VOUS AVEZ DIT : MODERE ?

En 2003, la plupart des observateurs ont célébré l’arrivée au pouvoir de M. Erdogan à la tête de la Turquie. Enfin, un islamiste modéré, sorti des urnes, un exemple pour les autres pays musulmans, à peu près tous empêtrés dans des dictatures plus ou moins cruelles. Un modèle conciliant une foi tolérante, démocratie et modernisme. Treize ans plus tard, qu’est devenu le vizir modéré ? Il bafoue les droits fondamentaux, son armée continue à occuper un état souverain, Chypre. Il tient des discours choquants sur le rôle et la place des femmes dans la société, discrimine et massacre allègrement sa population kurde et il vend aux Européens les réfugiés syriens coincés sur son sol comme des marchandises proches de la date de péremption.

A l’époque, M. Erdogan appelait son voisin syrien, M. Assad, «  mon petit frère ». C’aurait dû nous donner la puce à l’oreille. Il est vrai que le fils cadet de Hafez el Assad venait d’être consacré président, après la mort de son père, par un référendum qui se voulait démocratique.

Encore un modéré au Moyen Orient ! s’écriaient joyeusement les observateurs juste parce que Bachar avait fréquenté les écoles laïques de Damas et une université à Londres où il avait rencontré sa future épouse, qui travaillait à la City.

Dans l’un de ses romans, Nelson De Mille fait dire à son héros qu’un islamiste modéré est un islamiste qui s’aperçoit que son arme est vide et qu’il n’a plus de munitions. Cette réplique est peut-être moins provocante qu’il ne paraissait…

Depuis ces pauvres « printemps arabes », où sont passés ces fameux dirigeants modérés ? Ces hommes et femmes prêts à ce « nouveau départ » annoncé dans son discours du Caire en 2009 par le président Obama et célébré deux ans plus tard par les manifestants de la place Tahir. Après, il y a eu l’arrivée au pouvoir après des élections libres des Frères musulmans, puis la reprise en mains de l’empire des pharaons par le général Sissi. Tous des modérés…

Les élections libres ne suffisent pas à fabriquer des dirigeants modérés. Encore faut-il s’entendre sur le sens du mot. Certains disent du premier ministre israélien, M. Netanyahou, que, comparé à plusieurs de ses ministres, il est un modéré. Même dans cette démocratie, où les partis au pouvoir se succèdent à la suite de véritables élections libres, le « modéré » est aussi à géométrie variable.

Y aurait-il une espèce de malédiction régionale qui donne à cet adjectif un sens aussi relatif – et aussi ironique ? L’influence d’un soleil trop brûlant ? Des terres trop abreuvées de dieux, de croyances, d’imprécations ?

Quelques signes inquiétants montrent qu’avec le réchauffement climatique, l’Europe est gagné par cette malédiction. La réaction de beaucoup de nos politiciens face à l’accueil des réfugiés syriens, blessés, dépouillés, permet de se demander où sont nos modérés ?

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APHRODITE PERD LE NORD

On a beaucoup parlé ces derniers jours de la crise bancaire à Chypre. Mais peu de la situation de ce pays mal connu. Toujours au service des plus curieux de nos lecteurs, voici quelques précisions oubliées par Wikipedia.

Chypre est un pays confédéral, c’est-à-dIre un régime politique incompréhensible dont la signification dépend de celui qui l’invoque. Disons que le confédéralisme à la chypriote désigne un état indépendant composé de deux républiques elles aussi indépendantes qui se tournent le dos et ne veulent rien avoir en commun même pas le café baptisé grec ou turc selon qu’on le boit en-deçà ou au-delà de la frontière linguistique. Un pays. Deux langues. Et des politiciens qui ne se comprennent pas.

Ils devraient prendre exemple sur la Belgique, un état composé de deux, de trois ou de quatre régions différentes, selon votre interlocuteur. On n’y parle pas non plus la même langue mais le nord et le sud se comprennent quand il s’agit de fixer le montant des impôts complémentaires, de commander du lait russe ou de la dame blanche et de se plaindre de la pluie glacée qui frappe indistinctement le nord et le sud avec la même furie.

Le sud de l’île est, d’après le nord, habité par des paresseux qui vivent de l’argent de l’Europe et qui célèbrent l’amour plutôt que le boulot. Ca tombe bien, la déesse Aphrodite est justement née, d’après la légende, dans le sud, sur un coin du rivage à l’époque sauvage et désolé, battu par le vent mais aujourd’hui protégé par le béton massif de banques russes.

Ils devraient prendre exemple sur les Belges. Le sud du pays est, d’après le nord, peuplé de paresseux qui vivent de l’argent de l’Europe et des Flamands et qui célèbrent l’amour du parti socialiste. Ca tombe bien. Le premier ministre Elio Di Rupo est né, selon la légende, dans un coin qui à l’époque était couvert par la masse des tours de chevalement des mines et aujourd’hui par des terrils sauvages et désolés battus par le vent.

L’économie du sud de l’île vit au-dessus de ses moyens grâce à des banques qui vivent des économies placées par des oligarques russes vivant au-dessus de la moyenne de leurs concitoyens. Lorsque le sud veut taxer ses épargnants, ceux-ci s’empressent de transférer leurs comptes des banques du sud vers celles du nord, qui les attendaient depuis longtemps.

La Belgique devrait prendre exemple sur Chypre. Et se fabriquer un petit confédéralisme à deux qui permettrait de garder les épargnants étrangers dans le pays. Si le sud se montre trop gourmand, le nord se fera accueillant. Et vice-versa. Tant que le pognon reste chez nous, la déesse Aphrodite ou Dieu-sait-qui veillera sur l’avenir de notre chère nation et de ses banques.

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