PAR LE TROU DE LA SERRURE

Choquante, l’interview de rentrée de M. Reynders dans notre quotidien favori. Selon le président du M.R., vice-premier, ministre des finances, si la Wallonie stagne, c’est la faute aux Wallons. Il est temps de retrouver « le goût de l’effort » qui nous fait tant défaut, martèle Grosse tête-triple casquette.
On comprend l’amertume de Rudy Demotte. Après tant d’efforts pour décrocher la tête de la région wallonne puis de la communauté française et tant de soirées à apprendre le néerlandais, lui reprocher de ne pas avoir « le goût de l’apprentissage pour les matières de base », c’est un peu fort de café, sterk van koffie. Et ce faux calme de se lâcher : « Mr Reynders est le cheval de Troie des Flamands » ! On croit entendre la voix de Zeus lui-même.
Pourtant, Reynders a raison de dénoncer le talon d’Achille de la Wallonie, le chômage. Mais comment trouver du boulot ? Il y a ceux qui comme Ulysse font un long voyage, abandonnant leur pauvre région à son sort. Mais beaucoup d’autres s’accrochent, cherchent, envoient leur CV sans désespérer malgré les réponses de refus polies, moins polies ou pas de réponse du tout. Faut dire que les politiques trustent à eux tout seuls les principaux jobs wallons : Reynders occupe trois fonctions de chef à lui tout seul, Milquet et Demotte, deux, di Rupo aussi. Sans parler des mandats dans les intercommunales. Or, voilà que les autres jobs, qu’on obtenait jusqu’ici grâce à la concierge de la copine de la petite amie du ministre, deviennent eux aussi inaccessibles. Un échevin schaerbeekois recherche un chef de cabinet par le biais des petites annonces ! De plus, il exige des candidats bilingues. D’accord, le poste convient à Reynders et Demotte, mais que reste-t-il alors aux autres ? Même profil pour le Mouvement réformateur qui cherche des universitaires bilingues, de préférence quadrilingues, intéressés par l’actualité politique et économique. Qui peut prétendre à ce poste sinon Reynders et Demotte ! Who else ?
Les autres offres d’emploi dans « Références » sont aussi décourageantes. Il faut déjà faire un petit effort pour traduire « store manager » simplement en « patron du magasin. » Mais, allez comprendre ce « people-oriented » recherché par une société de Hesbaye ? Et le « plant manager » demandé par une firme de Manage. Un jardinier ? Non, un directeur de site industriel alimentaire, semble-t-il. Ne laissez pas tomber les bras ! Au milieu de ce charabia, j’ai trouvé une annonce si fraîche que j’ai vérifié la date du journal. Un serrurier engage un apprenti « habile, honnête, distingué, ponctuel et courageux ». Ah ! En voilà enfin qui ouvre la porte à la Wallonie de demain.

Alain Berenboom
www.berenboom.com