TOUT SUR MARION

La première fois que j’ai rencontré Marion Hansel, elle préparait son premier film, un court-métrage, « Equilibres ». Comme l’héroïne de son film, elle se jetait dans l’inconnu sans filet. Prête à traverser la vie sur un fil. 

  Comment ne pas avoir été séduit par son caractère, sa force, autant que par son charme, sa bouille ronde et rieuse, et son regard à la recherche des autres ? 

« Equilibres», un symbole qui allait marquer le reste de son œuvre, la ligne fragile entre deux mondes, entre la vie et la mort (dans « Le Lit »), entre folie et normalité et entre innocence de l’enfance et blessure de l’adolescence dans « Les Noces Barbares », entre vérité et mensonge dans « Il Maestro », entre amour et fin de l’amour dans «La  Tendresse».

Marion a entretenu un lien étroit entre image et écrit. Elle s’est souvent inspirée d’écrivains – et pas des moindres : Dominique Rolin, Mario Soldati, Yann Queffélec, Damon Galgut, Nikos Kavvadias, J.M. Coetzee.

Des écrivains du monde entier car Marion n’a jamais pu rester en place, confinée. Tel Tintin, c’était une petite Belge (presque) candide dont les aventures l’entraînent tout au long de la planète. Afrique du sud (« Dust », « The Quarry »), Hong-Kong » (« Between the Devil… »), Italie (« Il Maestro »), corne de l’Afrique (« Si le vent.. »), Pacifique (« Noir Océan »), Croatie (« En amont du Fleuve »). 

Paradoxe : elle a eu besoin de filmer l’eau, elle la native de Marseille, l’eau comme personnage de plusieurs de ses films (« Between the Devil.. », « Noir Océan », En amont du Fleuve » et son œuvre testamentaire auto-biographique « Il était un petit navire »). Mais elle est tout autant fascinée par le sable, le désert, les paysages arides (ses films africains).   

La langue lui importe peu : français, anglais, langues africaines, etc. Il n’y a bizarrement que le néerlandais qu’on entend à peine dans ses films (sinon dans son œuvre ultime « Il était un petit navire »). Car cette Anversoise éduquée en français et en néerlandais est la dernière des cinéastes qui entendait s’affirmer belge, (comme en son temps André Delvaux, lui aussi « bâtard » des deux principales communautés du pays).

   Un mot encore sur le magnifique regard de Marion Hansel qui vous fixait plein d’une curiosité dévorante, d’attente, de fraîcheur, de force. Un regard d’aventurière, pas seulement des territoires (explorés dans sa filmographie), mais surtout des êtres. Hommes, femmes, elle voulait connaître, comprendre, apprécier, découvrir les autres, les gens habités par un monde intérieur, par la folie, la passion surtout. Africains, Européens, façon de relier les hommes quelle que soient leur origine sociale, ethnique. Ce qui rend tous ses personnages si profonds, si humains, tendres et violents, sous leurs cicatrices secrètes. Ce qui est aussi un auto-portrait de Marion… 

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BONNES NOUVELLES DE BERLIN

   Il n’y a pas que de mauvaises nouvelles venant d’Allemagne. Ainsi, n’avez-vous pas été frappé comme moi qu’aucun des dirigeants ni même des dirigeantes de l’AfD ne porte de moustache ? Cette retenue est en soi une information, un programme, une promesse. 

Autre indication importante : quelques-unes des pires figures du futur nouveau Reich sont des femmes. Alors que le national socialisme avait résumé le rôle des femmes en trois mots : Kinder, Kirche, Küche (enfants, église, cuisine).

Alice Weidel, qui a co-dirigé la campagne électorale avant de présider le groupe au Bundestag ne se cache pas d’avoir pour compagne une immigrée sri-lankaise. Frauke Petry, leur ancienne porte-parole, vient comme Angela Merkel de RDA et a une aussi solide formation scientifique qu’elle. 

Tout ceci pour dire que l’AfD est fréquentable ? Non ! Au contraire ! Il faut combattre ce mouvement maudit mais en ne se trompant pas d’armes ni d’arguments. 

Lors d’une campagne électorale à Anvers il y a plusieurs années, des adversaires du Vlaams Blok avaient cru affaiblir le parti d’extrême droite en pleine expansion en placardant des affiches assimilant Filip Dewinter à Hitler. Echec complet. Aucun électeur n’a compris le message. 

Le führer de l’éphémère Troisième Reich ne fait plus peur à des générations qui ne l’ont pas connu, ni lui, ni ses victimes. Il leur paraît aussi ringard que Gengis Khan ou Napoléon. Mais surtout aucun électeur, tenté par les discours des partis populistes, ne confond « Mein Kampf » avec les promesses des nouveaux fachos ni avec les sympathiques messages que ces politichiens et politichiennes postent chaque jour vers leurs « amis » sur les réseaux sociaux.  

La lutte contre ces malfaisants doit répondre aux angoisses de leurs électeurs, l’immigration, l’identité culturelle, deux questions que l’on doit cesser de mettre sous le tapis. 

En regardant ailleurs pendant que l’Italie se débattait et se débrouillait avec les réfugiés, ses « partenaires » européens ont fourni à Salvini les munitions pour abattre les partis démocratiques de la Botte. 

En investissant trop peu dans la culture, l’éducation et l’enseignement, les gouvernements (singulièrement les nôtres) ont donné aux citoyens le sentiment que nos identités étaient en train de se perdre et de se diluer.  L’éclatement des matières culturelles et l’enseignement entre les communautés a aussi oublié la défense et le développement des valeurs, des artistes, des créations qui se veulent belges et qui refusent d’être réduites à une culture de village. 

Pour appuyer sa demande de naturalisation, Maurice Béjart écrivait : « Que je puisse lire dans les biographies qui me sont consacrées »Maurice Béjart, chorégraphe belge », c’est là mon souhait le plus sincère ». 

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HOMMAGE BÊTE ET MECHANT

On dirait qu’ils s’y sont tous mis en ce début d’année pour rendre hommage aux dessinateurs assassinés de « Charlie-Hebdo ». La fiesta est universelle. Jugez plutôt. La Corée du Nord donne des leçons à Bruxelles en organisant un super feu d’artifices à faire pâlir d’envie Chinois et Japonais. En Arabie saoudite, la fête des rois se célèbre en vidant les prisons devant des pelotons d’exécution. Cherchez la fève ! En Iran, en jetant dans le feu tout ce qui ressemble de près ou de loin à un Wahabite. Chef d’états occidentaux cherchent dans la région islamistes modérés. Prière de s’adresser à la rédaction de « Charlie-Hebdo »…

Un peu plus loin, les Syriens s’enfuient de leur terre ravagée par leur président dément et ses fous furieux d’adversaires pour se réfugier à Molenbeek en bateau pendant que les Molenbeekois s’enfuient de Belgique, fuyant les menaces d’explosion du pays annoncées par une ministre flamande délirante, pour se réfugier en Syrie et en armoire. De l’autre côté de l’Atlantique, des fous de la gâchette terrorisent les Etats-Unis alors que les représentants des survivants au Congrès proclament qu’il faut protéger le sacré port d’armes. Président cherche sénateurs sains d’esprit. S’adresser à…

Vous imaginez comme Cabu, Charb ou Honorez auraient mouillé leurs feutres pour croquer pareils sujets ! Ils ne sauraient pas où donner du crayon…

Ajoutez-y le procès intenté par le grand mamamouchi turc, Recep Erdogan, le plus modéré  des Islamistes, à l’imam, tout aussi moderato cantabile, Fethullah Gülen. Population locale cherche Kemal Atatürk désespérément…

Comme toujours, il ne faut pas aller très loin pour alimenter les humoristes. Un petit pays d’Europe suffit à lui tout seul à remplir le quota quand le reste du monde s’assoupit. En Belgique, on n’a que l’embarras du choix. Au hasard, pour se mettre en train, il suffit d’essayer d’expliquer comment se déroule chez nous une grève du rail. De suivre sur une carte le parcours d’un train en grève autour de Bruxelles alors que les voies passent tous les quelques kilomètres la frontière linguistique, d’une région à l’autre. On tentera de raconter dans la foulée comment les syndicats qui sont face au gouvernement le plus à droite depuis cinquante ans réussissent à se faire eux-mêmes imploser. La maladie du kamikaze, décidément, est gravement contagieuse même loin des mosquées. On épinglera aussi cette « bonne idée » d’un ministre N-VA qui veut donner des cours aux réfugiés pour leur apprendre à respecter les femmes de chez nous. Et quid des Belges pur-jus-pur-souche ? Sont-ils donc tous féministes, galants et délicats ? Pour avoir une réponse objective et illustrée consultez votre collection de journaux bêtes et méchants…

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