VAN TIG, L’AMER DU NORD

  Van Tig succède à Van Quick comme ministre de la Mer du Nord, y compris la politique de mobilité maritime. Il exercera aussi, s’il a le temps, d’autres attributions, notamment la Justice. Dans certains cas, ces deux compétences pourraient se compléter mais hélas aussi entrer en conflit. Ainsi, si un terroriste s’approche de la côte belge en pédalo, le ministre a deux bonnes raisons de défendre notre territoire. Mais comment savoir si c’est son cabinet Mer du Nord ou son cabinet justice qui doit intervenir ? Grave question qui explique que M. Van Tigchelt a immédiatement créé un conseil supérieur pour l’aider à décider cas par cas. Lequel conseil sera composé de magistrats, débarrassant ainsi les tribunaux de juges en surplus qu’on n’a pas réussi à fourrer déjà au conseil supérieur de la justice, au collège de ceci et celui de cela. 

  Ne croyez pas les médisances à propos du nouveau ministre. Il doit être plein de qualités vu son expérience passée. Comme il a été chef de cabinet adjoint et porte-parole de Patrick Dewael au ministère de l’Intérieur, on attendait la réaction de son ancien boss. En apprenant la nomination de Van Tig, Patrick Dewael a aussitôt décidé de se distancer de son parti et de siéger désormais comme indépendant. Quant au bourgmestre d’Ostende, Bart Tommelein, également VLD, il a quitté le bureau du parti en découvrant le nom du nouveau ministre de la Mer du Nord. 

Les autres fonctions exercées par notre nouvelle excellence ont aussi laissé des traces. Nommé procureur général adjoint à Anvers, il se flattait d’être le premier à vraiment s’attaquer aux trafiquants de drogue. Depuis son départ de la métropole, les trafiquants ne se contentent plus de se livrer à leur commerce. Ils se aussi sont mis à tirer dans les rues. 

En janvier 2016, Van Tig prend la tête de l’OCAM. Deux mois plus tard, des terroristes que l’OCAM n’a pas vu venir provoquent les plus graves attentats de l’histoire de Belgique.

Avec Van Tig, la Justice va bouger. Surtout les meubles. 

En découvrant que le dossier d’extradition du terroriste de la place Sainctelette a été oublié pendant des mois au fond d’une armoire, le nouveau ministre a pris une mesure radicale et courageuse. Il a ordonné la suppression de toutes les armoires des palais de justice du pays. 

Voilà l’homme d’action qu’on attendait ! Il a cependant omis de préciser ce que les magistrats devront faire des dossiers rangés dans ces armoires promis à la disparition. Pourquoi pas les brûler, meilleur moyen d’éviter de devoir reconnaître un jour qu’on a négligé de les traiter ? 

Il a raison, Van Tig, de s’attaquer aux meubles. C’est ainsi qu’on se souviendra de lui. Comme le racontait la rappeur Abd Al-Malik : « J’ai été reçu par des ministres de la culture. Ils m’ont fait visiter leurs bureaux. Leur fierté s’arrêtait au mobilier ». 

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LES ROBES RETROUSSENT LEURS MANCHES

Si tout le monde laisse tomber les bras, cheminots, gardiens de prisons, éboueurs et même Jacqueline Galant, pourquoi pas les magistrats ?

Imaginez les immenses palais de justice, aux longs couloirs sombres, aux plafonds perdus dans une nuit éternelle, tremblant sous l’effet de deux siècles de courants d’air, soudain vidés de toute présence humaine. Juges, procureurs, greffiers se croisant les bras devant les lourdes portes scellées pour l’éternité. A l’intérieur, ne resteraient que les araignées et les rats enfin libres de dévorer paisiblement les dossiers abandonnés dans les armoires qui ne ferment plus depuis longtemps.

Certains prêtent à notre premier ministre des pouvoirs magiques pour faire rouler les trains malgré les syndicats et même les bus des TEC que seuls quelques anciens se rappellent avoir vu parcourir jadis les campagnes wallonnes.

« C’est quoi les TEC, papy ? » demandent les enfants en voyant leur grand-père essuyer une larme au passage d’un mystérieux véhicule malodorant portant trois lettres rouges barrées d’une épaisse ligne jaune.

« Tu es trop jeune pour comprendre, petit », murmure l’aïeul.

Les grèves du printemps ont prouvé à ceux qui plaidaient pour la disparition des services publics qu’un état sans service public n’est plus qu’un pays en mauvais état.

Devant la statue de Themis, Charles Michel reste aveugle, les bras ballants. Ce qui oblige les magistrats à mettre les mains dans le cambouis. Heureusement, ils disposent de quelques ressources dans leur boîte à outils.

Dans les cellules surpeuplées, ils trouveront bien l’un ou l’autre hacker prêt à leur bricoler enfin un système informatique si puissant qu’il permettra d’explorer les données les plus secrètes de tous les suspects, ce qui épargnera les frais et la longueur des instructions.

Un droit d’entrée sera désormais réclamé à ceux qui entrent dans les salles d’audience, parties à la cause comme avocats, ce qui permettra d’acheter stylos à bille et cartouches d’imprimante et de couvrir les frais de nettoyage des robes et des bavettes.

Pour les impatients qui se plaignent de la lenteur de la justice, des tueurs ukrainiens et albanais seront mis à disposition, ce qui réglera en même temps un autre problème insoluble, l’encombrement des prisons.

Financés par le tax shelter, les cinéastes belges ont d’ores et déjà accepté de donner un coup de main aux magistrats en filmant les procès les plus spectaculaires qui seront vendus au profit de la caisse des pensions du personnel de la justice.

Certes, d’aussi audacieuses mesures nécessitent de profondes réformes des lois en vigueur mais le club des anarchistes a accepté avec enthousiasme de les réécrire gratis pro deo. Dieu merci, il reste des gens généreux.

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