L’ILE AU TRESOR

Ce samedi, journée du livre et du droit d’auteur. On peut discuter de l’idée d’inscrire le livre et le droit d’auteur dans cette surréaliste série de « journées commémoratives mondiales » entre la journée de la femme (à ne pas confondre avec le jour de la femme à journée), celle des choux-fleurs et des lépreux en attendant la journée du torticolis (qui célèbre le Chagrin des Belges.)
Mais ne boudons pas une fête du livre. Surtout qu’avec l’apparition des tablettes numériques, certains évoquent le spectre de la fin du livre « papier ». Inutile d’aller à la Recherche du Temps perdu. L’évolution technologique n’est pas une Assurance sur la mort.
La télévision a chamboulé l’industrie cinématographique mais elle ne l’a pas tué, ni le DVD, tous grands consommateurs de films, à condition que ceux-ci aient d’abord fait carrière dans des salles de cinéma.
Il en sera sans doute de même pour le livre, dont la diffusion numérique sera simplement un autre mode d’exploitation. Zazie dans le métro continuera de lire Belle du Seigneur.
En revanche, l’exploitation numérique des films a montré l’extrême fragilité du cinéma à l’égard des pirates. Les innombrables sites de téléchargement (dont le sous-titrage en russe ou en coréen ne décourage pas les internautes), d’échange ou de streaming, sans aucune rémunération des auteurs et des producteurs, sont en train de tuer la production et de transformer auteurs et comédiens en Âmes mortes.
Avoir lié la « fête de la librairie » à la journée mondiale du droit d’auteur prend alors tout son sens : ce qui menace le livre demain c’est le piratage, pas de nouvelles formes d’exploitation. Au contraire celles-ci lui apportent de nouveaux lecteurs et même pour certains créateurs d’autres façons d’écrire et de dialoguer avec leurs lecteurs.
En revanche, le pillage sans frein fait peser de graves menaces sur l’édition et particulièrement sur les petits éditeurs, qui fondent comme Peau de chagrin, alors que beaucoup sont seuls à prendre le risque de ne pas ronronner avec les tendances stars. Et sur les libraires, qui font ce métier magique de nous donner quelques bouffées d’imaginaire et le secret du Rêve, entre deux Mac Donald et trois Carrefour-Delhaize.
Le droit d’auteur est aujourd’hui en danger moins par manque d’outils juridiques pour combattre la contrefaçon que par l’absence d’effort dans l’éducation des jeunes. On n’apprend pas dans les écoles à naviguer sur le Net et, tel Achille dans l’Odyssée, à se méfier des sirènes, ni à faire aimer les auteurs comme on n’apprend toujours pas aux étudiants l’amour du cinéma ou de la littérature mondiale. Tant qu’à commencer leur Education sentimentale, on se plongera ce samedi dans Nabokov, né un 23 avril et dans Shakespeare et Cervantès dont on célèbre la mort ce jour-là.

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