on se demande si la scène a été tournée en studio pour tromper la planète, où le printemps de Prague faisait penser que le communisme pouvait fonder une autre forme de démocratie. Mai 68 promettait avec autant de naïveté la fin de l’autorité, du pouvoir, des patrons. Dans une époque sans chômage, sans crise économique, sans préoccupation écologique, sans plombier polonais, on se lançait allégrement à la conquête du monde, sans contrôler à chaque tour de roue l’empreinte de CO2 que laissait la belle Américaine qu’on s’était offerte, puisque le pétrole coulerait à flots pour l’éternité des temps et que l’on finirait par s’installer sur la Lune et sur Mars.
Imaginer aujourd’hui Piet De Crem en sergent Pepper, Yves Leterme chanter « I’m so tired », Bart De Wever et Olivier Maingain « I want to hold your hand », di Rupo hurler « Revolution 9». Non, il ne reste rien de tout cela. Rien qu’un titre, vraiment prémonitoire, qui annonce si bien notre époque : « Help » !

Alain Berenboom
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DES NOUVELLES POUR LA RENTREE

Alain Berenboom publie en ce mois de septembre 2009 un recueil de nouvelles intitulé
LE MAÎTRE DU SAVON
 
aux éditions Le Cri (Bruxelles)
 
Ce recueil contient les nouvelles suivantes:
 
– Ecrivain belge
– Pharmacie Hubert B.
– le Mystère de la femme coupée en morceaux reste entier
– Le Rendez vous d’Anna
– Vera à vélo
– Escale
– Nouvel an
– Tram 90
– Le maître du savon
– La petite grande évasion
– Le centre du monde
– Jours de campagne
– Un bon Belge
– Une Flamande
– Jalousie
– Refus d’Editer
 
 
Certaines de ses nouvelles avaient été publiées initialement dans un recueil intitulé « L’Auberge espagnole et autres histoires belges »

MODESTE CONTRIBUTION AU CASSE-TÊTE SCOLAIRE

La rentrée scolaire s’est passée aussi mal que prévu. Des centaines, peut-être un millier d’enfants, sur le carreau – la ministre n’a pas réussi à les compter. Avez-vous vu cette image terrible à la télé ? Une mère et son fils, le regard effaré, attendant devant l’école que le nom du petit soit appelé. Puis, rentrant chez elle, avec son garçon, la tête basse parce que, non, excusez-nous, madame, pas de place. Après neuf mois d’attente anxieuse.
D’un côté donc, des écoles trop pleines. De l’autre, des prisons hollandaises à moitié vides. Où le ministre de la justice se proposait d’envoyer notre surplus de détenus. Mais dont le prix de location est apparu exagérément élevé pour loger des droits communs.
Trop cher pour des délinquants, d’accord. Mais pour nos chères têtes blondes, rien n’est trop beau. Alors, avec un peu avec un peu de souplesse, voilà comment régler en une fois deux problèmes qui paraissaient insolubles : transformer les cellules vides des prisons hollandaises en écoles de la communauté française.
Présenté ainsi, ça peut choquer. Mais, remplacez le mot « prison » par « centre d’éducation belgo-néerlandais » ou mieux encore par « école européenne », ça prend tout de suite une autre allure. Bien sûr, comme tout projet novateur, il entraîne de légers inconvénients : la distance, notamment. Difficile d’obliger les écoliers à se taper tous les jours Uccle-Nimègue et retour. Mais les enfants qui le souhaitent pourraient loger sur place. Les lieux sont déjà conçus pour assurer gîte et couvert. Et ils sont gardés.
Le système présente surtout des avantages : il règle, par exemple, le problème de la violence. Nos éducateurs avouent leur impuissance devant l’agressivité de petites frappes de plus en plus jeunes. Et l’Union belge de football a rendu le problème quasi insoluble en multipliant le nombre de rencontres entre Anderlecht et le Standard. Où est le bon temps où les enfants jouaient à cow-boys et Indiens ? John Wayne, reviens ! Le football les a rendus fous ! Grâce aux prisons hollandaises, fini de tous ces petits mâles aux hormones en folie. Les Wasil et les Witsel, au cachot ! Dès la première bêtise !
Autre avantage du projet: l’immersion linguistique. Assurée dès la première année. Lorsqu’ils sortiront des prisons hollandaises, nos enfants seront des bilingues parfaits, prêts à devenir ministres fédéraux, voire même politiciens flamands. Ce qui annonce à terme la fin des conflits communautaires. Lorsqu’un enfant wallon, sorti du système cellulaire batave, deviendra président de la NvA, la question de BHV sera enfin résolue – si la Belgique tient jusque là, évidemment…

Alain Berenboom
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J’IRAI CRACHER SUR VOS TOMBES

Tous les media célèbrent en chœur cette semaine le génie de Boris Vian. N’en jetez plus ! De son vivant, il n’était connu que d’un cercle d’amateurs et son seul succès de librairie, « J’irai cracher sur vos tombes », était un canular pastichant la série noire, publié par un éditeur confidentiel qui l’avait lancé comme un roman américain. Et le voilà bientôt dans la Pléiade, où Gallimard publiera, cinquante ans après sa mort, les romans refusés de son vivant…
Paraphrasant le général Custer, un bon auteur est un auteur mort. Pour beaucoup de folliculaires, il faut un anniversaire pour découvrir le talent. Françoise Sagan, si contestée jadis par les critiques littéraires sérieux, est devenue « la » grande dame des lettres françaises depuis qu’elle a passé la larme à gauche. Simenon, traité de « romancier de gare », a dû lui aussi attendre la mort pour entrer dans la Pléiade et le programme scolaire.
Dire que le mois dernier le plus grand auteur britannique vivant, Jonathan Coe était à Bruxelles à l’invitation de la Maison des Littératures Passa Porta et de la Cinémathèque. A part Focus-Le Vif, les medias francophones n’ont pas trouvé utile de le rencontrer (à la différence de leurs confrères flamands) et la RTBF qui, en d’autres temps, aurait enregistré un entretien, préfère désormais se flatter de produire les travaux de Justine Hennin.
Ce culte des auteurs morts prend parfois des allures franchement glauques, telles ces célébrations rituelles de Céline et de Drieu La Rochelle, ces salauds qui fascinent tant la presse de gauche.
Pour les vacances, fuyez les snobs qui vous annoncent une fois de plus qu’ils vont « relire Proust et Chateaubriand ». Remplissez vos valises d’auteurs vivants ! Au hasard des parutions récentes, « Ici et maintenant » de Robert Cohen (Ed. Joëlle Losfeld) ou la fascination hilarante et désespérée d’un demi-juif athée pour un couple de juifs orthodoxes. « Océan de Vérités » de Andrea de Carlo (Grasset) évoque l’état de détresse et de danger de la démocratie italienne à travers un récit prenant et poétique qui flirte avec le thriller façon P. Highsmith. Pour ceux qui pratiqueront l’art d’être grand-père sur les plages, un roman minuscule qui troue le cœur, Le remplaçant d’Agnès Desarthe (L’Olivier), hommage éperdu à un grand-père anti-héros venu de Moldavie. Les lecteurs de polars adopteront « La Dame noire » de S. Carter (R.Laffont) qui entraîne ses lecteurs sur les campus américains où une prof noire doit affronter le meurtre d’un de ses collègues dans une ambiance pré-Obama. Et ceux qui, comme moi, choisissent les Pouilles emporteront le dernier V. Engel «La Peur du paradis »(Lattès) dans leur petit baluchon.

Alain Berenboom
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LE PRESIDENT PERSE

… Et personne pour plaindre le président Mahmoud Ahmadinejad ?
Adversaires politiques, étudiants, femmes, tous, se prétendant victimes de son élection, crient et défilent. Et lui, alors ? N’est-il pas la première, la seule victime de ce tsunami qui balaye Téhéran, ébranle son pouvoir, son autorité, sa réputation ? Faut reconnaître qu’il était un peu naïf ce pauvre Mahmoud. Pourquoi organiser des élections ? Son principal concurrent, Hussein Mussavi aurait pu lui souffler que ça n’apporte que des ennuis. Premier ministre pendant près de neuf ans sous la présidence du boss, Ali Khamenei (devenu depuis guide suprême), il sait mieux que tout le monde que la démocratie iranienne ne fonctionne que quand on ne s’en sert pas. C’est sans doute ce qui surprend le plus Ahmadinejad : dans le scénario, il était écrit : Mussavi se couche dès la première reprise. Une fois les urnes dépouillées (on veut dire : dépouillées des bulletins qui portent son nom), il reconnaît la victoire du président en place et crie : vive Mahmoud ! Au lieu de quoi, le traître proteste !
Décidément, tout part en eau de boudin. D’abord cette mauvaise querelle qu’on lui fait sur l’holocauste. Sur son ignorance des détails de la seconde guerre mondiale. Avec son diplôme en ingenerie des transports publics, il sait tout ou presque sur les trams. Qu’on l’interroge sur la STIB, soit. Mais comment pourrait-il savoir ce que les Allemands ont fait aux Juifs le siècle passé ?
Son autre dada, ce sont les femmes. Toutes des perverses, des impudentes qu’il faut mettre au pas car, comme le dit le prophète, quand le tchador, les souris dansent. Dans sa grande générosité, il leur a pourtant laissé le droit de vote (auquel s’était opposé sagement son héros, l’imam Khomeyni). Résultat, elles le narguent et réclament sa tête.
Et la bombe atomique ? Encore un reproche incompréhensible. Combien de fois doit-il jurer sur le Coran et tous les prophètes que l’énergie nucléaire iranienne ne servira qu’à faire tourner les carrousels et les machines à fabriquer la barbe à papa ? Rien d’autre. Mahmoud est le protecteur de la jeunesse. Mais personne ne le croit. On lui cherche des poux. On lui promet l’apocalypse. Pendant ce temps, Coréens, Israéliens, Indiens, Pakistanais peuvent jouer tranquilles avec leurs bombes. Même les Américains ne protestent que mollement. Preuve que tout est seulement prétexte pour le discréditer.
Seule solution, élargir sa majorité. Mais, avec les Ecolos, sa bombinette est à l’eau. Les socialistes alors ? Il a assez de problèmes comme ça sans José Happart, les amis de l’aéroport de Charleroi et les autres. Reste le MR. Mais mouvement réformateur, ça ne fait pas seulement peur en Wallonie. A Téhéran aussi.

Alain Berenboom
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MENUS PLAISIRS

MENUS PLAISIRS

Trente-cinq secondes : c’est la durée moyenne que l’électeur flamand a passé dimanche dernier dans l’isoloir (selon Het Laatste Nieuws). Quel gâchis ! Voter à la sauvette au lieu de profiter de ce moment exceptionnel où, tel l’empereur romain, le citoyen a le droit de lever ou de baisser le pouce, de sauver le joueur ou l’envoyer aux lions. Les femmes ont mieux saisi l’importance de ce fugace instant de bonheur. Elles sont restées en moyenne cinquante-six secondes devant leur bulletin, douze secondes de plus que leurs mâles. Et une habitante de Serskamp, plus de quatorze minutes. En voilà une qui connaît la signification du mot plezier.
Ce qui rappelle que l’essentiel de l’amour, ce sont les préliminaires. Ah ! Le bon temps de l’introuvable orange bleue. Le temps béni où la Belgique a connu le bonheur de vivre sans gouvernement pendant plusieurs mois. Grâce en soit rendue à des négociateurs, grands spécialistes de la question, qui, pour prolonger notre jouissance, se sont livrés à d’interminables danses du ventre et caresses préalables sans jamais consommer, au point de sucrer de leur agenda le moment fatal de la noce.
Supplication à nos dirigeants actuels : faites comme eux, et pour ceux qui étaient de l’aventure, remettez le couvert ! Tout pour rendre à nouveau le mariage impossible. Réveille-toi, madame Non !
Bart, reviens ! Essaye à nouveau de les rendre fous !
Quelques conseils pour rendre l’affaire inextricable.
Aux socialistes : proposer la présidence de la Wallonie à Michel Daerden ou à José Happart.
Aux libéraux : annoncer d’emblée la construction d’une nouvelle centrale nucléaire.
Aux verts, légaliser le cannabis et la coke et établir des accises sur les téléphones portables.
Si ces arguments sont insuffisants pour bloquer les négociations, abordez la question du voile. La pagaille est déjà annoncée depuis qu’une représentante du parti humaniste a décidé de siéger voilée à l’assemblée régionale bruxelloise. Comment refuser l’entrée du voile dans les écoles si l’exemple vient d’en haut ? Bonne chance avec les ailes laïques des partenaires et les syndicats d’enseignants.
Enfin, pour savonner la planche, n’oubliez pas de vous entourer d’ « experts » tous plus aptes les uns que les autres à rendre les choses catastrophiques : quelques noms circulent. Lippens et Frédéric Daerden pour aider les négociateurs à dépatouiller les comptes de la région et organiser les flux bancaires des organismes régionaux. Donfut pour fournir des rapports savants sur le fonctionnement des intercommunales et leur dépolitisation.
Et si, par malheur, les partis finissent par se marier, restera à dissoudre les chambres et à remettre ça aux fédérales.

Alain Berenboom
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