LA CRISE EST FINIE

Mc Cain : Assieds-toi, fils. J’ai tout arrangé. Je suis d’accord avec toi : l’Amérique ressemble ces jours-ci à une bagnole sur le point de rendre l’âme. Mais, grâce à mon plan, quand tu deviendras président (il lui fait un clin d’œil), tu auras l’impression de recevoir de G.W. Bush les clés d’une voiture neuve. Il suffit que tu apposes ta signature là, en bas, tu vois ? Juste en dessous-de la croix. Tu veux mon stylo ? Tu peux le garder. En souvenir.
Obama : John, pourquoi cette réunion doit-elle se tenir à Anchorage ? J’ai froid et ça pue le pétrole dans cette maison !
Mc Cain (à mi-voix) : chut ! cela fait tant plaisir à Sarah. Ne le répète pas mais elle se sent un peu inutile.
Sarah Palin (entrant avec un plateau de thé) : Surprise ! Je l’ai fait chauffer moi-même sur un feu de bois. (A Obama 🙂 On se connaît ? Non, ne dites rien. Je sais que John essaye de me tester. Voyons, vous êtes président de l’Afrique, hein ?
Mc Cain (poussant un soupir): Sarah, tu ne reconnais pas notre ami Barack Obama ?
Palin : My God ! Où avais-je la tête ? C’est la faute de ces sacrées lunettes. Je l’avais dit à l’opticien. Mais il m’a répondu qu’elles m’allaient si bien et que, de toute façon, il n’y a rien à voir.
Mc Cain (il lui tend un journal) : Sarah, sois une bonne fille. Tu m’as promis de connaître toutes les subtilités de la politique internationale d’ici la fin du mois.
Obama : Bon. Laissez-moi étudier votre projet, John. D’ici l’Election Day, je risque d’être un peu à la bourre. Mais dès le 5 novembre, je vous promets d’y consacrer un peu de temps.
Mc Cain : Comment ? Attendre alors que les Etats-Unis sont en danger ? Laisser d’autres compagnies se casser la figure ? D’autres hommes perdre leur emploi ? 600.000 travailleurs ont déjà perdu leur job depuis janvier ! Seriez-vous un mauvais Américain?
Palin : Au secours ! Un terroriste dans ma maison !
Obama : Sarah, voulez-vous déposer ce fusil ? Est-ce que j’ai une tête d’ours blanc ?
Mc Cain (s’impatientant): Alors, Barack, tu le signes ce plan ? Les patrons s’impatientent ! Ils attendent leurs chèques. Et moi, les contributions pour ma campagne…
Obama : Ecoute, John, discutons de tout ça lors de notre prochain face-à-face télévisé.
Mc Cain : Face-à-face ? Fils, épargnons à nos compatriotes le spectacle d’une Amérique qui se divise alors que le monde entier se ligue contre nous. Voilà ce que je te propose : changeons les règles. Je deviens président et toi, vice-président. Du coup, les Américains iront travailler le 4 novembre plutôt que perdre leur temps à aller voter.
Palin (brandissant le journal): Cessez de vous chamailler, les gars ! La crise est finie ! Le monde est sauvé !
Mc Cain et Obama : ??
Palin : Le C.D.&V. a largué la N-VA !

Alain Berenboom
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L’HOMME DE LA RUE

Le krach boum hue qui secoue l’économie américaine, ébranle les bourses de la planète et menace le prêt à tempérament de la nouvelle machine à laver du couple Leterme-De Wever donne lieu à un matraquage de commentaires assourdissants dans les media. Depuis l’éclatement de la bulle financière, tous les spécialistes et autres gourou défilent devant micros et caméras pour expliquer d’un air constipé la raison d’une catastrophe qu’ils n’ont ni prévue ni annoncée ni comprise mais, à leur air posé et grave, on devine que, si on les avait entendus, on n’en serait pas là. Exemple, les discours lénifiants du nouveau patron du F.M.I., Dominique Strauss-Kahn qui claironnait il y a quelques semaines que le pire était passé. La situation allait bientôt se redresser. Ah ! Entre parenthèses, aucune de ces madames Soleil n’évoque les salaires déments des dirigeants des entreprises qui précipitent aujourd’hui le monde dans la crise ni leur maintien aux commandes alors que c’est leur mode de gouvernance qui a ouvert le gouffre. Comme on le dit à la Fédération française de football, on ne change pas une équipe qui perd.
Cette semaine, on épinglera le commentaire du vicomte Davignon, venu expliquer avec son talent habituel d’emballeur pourquoi la vente vite faite à Lufthansa de la compagnie Brussels airlines, créée pour sauver l’aéronautique belge et la présence de notre pays dans le ciel après la faillite de la Sabena, était une magnifique opportunité pour préserver l’image belge de la compagnie ! Et de rassurer « l’homme-de-la-rue » sur l’avenir du monde en général, de la Belgique en particulier et du sien de toute façon. Et, dans la foulée, d’apaiser l’homme-de-la-rue : son portefeuille d’actions n’est pas en danger. Pour le vicomte, l’homme-de-la-rue a nécessairement un portefeuille d’actions…
L’Homme-de-la-rue, quelle expression délicieusement désuète ! Un film de Frank Capra l’avait rendue célèbre (en version originale, Meet John Doe ). Gary Cooper incarnait un pauvre qui annonçait son suicide le soir de Noël à cause de la situation sociale et économique (le film se passait pendant l’autre crise, celle des années trente). Mais le film était aussi et surtout une dénonciation de la manipulation du citoyen par la presse et le pouvoir. John Doe n’existait pas. Son désespoir était bidon. C’était un faux pauvre, mis en scène par une journaliste qui avait trouvé là matière à un beau scoop.
Alors que gronde à nouveau la crise, on a un peu l’impression de se retrouver dans la situation de John Doe, victime de la situation économique mais aussi totalement déboussolé par les explications qui en sont données. Espérant qu’un Capra déchirera le rideau de fumée…

Alain Berenboom
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PAR LE TROU DE LA SERRURE

Choquante, l’interview de rentrée de M. Reynders dans notre quotidien favori. Selon le président du M.R., vice-premier, ministre des finances, si la Wallonie stagne, c’est la faute aux Wallons. Il est temps de retrouver « le goût de l’effort » qui nous fait tant défaut, martèle Grosse tête-triple casquette.
On comprend l’amertume de Rudy Demotte. Après tant d’efforts pour décrocher la tête de la région wallonne puis de la communauté française et tant de soirées à apprendre le néerlandais, lui reprocher de ne pas avoir « le goût de l’apprentissage pour les matières de base », c’est un peu fort de café, sterk van koffie. Et ce faux calme de se lâcher : « Mr Reynders est le cheval de Troie des Flamands » ! On croit entendre la voix de Zeus lui-même.
Pourtant, Reynders a raison de dénoncer le talon d’Achille de la Wallonie, le chômage. Mais comment trouver du boulot ? Il y a ceux qui comme Ulysse font un long voyage, abandonnant leur pauvre région à son sort. Mais beaucoup d’autres s’accrochent, cherchent, envoient leur CV sans désespérer malgré les réponses de refus polies, moins polies ou pas de réponse du tout. Faut dire que les politiques trustent à eux tout seuls les principaux jobs wallons : Reynders occupe trois fonctions de chef à lui tout seul, Milquet et Demotte, deux, di Rupo aussi. Sans parler des mandats dans les intercommunales. Or, voilà que les autres jobs, qu’on obtenait jusqu’ici grâce à la concierge de la copine de la petite amie du ministre, deviennent eux aussi inaccessibles. Un échevin schaerbeekois recherche un chef de cabinet par le biais des petites annonces ! De plus, il exige des candidats bilingues. D’accord, le poste convient à Reynders et Demotte, mais que reste-t-il alors aux autres ? Même profil pour le Mouvement réformateur qui cherche des universitaires bilingues, de préférence quadrilingues, intéressés par l’actualité politique et économique. Qui peut prétendre à ce poste sinon Reynders et Demotte ! Who else ?
Les autres offres d’emploi dans « Références » sont aussi décourageantes. Il faut déjà faire un petit effort pour traduire « store manager » simplement en « patron du magasin. » Mais, allez comprendre ce « people-oriented » recherché par une société de Hesbaye ? Et le « plant manager » demandé par une firme de Manage. Un jardinier ? Non, un directeur de site industriel alimentaire, semble-t-il. Ne laissez pas tomber les bras ! Au milieu de ce charabia, j’ai trouvé une annonce si fraîche que j’ai vérifié la date du journal. Un serrurier engage un apprenti « habile, honnête, distingué, ponctuel et courageux ». Ah ! En voilà enfin qui ouvre la porte à la Wallonie de demain.

Alain Berenboom
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GARDE A FOUS !

chronique
Les querelles autour de BHV et autres gamineries ont quelque peu laissé dans l’ombre les grandes manœuvres militaires de notre nouveau taieut ! taieut ! ministre de la défense, Piet De Crem. On dirait que revêtir l’uniforme de patron des forces armées transforme les plus braves types en ganaches ridicules et dangereuses. On se rappelle en France de Jean-Pierre Chevènement, l’incarnation de la gôche de la gauche, devenu par la magie d’un maroquin sgrogneugneu vous me ferez huit jours. Oublions le spectacle pathétique de ces gros ministres de la défense qui se glissent dans le cockpit de nos redoutables avions de chasse, déguisés en Buck Danny, le temps d’une photo.
A peine dans la place forte, Piet De Crem s’y met à son tour. Dès son entrée en fonction, il a interdit à l’armée d’assurer les visites scolaires des camps de concentration : le spectacle des victimes était trop déprimant pour nos militaires. Il préfère les annonces martiales, le rassemblement dans la cour et que ça saute ! Tout ça pour se donner l’allure d’un vrai soldat en envoyant au casse-pipe quelques appareils, dont on disait pourtant que la Défense nationale n’avait même plus les budgets pour assurer leur approvisionnement.
Espérons qu’un petit malin n’ait pas eu l’idée entre temps de les équiper en réservoirs à bio-carburants, vu qu’en Afghanistan, on ne cultive plus que du pavot. Au prix de l’opium sur les marchés, faire voler nos avions serait impayable. On aurait portant aimé voir nos pilotes, bercés par la vapeur, chantant à tue-tête « ça plane pour moi ! »
L’Afghanistan vaut bien une guerre ? On comprend qu’il faille empêcher les Talibans et autres fous de Dieu de remettre la main sur ce pays martyrisé. Mais les meilleures intentions du monde tournent en eau de boudin lorsque les missions des Occidentaux lâchés sur le terrain sont floues.
L’invasion de l’Afghanistan a été autorisée par les plus hautes instances internationales et les troupes américaines ont réussi, avec leurs alliés, à chasser du pouvoir les scélérats qui avaient fait de ce pays une prison folle. Bravo. Mais, comme en Irak, le remède s’est révélé aussi mauvais que le mal, faute de projet, de préparation, de rééducation de la population, de prise en charge et d’éducation de la société civile (ce que les Alliés avaient fait après la seconde guerre mondiale en Allemagne ou au Japon.)
Envoyer quelques F-16 et des soldats courageux ne suffit pas, sans un projet précis, avec des instructions claires, un travail avec la population locale. Tout ce qui semble ici faire défaut et qui n’a jamais fait l’objet d’un débat politique. Comment dit-on en langage militaire : danger casse-cou ?

Alain Berenboom
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QUI DONC EST FLAMAND ?

chronique
A écouter les émissions de jazz contemporains, on a l’impression que les frontières du jazz ont explosé. Ce qui pose la question : qu’est-ce que le jazz ? Que faut-il pour qu’un musicien entre dans ce club très select ? Pour certains, le mot vient de l’argot « gism/jasm » qui signifie force, exaltation ou sperme. En est-il de même pour les Flamands ?
Je veux dire : quelles qualités faut-il réunir pour être flamand ? Ecartons le sperme. On n’est pas flamand par l’origine familiale; nous ne vivons pas, quoique disent certains, dans le chaudron déjanté des Balkans. Personne ne met en doute la « flamanditude » de M. Leterme ni la « wallonitude » de Laurette Onkelinck. Parler la langue ne suffit pas. Parfaits bilingues, Louis Michel et Didier Reynders ne sont pas (encore) dans la course pour la présidence du NvA ni même celle de la Flandre. Herman de Croo et Mark Eyskens, qui parlent le français le plus châtié de tous les hommes politiques belges, sont flamands, n’en déplaise à leurs détracteurs. S’il fallait classer nos excellences selon la façon dont ils s’expriment, la plupart pourrait d’ailleurs fermer boutique…
Le nom n’est pas non plus une indication : les radicaux flamands comptent sur M. Bourgeois et les Wallingants sur Van Cauwenberghe.
Reste la langue du diplôme mais rien n’empêche d’étudier dans une autre langue que celle dans laquelle on a été élevé. Et le passage d’un enseignement à l’autre devient heureusement de plus en plus à la mode.
Le droit du sol n’est pas non plus une indication à entendre les cris d’orfraie poussés par certains politiciens flamands contre la présence de « francophones » sur leur sacré territoire. Suffit-il de ne pas contester la circulaire Peeters pour être flamand ou d’exiger à tout prix de lire sa note de gaz en français plutôt qu’en chiffres arabes pour perdre cette qualité ?
Quant à notre jeunesse, elle est de plus en plus bigarrée. Un ancêtre venu d’ailleurs sera-t-il demain le seul indice pour être un vrai belge ? Même pas. Ces jeunes se retrouvent aussi obligés de se déclarer flamands ou francophones, malgré eux.
La conclusion qui s’impose est donc que nous sommes tous juifs allemands. Ce qui, soi-dit en passant, résout un certain nombre de problèmes en suspens.

Alain Berenboom
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PS : Ce billet est dédié à la mémoire de Kamiel Van Hole. Ecrivain et poète flamand, il fut un amoureux de la liberté, adversaire farouche de l’intolérance. Notamment à travers diverses aventures littéraires qui réunissaient écrivains flamands et francophones, comme « Bloum à Bruxelles » (édition Le Castor astral) et « Drôle de Plumes » (édition Moulinsart). Ou les récitals du 01.10. 2006 contre l’extrême droite.

TOMMEKE, TOMMEKE, WHAT DOET JE NU ?

chronique
Il y a quelques années, lorsque des enquêteurs avaient trouvé des produits dopants au domicile de Frank Vandenbroucke, le champion cycliste avait déclaré qu’il les avait achetés pour son chien.
Tom Boonen n’a pas de chien. Ni chat, ni poisson rouge, ni dinosaure, ni personne pour encaisser à sa place le rail de cocaïne dans lequel il s’est planté. Notre superbe champion du monde, maillot vert au Tour, vainqueur du dernier Paris-Roubaix, est à la dérive. Exclu du Tour de France. Chassé du tour de Suisse. Incertain pour le championnat du monde. Sous le coup de poursuites pénales. Tommeke s’est excusé d’une voix blanche (évidemment) tandis que son directeur sportif vantait le mérite des coureurs qui le remplaceront lors du prochain Tour…
Les observateurs s’interrogent sur cet incroyable dérapage. En principe, les champions ne se plantent que dans la descente, jamais dans l’ascension. Boonen, il est vrai, est un piètre grimpeur. Comment expliquer cette incroyable gaffe ? Dans un sport en pleine implosion, les vedettes tombent comme des mouches. Celles qui survivent sont aux abois. Traquées, guettées, sous le coup de rumeurs permanentes.
Toujours sur la défensive, malgré son talent, son image d’homme propre, équilibré, de rouleur superbe, Tom est un artiste rappelant les grandes figures de jadis, Impanis, Rik Van Looy, Eddy Merckx, Roger de Vlaeminck. Equilibré ? Non, sans doute. Pardon, Justine, mais se domicilier à Monaco, cela démontre déjà un cynisme indigne d’un champion. Et la coke, d’autres fêlures. Un homme qui a prouvé qu’il est au-dessus des autres par son art ne peut prétendre qu’il est au-dessus des lois. Au contraire.
Mais quelle sanction lui appliquer ? Le mettre hors course, c’est tuer ce qui reste du cyclisme. La prison ? Pour qu’il sombre définitivement ?
Reste les peines de substitution. Deux cent cinquante heures de travaux d’intérêt général. Genre promener le chien de Vandenbroucke et lui parler pour le désintoxiquer. Lire la Bible à Yves Leterme sur son lit d’hôpital. Dans ce domaine, le juge a un grand pouvoir d’appréciation. On pourrait exiger de Boonen une solution à la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles Hal Vilvorde avant le 15 juillet s’il veut représenter la Belgique au prochain championnat du monde. L’organisation du mariage de Bart de Wever et d’Olivier Maingain avec Arno à l’accordéon. L’envoyer auprès du président Kabila plaider la cause de la Belgique en échange de l’organisation d’un tour du Congo auquel il devra participer (il n’a pas hésité à jouer le clown dans un improbable tour du Quatar). Bref, les projets ne manquent pas pour remettre en selle notre champion. Allez, Tommeke !

Alain Berenboom
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LE NOIR ET LE JAUNE

chronique
Je vous annonce une bonne et une mauvaise nouvelle.
La bonne : la Belgique a une politique étrangère.
Voici la mauvaise.
L’histoire commence à Léopoldville. Croyant servir le roi Léopold II (ce que personne n’a osé démentir pour ne pas le fâcher car ses colères sont terribles), monsieur Charles De Gucht, est descendu de son beau vaisseau. Et là, surprise : la grande et majestueuse statue de Stanley qui dominait le fleuve a disparu. Enlevée, l’œuvre monumentale que la Belgique avait offert à sa colonie comme un vulgaire portrait de Saddam Hussein. En cours de nettoyage, lui a-t-on dit pour ne pas l’irriter. Ah ya ? Awel ! C’est bon pour une fois ! Tournant son regard de l’autre côté de la route, il a aperçu que des Chinois étaient en train d’y travailler. Des Chinois aussi agrandissant le port. Des Chinois partout ! Là, il est vraiment devenu rouge. Les dents serrés, il a expliqué aux chefs des Noirs que les Jaunes, c’est pas bon pour eux. A rappelé le souvenir de l’horrible Fu Manchu. Les rapports d’Amnesty International sur les violation des droits de l’homme au pays de Mao. L’histoire de l’esclavage (non, ça c’est les Arabes. Ah oui, excusez-moi, je mélange un peu les pinceaux). Il a aussi vanté l’excellence des entreprises belges qui sont prêtes à offrir des beaux 4 x 4 à qui veut parce que, comme l’a si aimablement rappelé notre ministre, chez vous, tout le monde est corrompu. Et, comme après un long silence, personne dans l’assistance n’a levé le doigt pour demander une 4×4, il s’est vraiment mis en rogne et il a conclu, l’index levé, que comme le disait si bien une de leurs compatriotes à son enfant (immortalisés par Hergé) « Si toi pas sage toi y en seras jamais comme Tintin ».
Tout content d’avoir fait son devoir moral et flatté ses électeurs de Berlare, notre Excellence est parti pour Pékin.
En débarquant de son beau vaisseau, il a immédiatement remarqué que la gigantesque sculpture que les contribuables belges ont offert à l’empire du Milieu l’attendait, toute belle et toute blinquante, le vice-maire de Pékin planté à côté, un beau sourire sur les lèvres (le maire, lui, était en train d’essayer sa nouvelle 4 x 4. Mais c’est une autre histoire).
Fu Manchu ? Les droits de l’homme ? De quoi parlez-vous ? Tout ce bazar, c’est bon pour les discours en Afrique. A Pékin, on ne se rappelle que les rapports d’Amnesty International dénonçant les horreurs de la guerre dans l’est du Congo. Et on montre du doigt tous ces chefs noirs qui s’en mettent plein les poches.
Heureusement que la Belgique a une politique étrangère.

Alain Berenboom
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SAINTES TÊTES BLONDES

chronique
Une étude a fait grand bruit cette semaine. En Belgique, les élèves des écoles libres seraient meilleurs que ceux de l’enseignement officiel. Dieu soufflerait-il sur les bonnes écoles ? Les mécréants en doutent en invoquant l’état du reste de la planète. Dieu s’occuperait des bambins de Saint-Michel et de Saint-Hubert alors qu’Irakiens, Birmans, Congolais ou Chinois meurent par milliers dans l’indifférence ?
Pourquoi pas ? Par un divin caprice, le Seigneur peut avoir décidé, dans Son incompréhensible miséricorde, de se consacrer pendant quelques semaines au sort de la Belgique pour en faire en quelque sorte son petit laboratoire. N’a-t-il pas déjà, dans Son Infinie bonté, ramené le parti social-chrétien à la tête de l’état fédéral, offert à Yves Leterme, qui ne connaissait du monde que le camping de Coxyde, les mystères du Pérou et les églises baroques de Ljubljana ? Sa sollicitude laisse présager une solution pour BHV avant Noël et le trône de Saint-Pierre à monseigneur Léonard pour la Saint-Sylvestre. Moment où Dieu, quittant notre royaume redevenu enchanté, s’occupera d’une autre population en détresse.
Faut-il s’étonner de la supériorité des écoles libres ? Le président Sarkozy, autre ami du Seigneur, a récemment rappelé la supériorité du curé sur l’instit’ – en récompense, il a reçu Carla Bruni. Ce qui a suscité cette réflexion d’un de mes amis.
De mon temps déjà, m’avoua-t-il, on allait draguer les filles à la sortie des collèges. Les filles du lycée voisin, ça faisait vraiment trop banal. D’où cette hypothèse de mon ami libre-penseur, je le précise pour être honnête: l’attirance sexuelle pour les filles cathos a-t-elle un lien avec leur supériorité intellectuelle ?
Non. Non. Dieu ne l’aurait pas permis, même si Ses desseins sont impénétrables.
Reste alors à comprendre ce qui fait des enfants du libre des petits génies et les autres des cancres.
Les curés ? Ils ne sont plus assez nombreux pour donner cours, même pas pour faire la messe. La prière ? Il y a aussi des cours de religion dans l’enseignement officiel. De toute façon, qui fait encore la prière ? Les crucifix dans les classes ? Mais peut-on supposer que Jésus soufflerait aux enfants le résultat des questions d’examens comme il le faisait jadis à Don Camillo pour l’aider à vaincre Peppone ?
On peut peut-être y voir un autre message. Les résultats de l’étude étant identiques dans les deux régions du pays, la communautarisation de l’enseignement n’aura servi à rien. Les écoles publiques pourraient donc songer à autre chose. Par exemple apprendre vraiment les deux langues nationales à tous les enfants de ce délicieux pays ?

Alain Berenboom
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Tout fout le camp !

chronique
Justine Henin, après Kim Clijsters, part vivre sa vie au lieu de faire vibrer la nôtre. Bush, bientôt, nous abandonnera à notre triste destin sans avoir rangé la salle de jeux qu’il laisse dans un état pas possible. Et Prodi, confie le plus beau pays du monde à une équipe démente, un demi-clown et un demi-fou.
Il y a aussi ceux qui partent sans partir et qui ne sont tout de même plus tout à fait là : Poutine ou Tony Blair, des fantômes dont l’ombre est si puissante qu’elle paralyse leurs successeurs. Ou Ariel Sharon qui vient de fêter les soixante ans de l’état juif en errant entre le paradis rêvé et la réalité de l’enfer.
Les pays aussi foutent le camp : le Liban s’en va en morceaux, le Tibet fait trembler la Chine, la Yougoslavie ne se remet pas de se diviser. En attendant les secousses de l’Ecosse.
Et la Belgique, ô mère chérie, où fout-elle le camp ? Au nord, toute ?
Dans le grand remue-méninge sur l’avenir de son avenir, épinglons cette semaine cette idée d’un député hollandais : que les Pays-Bas absorbent la Flandre. Juste comme le faisaient jadis nos premiers ministres du premier hareng de la saison.
Pourquoi pas, après tout ? Le roi deviendrait reine de Hollande. Nos moules se déguiseraient en huîtres de Zélande. Et le plattekeis devrait s’endurcir pour rivaliser avec le gouda. Un fromage blanc avec une épaisse croûte rouge ? Tout fout le camp ! vous dis-je.
Seule la compagnie du Zoute applaudit le projet qui comble ses rêves les plus fous : bétonner tout le littoral de Knokke à Groningue.
Mais l’exercice s’arrête là : on ne voit pas comment transformer notre sublime élixir national, la gueuze, en ce liquide en canette qui porte le triste nom de monsieur Heineken. Et qui peut imaginer Tommeke, Tommeke, notre Tom Boonen national, en champion de Hollande ? Comme si Merckx à l’époque avait dû changer son nom en Zoetemelk !
Les Hollandais ne savent pas ce qui les attend. Avec l’arrivée des gouvernements rouge-bleu-romain (comme ils disent), ils auront en cadeau ces hommes et femmes politiques que l’Europe nous envie. Ils croyaient avoir leurs extrémistes avec Pim Fortuyn, Geert Wilders ou Rita Verdonk. Ils découvriront que leurs grandes gueules populistes sont des enfants de chœur lorsque F. Dewinter et autres suppôts du Vlaams Belang feront leur entrée aux Etats-Généraux à La Haye. Et que diront-ils lorsque nos politiciens, devenus hollandais, sortiront de leur chapeau pour animer un peu la monotone vie politique d’outre-Moerdijk un petit BHV autour d’Amsterdam et un N-Vatje qui exigera l’indépendance de la Frise ?
Dire que ce sont les Flamands qui disent : « Nederlanders kunnen zo zeiken ! » (les Hollandais nous pompent l’air)…

Alain Berenboom
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