UNE TRANCHE DE PISA

   Quelle idée saugrenue d’avoir publié les résultats de l’enquête Pisa sur l’état des connaissances de nos ados juste avant le passage de Saint Nicolas ! 

  C’est un peu comme le black Friday organisé fin novembre, qui a pour effet de tuer les soldes de janvier.

  Franchement, nos ados ne sont pas des champions de la lecture – ni des maths, ni des sciences. La Belgique occupe le dix-huitième rang de ce fameux classement, bien après les Estoniens, juste avant les Français, pas très futés non plus. 

  Si le grand saint a pris connaissance du document, que voulez-vous qu’il fasse ? Sinon renoncer à se glisser dans beaucoup de cheminées du royaume pour laisser la place à son méchant acolyte, le père Fouettard. 

Au lieu de chocolats et autres douceurs, les malheureux bambins vont recevoir des livres, journaux, revues, tous imprimés sur papier, bêrk ! juste ce qu’ils détestent. Lire est considéré comme une perte de temps par 40% des garçons (26 % des filles). Obliger les enfants à lire est autrement plus efficace que le fouet ! m’a confié Zwarte Piet.  

  Reste à sélectionner les bouquins du Père Fouettard. 

  Sous le titre « Le bonheur de lire », la Fédération Wallonie-Bruxelles publie une liste de recommandations qui changent habituellement des auteurs repoussoirs que certains profs s’obstinent  à imposer. Des livres qui leur feront découvrir le plaisir de lire – à condition que les enseignants renoncent à cette manie d’imposer aux élèves la rédaction d’une fiche de lecture. Laissez-les jouir ! 

Parmi les suggestions (qui feront aussi le bonheur des parents), Joyce Carol Oates, Gaël Faye (Petit Pays), passé avec talent du slam à ce témoignage très fort de son enfance au Burundi ou la splendide prose de la Nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, « Americanah » qui raconte avec dérision son arrivée et son séjour aux Etats-Unis. On retrouve aussi le superbe roman de science-fiction « apocalyptique », drôle, émouvant, passionnant « Station Eleven » de la Canadienne Emily St John Mandel et celui de Robert Charles Wilson, « Spin », qui décrit les effets de ce mystérieux filet qui entoure notre planète…

Bel exemple pour faire aimer la littérature que « La Reine des Lectrices » d’Alan Bennett ou comment la reine Elisabeth II s’est vue obligée d’emprunter un livre au bibliobus qui stationnait devant le cuisines de son palais… 

Fort heureusement, le polar est aussi à l’affiche, notamment avec la trilogie du Millenium de Stieg Larsson, celle sur le Berlin nazi du très britannique Philippe Kerr ou l’ « Epouse disparue » de Leif Davidsen, peut-être le plus passionnant auteur du Nord (pourtant ils se bousculent) qui souvent comme ici place ses intrigues dans une Russie en pleine déliquescence.  

Si, après ça, vos gniards préfèrent quand même chocolat et jeux vidéos, c’est à désespérer de l’avenir de l’humanité !

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PÈRE FOUETTARD 2.0

Avec la fin du vieux monde, la sentence cruelle mais inexorable est tombée : exit Saint Nicolas.

Le patron des écoliers a été jeté à la décharge, avec les magnétoscopes VHS, Mario Bros, Fellini, les cabines téléphoniques, le communisme et le fascisme, toutes ces gloires inutiles et démodées du siècle dernier. Attendez ! On me dit à l’instant que le vide-meubles refuse d’emporter dans le lot les partis politiques de jadis, même les pires. Dans le cadre du projet zéro-déchets, il paraît que le communisme et le fascisme peuvent encore servir dans le nouveau monde. Sursis donc pour les fascistes et les cocos. Mais pour Saint Nicolas, en revanche, c’est râpé…

Le monde ayant horreur du vide, il faut d’urgence le remplacer. Mais par qui ?

Théo Francken, qui s’est aussitôt proclamé l’ami des enfants sages, a posé sa candidature. Mais le premier ministre s’y est opposé. Déjà que le budget fédéral n’a pas bonne mine, alors ouvrir une nouvelle brèche en finançant chocolats et spéculoos, pas question. Erdogan, un moment sollicité vu que saint Nicolas était turc a considéré que devoir se glisser dans les cheminées du royaume était au-delà de sa dignité. Grand seigneur, il n’entend se déplacer qu’en tapis volant.

Ne restait, faute de mieux, que ce bon vieux Père Fouettard. Tels ces politiciens inoxydables qu’on croit cent fois morts et enterrés et qui renaissent toujours de leurs cendres, l’ancien second couteau du grand saint est de retour. Désolé, les amis.

On avait pourtant l’impression que le personnage avait été définitivement éliminé par la mode du politiquement correct depuis qu’on lui a interdit de se servir d’un fouet, de menacer les pauvres mioches méchants des pires tourments et de se grimer en Noir de carnaval.

Mais, revenu aux affaires, le Père Fouettard sait qu’il doit proposer du neuf pour coller à l’époque.

Au lieu de suivre son chef et son âne en roulant des yeux, drapé dans un vieux rideau, il va offrir aux enfants une version 2.0 de la fête.

Voici un avant-goût du programme du nouveau calife.

Pour les plus méritants, un gilet jaune clignotant et sonore afin de les préparer à la vie de citoyen du futur. Aux voyous, une solide décharge de Taser gun, méchamment plus efficace que le fouet d’antan – une bonne décharge électrique mais avec énergie douce pour avoir l’air branché.

Plus d’âne non plus, à cause des protestations de Gaïa. Ni de sucreries car des psychologues prétendent que des enfants gâtés préparent des adultes violents. Plus d’histoires inventées car on ne peut plus mentir aux petits pour ne pas les habituer aux fake news et aux promesses électorales.

Allez, Fouettard, encore un effort ! La magie, ça se travaille…

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