ANO OU HOMO

Ainsi, Jean-Michel Javaux vient de l’avouer au « Soir »: il est anorexique ! Jésus, Marie, Joseph, quelle confession !
Ce qui frappe d’emblée, c’est la facilité avec laquelle il est tombé dans le panneau tendu par son chef de troupe, Mutien Léonard (totem : ogre tranquille): le monde est divisé en deux, mon p’tit gars, les homos et les anos. Il faut choisir ! avait dit le retord de Namur en devenant patron. Et, sans réfléchir, Javaux a choisi. Ano, sans hésiter, mon père ! Sans prendre le temps de peser les conséquences comme il le fait si bien quand on l’interroge sur Elio, les ventes d’armes, BHV ou les Flamands. Où il est toujours parfait, nuancé, prenant aux uns et aux autres, évacuant avec adresse tout jugement définitif, évitant toute position tranchée, le piège binaire, le bien et le mal, le ying et le yang.
C’est qu’il ne se méfiait pas d’Ogre tranquille, not’ pôv Javaux. Un homme si intelligent qu’il admirait tant. Jamais il n’avait imaginé que l’archevêque allait se montrer plus pervers que Didier Reynders négociant avec Rudy Aernoudt ou Joëlle Milquet dansant le tango avec Bart De Wever.
Depuis, ils ont l’air malin chez Ecolo… Car, qui refuse l’option Javaux, se retrouve dans l’autre. La galère… On comprend la grosse colère de Josy Dubié. Car il n’est pas du genre anorexique, lui. Il aime la bonne chère et la belle chair (c’est pour cela qu’on l’aime, Josy !) Javaux s’est planté ! s’étouffe-t-il. Chez les Verts, on est tous les mêmes ! Ni ano ni homo, ecolo ! a-t-il éructé. Trop tard, le mal était fait et le mâle refait !
Avec beaucoup d’autres dégâts collatéraux. Au C.D.H. par exemple, où l’on a peu apprécié que Javaux vienne brouter leur pré carré. Car, si Javaux apparaît aujourd’hui comme la plus belle bête du saint troupeau de l’archevêque, Joëlle se retrouve du coup ravalée au rôle de mouton noir. Devra-t-elle boire le vin de messe jusqu’à la lie et faire le pèlerinage d’Habay pour obtenir de son vieil ennemi abhorré, Charles-Ferdinand Nothomb, un certificat attestant que c’est elle la plus pure ? Ou ramener son parti dans la ligne confessionnelle sur laquelle elle avait réussi à jeter le voile ?
Et que va faire le MR ? Il vient juste de virer de bord après la culotte des dernières élections pour essayer d’attirer à lui chômeurs, pensionnés et autres Wallons. Sans se rendre compte que la bataille se livrait en soutane. Quelle idée de l’avoir confiée à un sans-Dieu ! Didjé va devoir retrousser les manches, réécrire son joli manifeste pour rattraper Javaux dans la ligne droite. Mais, quelque soit la façon dont il le tourne, il sera difficile d’afficher sur la couverture Louis Michel en modèle d’anorexique.

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DLING ! DLING !

Deux agressions violentes à Bruxelles et le carrousel communautaire tourne à nouveau comme aux beaux jours de la Foire du Midi ! Dling ! dling !
Je me souviens que jadis, à l’époque de l’agent 15 et de Quick et Flupke, les policiers communaux arrêtaient de poursuivre le voleur qui avait réussi à passer la frontière de la commune voisine. A cette époque bénie, ne le répétez pas, j’étais plutôt pour le voleur et contre la maréchaussée. Qui n’a pas préféré Robin des Bois au prince Jean me lance la première pierre !
Ces pensées ne sont plus politiquement correctes. Mais qu’est-ce qui est politiquement correct ?
L’histoire ne dit pas si les voyous de Molenbeek et de Laeken qui ont provoqué tant de vagues parlaient français, flamand, kazak ou araméen. Dans l’état actuel de délire communautaire, je m’étonne de ne pas encore avoir entendu un de nos joyeux politiciens proposer de diviser la police de Bruxelles en deux zones plutôt qu’en une ou en six : une flamande et une francophone. Lorsqu’un policier francophone s’aperçoit que le bandit qu’il poursuit l’insulte en flamand, il devra immédiatement s’arrêter et appeler la brigade flamande, faute de quoi le voleur pourra librement reprendre son tram. Dling ! Dling !
Et s’il parle araméen ? Ce sera à la police des étrangers d’intervenir. Elle pourra immédiatement procéder à son expulsion (la seule chose qu’elle est capable de faire), ce qui évitera d’encombrer nos prisons, déjà saturées.
La situation est moins improbable qu’un esprit rationnel mais naïf pourrait le penser : le ministre de la justice vient de louer des cellules dans des prisons hollandaises, réservées aux prisonniers ne vivant pas trop loin de la frontière. Autrement une prison pour Flamands. Tant pis pour les Wallons qui voulaient profiter de l’aubaine pour un petit bain d’immersion linguistique. N’ont qu’à rester en Wallonie. Et au chômage !
A ce propos, je ne comprends pas pourquoi Stefan De Clerck a choisi la Hollande plutôt qu’une tour inoccupée de Dubaï ou carrément une île artificielle pour loger nos condamnés : là-bas, le mètre carré est désormais pour rien, en tout cas infiniment moins cher que les palaces cellulaires cinq étoiles de Tilburg.
De plus, en cas d’évasion, bonne chance aux pauvres évadés de se débrouiller en français, en flamand ou même en kazak ou en araméen après avoir quitté à la nage l’île où ils étaient détenus pour se retrouver au milieu de nulle part au fond d’un désert sans même une burqa pour les protéger du soleil! En Belgique, c’est quand on les appelle pour la soupe (dling ! dling !) qu’on s’aperçoit qu’une partie des détenus manquent à l’appel. Sorry, chef, on n’avait pas remarqué ! Mais, attention, chef ! Pas de reproches, hein ! Sinon, on se met en grève !
Oui, je sais, c’est facile de se moquer. Je l’avoue, moi, je n’aimerais pas être gardien de prison. Ni policier même si on m’offre un sifflet en cadeau. Ni être le ministre qui ne donne pas les moyens nécessaires pour que la justice soit rendue. Ni me retrouver magistrat obligé de relâcher la petite brute que des flics ont réussi à attraper, parfois en risquant leur peau.
Mais surtout, je refuse d’être un de ces politiciens qui ne trouve rien de mieux qu’une lecture communautaire de la violence à Bruxelles. Et qui font semblant de croire que si les voyous sont jugés la nuit même de leur arrestation, les troubles s’arrêteront par miracle. Jugés, condamnés, emballés ! Et le père Noël est de retour ! Dling ! Dling !
Il n’y a que des bons et des mauvais magistrats, des bons et des mauvais policiers. Avec les moyens nécessaires pour que l’outil fonctionne au mieux de sa capacité. Quand des flics sont soupçonnés d’avoir commis des actes scandaleux de torture et des traitements dégradants sur des détenus de la prison de Forest (pendant que les gardiens une fois de plus étaient en grève), personne n’a songé au snelrecht. Alors que les faits remontent à septembre dernier, ils n’ont d’ailleurs toujours pas été jugés.
On sait qu’un de ces jours, c’est à Anvers ou à Termonde, à Liège ou à Charleroi que se dérouleront les prochains hold-up ou agressions. Il faudra bien alors se demander si vraiment ce n’est pas la justice de ce pays toute entière qui est malade et qui appelle le docteur en vain. Dling ! Dling !

Alain Berenboom
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ON NOUS CACHE TOUT

Quelle bonne idée a eu Jacques Dutronc de remonter en scène avec les bijoux que lui avait ciselés jadis Jacques Lanzmann ! Indémodables ! Reprenez donc en chœur « On nous cache tout, on ne nous dit rien » et c’est l’actualité de la semaine qui défile et passe à la moulinette.
Le réchauffement climatique, par exemple. Avec l’acquittement de Villepin, c’est sûr que la planète va encore gagner quelques degrés. Entre le président Sarkozy et l’ex mentor de Chirac, le thermomètre risque même d’exploser.
Nicolas Sarkozy l’avait pourtant annoncé dans son interview télévisé de septembre dernier : les « coupables » de l’affaire Clearstream seront traînés devant le tribunal correctionnel. Le spectre de la peine de mort n’était pas loin. Résultat, patatras ! Les coupables du président sont les innocents des magistrats. Où va-t-on si la justice de la république défie les élus de la nation ?
Des kilomètres d’enquêtes, des millions d’euros d’heures perdues, tout ça pour rien. Pour faire mentir le chef de l’état français ? Mitterand et Chirac doivent se retourner dans leurs tombes.
Après la remise en cause de la taxe carbone par le conseil constitutionnel, c’est un autre pan de la politique de l’environnement qui fond comme un vulgaire glacier.
Ces glaciers dont la télé et les magazines nous montrent semaine après semaine l’agonie dégoulinante dans des images de films catastrophe. Or, après des années de controverse, le principal groupe d’experts sur le climat, le GIEC, a reconnu qu’il s’est trompé aussi bêtement que ses collègues économistes : non, l’Himalaya dont il annonçait avec perte et fracas l’effondrement de la couche neigeuse dans les trente ans se porte très bien, merci, ou plutôt très froidement. Le gigantesque bâton glacé va le rester. Que les amateurs de l’entracte se rassurent. Mais alors, monseigneur Léonard, dites-nous, qui faut-il encore croire ?
La visite de notre ministre des affaires étrangères au Congo nous offre un autre exemple de cactus. D’après Steven Vanackere, le président Kabila n’est pas seulement un excellent compagnon de bistrot. Cet homme peut sauver la Belgique. Nous rendre enfin ce que nous avons apporté jadis à la colonie. A l’heure où les ouvriers d’Inbev bloquent la sortie de nos brasseries, le Congo dévoile devant les caméras son trésor : de la bière qui coule à flots. Quand Kabila et Vanackere lèvent leurs verres, c’est la Belgique qui mousse.
Mais faut-il croire à ces promesses. Ou écouter plutôt l’ancien ministre, le très pisse-froid Karel De Gucht ? D’accord, Karel, c’est avec notre argent que les Congolais ont acheté ces sacrés fûts mais s’ils sont prêts à les vider avec nous, pourquoi faire la fine bouche ?
Qui a tort ? Qui a raison ? On nous cache tout, on ne nous dit rien…

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LE POINT G

Beaucoup de concitoyens ont été surpris par les déclarations musclées de Laurette Onkelinx lors de l’accession de Mgr Léonard à l’archevêché de Bruxelles-Malines. Sa nomination pourrait « remettre en cause le compromis belge », a-t-elle proclamé. Ajoutant que le prélat « avait souvent remis en cause des décisions prises par le parlement belge. »
Protestations, étonnement même dans les rangs laïcs devant la virulence de ces critiques. Bien vite, on s’est rendu compte de la méprise : le diable avait fait fourcher la langue de notre Laurette ; ça arrive, en période de soldes. Ce n’est pas Mgr Léonard qu’elle visait, Dieu nous en garde, mais Michel Daerden et son fiston.
Reprenez les déclarations de Laurette. En remplaçant le nom du cardinal par celui du sinistre des pensions, tout s’éclaire. Elles sont infiniment moins surprenantes. A force pour la gauche wallonne de couvrir des opérations financières discutables de quelques-unes de ses vedettes, le compromis belge bat de l’aile. Qui peut le contester ?
Quand le cabinet de reviseur de Daerden junior, audit (et facture) une centaine de services publics ou autres associations dépendant du gouvernement wallon sur décision du papa, le ver n’est pas seulement dans le nez ; il est aussi dans le fruit.
Si les faits sont avérés, le ministre remet aussi en cause les décisions du parlement belge, la législation sur les marchés publics et celle sur les conflits d’intérêt. Et plus seulement la loi Vandervelde sur l’alcool.
Mais, nous demandera-t-on, à quoi joue Michel Daerden ? Pourquoi écorne-t-il une fois de plus l’image du socialisme wallon qui n’en avait pas vraiment besoin ?
Tout ça, c’est la faute au point G.
Le point G, c’est celui où la gauche prend du plaisir. Depuis le temps que les socialistes désemparés le cherche ce fameux point de déséquilibre, il ne faut pas s’étonner qu’ils se soient égarés. Confondant parfois le point avec le poing. Et le plaisir de tous avec la satisfaction de quelques-uns.
La Wallonie n’est pas seule à souffrir de ce mal: en Flandre comme dans le reste de l’Europe, la gauche patine en pleine confusion, incapable de retrouver le glamour dont elle a bénéficié si longtemps. Et pour cause, les scientifiques viennent de le découvrir après des années d’enquête et de fausses promesses, le point G n’existe pas. Tout simplement.
A l’annonce de l’événement, on comprend la confusion de Michel Daerden, qui fut un des plus hardis explorateurs de la question. On explique mieux l’étrange langage qu’il a tenu au Sénat. Puisque le point G ne signifie plus rien pour la gauche, il faut lui donner un nouveau contenu. Daerden a réussi. Désormais, on sait que G signifie guignol.

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SOULIER D’OR

Un frémissement de quelques dizaines de secondes et la capitale d’Haïti tombe en poussières, engloutissant cent mille habitants. Comme il y a peu en Chine ou dans le sous-continent indien. Sans oublier la grande vague du tsunami qui a emporté, il y a cinq ans, avec la même facilité, la même rapidité et la même dérision deux cent mille personnes le long des côtes d’Indonésie et de Thaïlande.
Là, des images en noir en blanc de survivants courant hagards couverts de poussière blanche dans les gravats grisâtres de la première république noire de l’histoire. Ici, un torrent coloré de sons et de paillettes pour la proclamation du Soulier d’or au casino d’Ostende.
Le dit soulier a été décerné à un joueur du Standard et emporté par un de ses fans, notre premier ministre, vu que l’équipe de Liège faisait sa mijaurée. Contrairement à ce qu’on pourrait naïvement penser, la bouderie du Standard n’a rien à voir avec les événements tragiques de Port-au-Prince. Non. Le boycott des dirigeants des rouches s’expliquait par la publication dans Het Laatste Nieuws, le journal organisateur de la cérémonie, d’un sondage dans lequel Axel Witsel, précédent soulier d’or, avait été choisi par les lecteurs comme l’une des sales gueules de l’année – aux côtés de personnages bien plus patibulaires, il est vrai.
Difficile de ne pas mettre en parallèle le même soir la fragilité de la planète et l’honneur perdu du soulier d’or.
Mais ce qui rapproche surtout les deux événements, c’est l’importance des médias dans leur perception.
Le redoutable tacle du joueur du Standard sur un défenseur d’Anderlecht n’a pris la proportion d’une affaire nationale, d’un fait de société, qu’en raison de la présence de caméras filmant en direct le match phare de la saison.
Le tsunami comme l’effondrement de Port-au-Prince sont ressentis comme une tragédie, moins par leur gravité et leur nombre de victimes que par l’intérêt que leur ont porté immédiatement les média. Un cataclysme au fin fond de la Chine n’existe pas car les reporters internationaux ne peuvent accéder au lieu de la catastrophe. Alors qu’Haïti, c’est l’Amérique qui tremble. Une île phare de l’histoire coloniale, une île symbole des échecs répétés du premier projet d’indépendance des Noirs d’Amérique. Grâce aux média, l’aide internationale va se déployer avec d’importants moyens comme ce fut le cas en Thaïlande. Mais le risque de cet œil braqué sur l’île martyr est que l’événement soit « aplati » par les télés, un drame entre deux autres, une émotion de quelques jours entre un nouvel avatar liégeo-anderlechtois et la réapparition pathétique de Michel Daerden.

BLANC COMME NEIGE

Ce n’est pas un hasard de l’histoire si l’an 2010 s’ouvre sous la neige. Il ne faut pas confondre les plaisirs de l’hiver et l’angoisse de la page blanche. Mais comment ne pas trouver à la météo une fichue allure de symbole ? Et même de signal. D’autant que pour le plus grand bonheur des automobilistes, sous la neige, les feux ont la même couleur et tous les chats sont gris.
Page blanche donc en ce début de décennie. Il y a ceux que ça excite et ceux qui en ont peur. Ceux qui trouvent que la route manque de sel et font déjà la glissade. Les pessimistes qui, à l’instar de Georges Simenon, prétendent que « la neige était sale » pour y lire comme dans le marc de café des lendemains qui déchantent. Il y a les tristes qui gémissent « Tombe la neige, tu ne viendras pas ce soir ». Les découragés qui font une croix sur la vie, quel que soit le temps. Qu’il pleuve ou fasse soleil, Madeleine ne viendra pas. Le dernier tram s’en va. On doit fermer chez Eugène.
Il y a ceux qui ont des doutes, qui se demandent, transis de froid, en grattant chaque matin le pare-brise de leur bagnole, les pieds dans leurs bottes fourrés, ce qu’attend ce fameux réchauffement climatique pour montrer enfin le bout de son nez. Ceux qui ricanent en entendant les cris d’alarme des écolos, eux qui promettent de sauver la planète de la calcination mais sont incapables de surveiller au bout de la rue la petite rivière qui traverse Bruxelles pour l’empêcher de se transformer en égout quand elle passe la frontière linguistique.
Mais il y a les perce-neige, qui gardent le sourire imperturbable sous la tempête. Ceux qui entendent les fleurs de couleurs pousser sous le grand blanc. Ils nous promettent les fauves repeints de rose, panthères ou flamants. Bref, la vie en rose. Le billet vert plus vert. L’or plus noir. Et la mer plus bleue. Mais les amers en doutent. On nous a déjà fait le coup, rappellent-ils. Combien de fois nous a-t-on promis la lune ? On nous a vendu le modèle rouge. Les Russes n’en sont pas encore remis. Le modèle bleu, on sort d’en prendre, merci. Comme le modèle vert couleur de l’islamisme radical.
Pourquoi pas plutôt le modèle blanc, celui que chacun fabrique selon son envie, tel un bonhomme de neige ?

Alain Berenboom

PS: bel exemple de modèle pétardant de couleurs, le nouveau film de Jaco Van Dormael, Mr Nobody. La fantaisie et l’imagination au service d’une histoire magnifique mêlant hier et demain, émotion, humour et suspens. Pour certains, un nouveau cinéma est né avec le 3 D. Pour d’autres, c’est Mr Nobody qui ouvre une nouvelle façon de regarder le cinéma.

LETTRE A MON VOILE

Me seras-tu aussi fidèle pendant l’année nouvelle ? Chaque matin, depuis que mon père t’a donné en cadeau, tu attends mon réveil, nuage noir dans l’obscurité de ma chambre. Dès que je me lève, tu te glisses délicatement autour de mon visage, tu épouses les plis de ma chevelure, tu effaces la forme de mon front (« puissant » comme dit fièrement mon père pour me consoler) mais tu caches aussi la minceur de mon joli cou et ma peau d’ivoire. Tout le reste de la journée, tu me suis, plus attachée à moi que le chien de la voisine (qui préfère les dessous de mes jupes), où que j’aille, quoi que je fasse. Tu refuses même de me quitter quand je me glisse près de Kader – et là, malgré ta discrétion, tu sais que tu me pèses un peu ? Mais que dirait maman et papa si je m’asseyais à la table sans toi ? Et mes frères ? Et les voisins ? Je me suis attachée à toi. J’ai cru ma mère quand elle m’a expliqué que tu effaçais mes défauts. J’ai cru mon père quand il a raconté tu étais le lien avec nos ancêtres qui t’ont porté de génération en génération où que les aient menés leurs pas – ou plutôt où que leurs maris les ont menés. J’ai cru mes frères quand ils ont prétendu que tu étais la preuve de ma dignité, une espèce de médaille qui récompensait ma pudeur et garantissait ma virginité à tout le quartier – Kader, Kader, fais attention ! S’ils te découvraient…
Tu es rassurant et menaçant à la fois comme un garde du corps. Je devrais me sentir fière. Il n’y a que les stars qui se promènent avec un garde du corps. Mais, pourquoi faut-il garder mon corps ? Parfois, je me demande si tu conserves pour toi mes pensées, toi qui passes la journée, juché sur ma tête, à dissimuler ma peau et mes beaux cheveux. L’idée que tu sois capable de lire dans mon cerveau me fait rougir. Kader, si tu savais l’envie qui vient de m’effleurer…
Au fond, m’es-tu aussi fidèle qu’on le dit autour de moi ? Kader, Kader, comme j’aimerais te voir sans témoin, que tu me regardes telle que je suis et pas dans cet uniforme qui fait de moi le clone d’une femme soi-disant idéale. Je souhaiterais que tu aimes mes défauts –mon front- et pas l’image abstraite que je suis obligée de te laisser voir. Je suis différente, Kader. Comme chaque fille au monde est un monde est à elle seule. Tu le saurais sans mon masque…

Pour Leila,

Alain Berenboom

DADOU RON RON RON

Silvio (au médecin): Ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?
Johnny : Dis donc, mon gars, profite pas de ce que j’ai le disque cassé pour me voler mes chansons. Mon chirurgien a essayé ; ça ne lui a pas profité. L’est dans la chambre d’à côté.
Silvio (au médecin) : Si vous pouviez éviter de m’enlever ma vraie dent… (A Johnny) : Ah ! Johnny, ne crains rien. Moi, je respecte les artistes. A peu près tous les artistes. Pas Nanni Moretti, c’est vrai. Pas Roberto Benigni. Pas Adriano Celentano, le « Johnny italien » qu’ils disaient de lui.
Johnny : Tu sais, à l’époque, moi, on m’appelait « l’Elvis français »…
Silvio : Ces gens ne sont pas des artistes. Mais des politiciens, je veux dire des gens médiocres, des envieux. Un artiste n’a pas le droit de se moquer de ceux que le peuple a appelés à leur tête. C’est ce qu’on appelle le devoir de réserve. Je me propose de l’inscrire dans la Constitution.
Johnny : Comme l’interdiction des minarets ?
Silvio : Non, ça c’est en Suisse. A chaque pays, ses petites lois pittoresques. Mais la loi, c’est la loi.
Johnny : J’suis d’accord avec toi. Tu penses bien que j’ vais pas me mettre les Suisses à dos ! Que dirait Laetitia si je l’oblige à déménager dans un pays là oùsque faut payer des impôts ?
Moi, tu vois, je respecte les tas de droits. Regarde Sarkozy. C’est pas moi qui vais le critiquer. Touche pas à mon pote !
Silvio : Ah, bon ? Tou défend même sa campagne pour l’identité française ?
Johnny : Ho ! C’est pas parce que j’suis Belge, amoureux de la musique américaine et citoyen suisse que j’suis pas un vrai Français. Tu me suis ?
Silvio : Bravo ! Pour sceller notre amitié, j’ai oune idée fabuleuse. Puisque tou as abandonné ta petite tournée franco-belge, viens donner ton dernier concert dans le stade de l’A.C. Milan. Oune fête spectaculaire. Hollywood et Cinecitta réunis ! Dis oui et serre la main d’un grand fou !
Johnny : Comment ça le dernier concert ? Pour toi, je ne sais pas, mais pour moi, la vie va commencer.
Silvio (rigolant) : A lire les sondages, pour moi aussi ! Si j’avais su plus tôt qu’il suffit de recevoir dans la gueule pour redevenir l’idole des jeuuunes, j’aurais demandé à Fini ou à Bossi de me faire une grosse tête la veille de chaque élection.
Johnny : Normal, Silvio. Le public veut des légennnndes. A toi, je peux le confier. J’prépare en douce une nouvelle dernière tournée qui va faire un malheur. Quand l’ange de la mort plane au-dessus de la scène, le diable remplit le tiroir-caisse.
Silvio : Je peux réutiliser ta formule ?
Johnny : Ouais. Elle est de mon producteur, Jean-Claude Camus. Même que je me demande pourquoi mon pote Sarkozy a dit qu’il veut mettre ses cendres au Panthéon. Tu crois qu’il essaye de me le piquer ?

Alain Berenboom
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LES SENTIERS DE LA GLOIRE

On ne finira donc jamais de pleurer le départ d’Herman Van Rompuy ? En quelques mois, ce petit homme discret aura réussi à pacifier le pays, faire oublier la crise financière, celle de la planète et, plus fort que tout, l’existence de B.H.V.
Voilà qu’on apprend en plus que nous avons laissé échapper le premier ministre le plus cultivé, poétique et intellectuel de l’après-guerre. A la fois Superman, Brautigan et Robert Aron.
Qu’allons-nous devenir alors que son successeur a choisi plutôt de s’illustrer comme supporter d’une équipe de football en perdition – forcément en perdition?
Imaginons un instant l’histoire inversée : Van Rompuy hantant les travées du Standard en hurlant son amour désespéré des « Rouches » et Yves Leterme discourant sur l’enseignement d’Emmanuel Mounier et des autres « personnalistes » de l’Ordre Nouveau, ces « nouveaux intellectuels » des années trente hésitant entre gauche chrétienne et anti-modernisme réactionnaire ?
Leterme serait-il alors devenu président de l’Europe et Van Rompuy, le Gerald Ford de la politique belge ? Pas sûr…
Notre star politique a eu la prudence de ne pas mettre trop en avant ses goûts philosophiques alors qu’Yveke, qui veut toujours tout faire trop bien, n’aurait pas manqué de souligner son admiration pour Robert Aron et Arnaud Dandieu qui, dans leur livre « Le cancer américain », démolissent le modèle de civilisation nord-américain : « Les Etats-Unis doivent apparaître comme un organisme artificiel et morbide » dont l’esprit souffre « d’une crise de conscience et de virilité ». Ambiance.
A part la référence à la virilité qui devrait l’intéresser, on doute que Sarkozy eût déployé autant d’énergie à soutenir la candidature d’Yveke qu’il a mis à défendre notre discrète éminence.
Yveke n’aurait pas manqué aussi de rappeler, ce que Herman a eu la délicatesse de taire, que ses maîtres, Alexandre Marc ou Robert Aron ont été d’ardents fédéralistes européens. Comme Denis de Rougemont, un des premiers militants de la cause écologiste. Malgré le concert assourdissant de Copenhague, il ne faut pas croire que le message écologique soit plus populaire que le fédéralisme auprès de la plupart des chefs d’états européens.
De son côté, Herman footballeur n’aurait sans doute pas mis le même enthousiasme que notre pauvre Leterme à se faire photographier, revêtu de la défroque des Rouches, entre les frères D’Onofrio et le délicat Axel Witsel. Il aurait attendu la fin de la saison pour décider quelle équipe avait ses préférences.
Ce qui prouve que le véritable maître à penser de notre Herman, quoi qu’il dise, est en fait le roi de Syldavie, Ottokar IV, dont on connaît la devise en forme de haïku : « Eih bennet, eih blavet ».

Alain Berenboom
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TRES GRAND ST-NICOLAS

Tu n’as vraiment pas de chance. D’abord, ta fête tombe systématiquement entre froid, crachin et neige. Et cette année, tu dois en plus te taper le Danemark, où le jour se couche à 15 h 40… Maigre consolation, la plus belle église de la capitale est à ton nom. Si les services de sécurité te laissent passer malgré ton costume de carnaval, le curé de l’endroit ne te refusera certainement pas un bol de soupe bien chaude, en échange de quelques confiseries.
Justement, les cadeaux, parlons-en. C’est le plus difficile, je le sais. Moi aussi, je ne parviens jamais à choisir ce qui fera plaisir aux enfants et qu’ils ne revendront pas illico dès que j’ai le dos tourné.
Rassure-toi, cette fois, le plus gros du boulot est pour ton collègue, le père Fouettard. La liste de ses clients n’a jamais été aussi longue. Tous les pécheurs rassemblés à Copenhague, dans une même salle, ça tombe bien. Il pourra s’en donner à cœur joie et châtier à la chaîne. Wen Jiabao, le premier sinistre chinois, Sarkozy et quelques dizaines d’autres fourbes, venus au chevet de notre climat dans des chambres et des salles surchauffées jurer, la bouche en cul-de-poule, que l’environnement est leur seule préoccupation.
Tu penses comme les puissants de ce monde en ébullition sont chauds à diminuer leurs émissions de carbone ! Un seul a-t-il renoncé à prendre l’avion pour se rendre au sommet sur le climat ? A prendre son vélo entre l’hôtel et la salle du congrès ? A proposer symboliquement un mois sans pétrole pour préparer sa population à la pénurie de la fin de l’or noir ?
Quelqu’un a-t-il déjà calculé le taux de CO 2 dégagé par les déplacements de ces excellences, des journalistes, flics, espions, écologistes de tous poils et leurs invités ? Et des 4×4 et autres véhicules blindés dans lesquels tout ce beau monde va se promener ? Pour ces quelques jours de fiesta ecolo, le Danemark peut racheter les certificats de pollution de tous les pays d’Afrique afin de compenser l’explosion de ses quota.
Et toi, que peux-tu bien offrir à tous ces grands enfants gâtés qui exhibent fièrement leurs cellulaires de la dernière génération, leurs portables et autres gadgets électroniques, tous excellents consommateurs d’énergie ? Oublie le DVD du film d’Al Gore. Ils en ont déjà reçu chacun sept cents exemplaires. Que reste-t-il qui ne soit pas du réchauffé ?
Une visite à la petite sirène, pudiquement revêtue d’un maillot à la gloire de la conférence pour admirer insidieusement sa belle poitrine sous son tee-shirt mouillé ? Des jouets en bois ? Des petits flingues ou, mieux, des fusils de la F.N. La Belgique a justement sur les bras un stock initialement destiné, quelle coïncidence, à un roi du pétrole.

Alain berenboom
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