LES CONQUERANTS DU NOUVEAU MONDE

On nous répète sans cesse que nous sommes passés dans le « nouveau monde ». Adieu, l’ancien. Tout va changer. Cette semaine, un incident illustre la différence entre les deux mondes. Dans l’ancien monde, lorsque vous confiiez vos économies à une banque, elle vous payait des intérêts. Maintenant, c’est vous qui payez pour récupérer votre argent.
Dans l’ancien monde, votre femme préparait la viande de mammouth que vous aviez ramenée à la caverne. Dans le nouveau, vous partagez avec votre copine les graines que vous avez récoltées dans votre jardin.
Barack Obama, voilà, paraît-il, un personnage de l’ancien monde. Le nouveau, c’est Donald Trump. Vous saisissez comment le nouveau monde a permis à l’humanité de faire un grand pas vers la civilisation et de s’éloigner de la barbarie ?
Jadis, nos parents avaient aussi cherché à distinguer leur ancien monde du nouveau. L’ancien, c’était Fred Astaire, le nouveau, Gene Kelly. L’ancien, la première guerre mondiale. Le nouveau, la seconde. L’ancien, les camps de la mort; le nouveau, la bombe atomique…
Aujourd’hui, même les classiques sont classés de façon différente selon le monde auquel on appartient. La Bible, c’est l’ancien monde (même le Nouveau Testament). Le Coran, le nouveau. Oui, je sais, c’est compliqué.
Rocky, l’ancien monde. Transformers, le nouveau.
Kabila, l’ancien monde. Tshisekedi, le nouveau. Où est l’erreur ?
Autre exemple. Le Soir, c’est l’ancien monde. Les sites de fake news, le nouveau.
Charles Michel-Bart De Wever, l’ancien monde. Charles Michel-Ecolo/Groen, le nouveau.
Dans l’ancien monde, le peuple était souverain. Dans le nouveau, les citoyens ont le pouvoir. Je suppose que ça fait une différence. En tout cas, ça fait du bien de crier en rue quand il fait aussi froid.
A ce propos, les gilets jaunes, c’est le nouveau monde. Mais qu’il a l’air ancien !
Dans l’ancien monde, beaucoup de citoyens se sont battus contre le travail des enfants chez nous. Dans le nouveau, nous nous réjouissons que le prix des pulls et des smartphones venus d’extrême orient soit si bas…
Dans l’ancien monde, l’idée de l’Europe était symbolisée par des gens comme Stefan Zweig, Roger Martin du Gard, Einstein, Churchill, Schuman ou Angela Merkel. Les Européens du nouveau monde s’appellent Orban, Salvini, Houellebecq ou Juncker. Au secours !
Dans l’ancien monde, Tintin partait pour la Lune, accomplissant le rêve séculaire de l’homme. Dans le nouveau, la Belgique et le Luxembourg ont signé une convention pour l’exploitation des ressources minières de l’espace.
Dans l’ancien monde, on partait en pique-nique à la campagne, en essayant de protéger les sandwiches des insectes. Dans le nouveau, on expliquera à nos petits-enfants à quoi ressemblaient les abeilles, les oiseaux et les fleurs.

www.berenboom.com

LES OISEAUX S’ENTETENT

Le dernier rhinocéros mâle de l’espèce des rhinos blancs du Nord vient de disparaître dans la réserve d’Ol Pejeta au Kenya après une longue maladie.

Certains pourraient se dire que l’événement est de peu d’importance face au génocide rwandais qui s’est déroulé non loin de là – le temps que nous détournions les yeux -, ou des massacres qui se poursuivent en direct en Syrie, au Yemen et dans plein d’autres coins de la planète.

Mais toutes ces tragédies ne nous empêchent pas de nous arrêter, émus, bouleversés, par la disparition du dernier mammifère d’une espèce vivante.

Une espèce massacrée tout le siècle dernier par les braconniers et les chasseurs, qui vendaient sa corne comme un piment aphrodisiaque à des crétins en quête de virilité. Exemple des méfaits dévastateurs à la fois des fake news et des obsessions sexuelles.

Pendant ce temps, l’homo sapiens se montre impuissant à régler des bêtes problèmes quotidiens et à empêcher la fin d’une espèce animale alors que nos connaissances scientifiques nous permettent de nous promener dans l’espace, de discerner la poussière dégagée par le Big Bang il y a quatorze milliards d’années et de photographier ou presque des braves gens buvant une petite mousse sur le bord de mer d’une des planètes du système Trappist à 39 années-lumière de la Terre.

On ne peut s’empêcher de remonter à ce jour de moins 33.000 avant notre ère, un lundi je crois, vers 12 h 45, où un de nos ancêtres, qui se dirigeaient vers sa grotte pour casser la croûte avec madame et les enfants, a croisé sur les bords du chemin, le dernier Neandertal, à qui il a refusé un petit morceau de dinosaure en grommelant: « Rentre dans ton bled, étranger ! » Quelques heures plus tard, sortant d’une petite sieste, il a aperçu le corps sans vie de l’ultime représentant de son espèce.

A propos de dinosaures, autre info alarmante de la semaine, la disparition des oiseaux, après celle annoncée des abeilles.

Plusieurs institutions scientifiques françaises ont sonné l’alarme après avoir observé une « véritable catastrophe écologique », la disparition d’un tiers de la population des oiseaux en quinze ans.

Dans « Le Secret de la Licorne », un homme qui vient de se faire abattre rue de Labrador a tout juste le temps de montrer à Tintin trois moineaux en train de picorer, désignant ainsi son assassin. Cette scène appartient au passé : qui peut se vanter d’avoir vu un seul moineau à Bruxelles ?

Pour échapper à l’effacement, jadis, les dinosaures sont devenus oiseaux. En quelle espèce vont-ils se transformer cette fois ? Appel à l’imagination !

Ps : pour ceux qui frissonnent à l’idée des derniers moments de la race humaine, lisez ou relisez ce magnifique classique de Richard Matheson « Je suis une légende » (Folio).

www.berenboom.com