DANS QUEL ETAT J’ERRE ?

   Qui d’autre que Woody Allen pouvait parler de la vie de Woody Allen sans enflammer les réseaux sociaux ? A l’heure où l’on ne peut plus écrire sur une minorité sans en faire partie, il aurait été très incorrect qu’un Noir musulman ou une Chinoise bouddhiste publie une bio du cinéaste new-yorkais.

  Après covid 19, le mot le plus à la mode en cette triste année 20 est « racisé ». Dans les deux cas, un vocabulaire qui désigne la peur de l’autre, le repli. 

 La présidente d’Ecolo, Rajae Maouane (dont il est affreusement incorrect de dire qu’elle a le plus beau sourire et les plus beaux yeux des six ou sept parlements de notre pays) a fièrement proclamé qu’elle était « féministe et racisée ». 

A peine nommée, la nouvelle directrice du Rideau de Bruxelles, Cathy Min Jung, s’est empressée de rassurer la troupe : « Je suis la première femme racisée à la tête d’un théâtre belge ». Ouf ! On est soulagé ! On craignait l’arrivée d’une cosmopolite qui se dirait citoyenne du monde. 

Notez que la fière affirmation de Ms est étrange : que sait-elle de l’origine des autres femmes qui ont dirigé un théâtre en Belgique ? Peut-être n’ont-elles pas pensé, comme elle, à faire étalage de leurs ancêtres, de leur appartenance à Dieu sait quelle race. 

Tout au long du vingtième siècle, les gens intelligents ont lutté contre le concept de race qui a pourri l’Europe, ravagé l’Afrique et l’Amérique, justifié les camps d’extermination. Ils se sont battus pour enseigner à leurs enfants que la race est un concept imaginaire, inventé par les racistes. Pour brimer et briser ceux qui sont différents d’eux. C’est ce combat qui a vaincu le colonialisme. Or, voilà que certains enfants des brimés d’hier prétendent ressusciter « leur race » pour se séparer du reste de la race humaine. 

  « Ma négritude n’est point sommeil de la race mais soleil de l’âme » écrivait Léopold Sédar Senghor. 

  Il est désormais mal venu d’écrire, de dessiner, de filmer si l’on ne fait pas partie du même ‘groupe ethnique’. Faudrait revisiter les peintures pariétales. Et effacer celles sur lesquelles un homo sapiens a eu la bête idée de dessiner son cousin de Neandertal. Mettre dans les réserves des musées les « têtes de nègres » de Rubens et de Rembrandt, ranger au placard ces magnifiques romans (que vous pourriez récupérer pour l’été) : « Les Confessions de Nat Turner » extraordinaire portrait écrit par le Blanc William Styron d’une révolte d’esclaves noirs aux Etats-Unis, « Le Comte de Monte-Cristo », extraordinaire portrait de la société française écrit par le Noir Alexandre Dumas ou « La Grande Forêt », passionnant roman sur la guerre de Sécession vue par un officier juif sous la plume de l’écrivain sudiste Robert Penn Warren.

   Voir sa négritude, sa judaïtude, son arabitude et toutes les autres turlutitudes sous le regard d’un autre, quel beau moment de civilisation…    

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