UNE MAILLE A L’ENDROIT, UNE MAILLE A L’ENVERS

    Que ceux qui se lamentent parce que ce siècle va trop vite, qui se sentent noyés dans les vagues successives de gadgets numériques, qui ont l’impression d’être largués, que tous ceux-là se rassurent, les prochains mois vont les ramener quelques dizaines d’années en arrière. Retour vers le futur.  

Le premier ministre, Alexander De Croo, a promis en contemplant la mer depuis le quai de Zeebrugge que la note sera salée pour les cinq à dix prochains hivers. Et le président du Voka que « la neige sera noire » (un chantre du capitalisme qui est aussi poète). 

  Pourquoi ces discours alarmistes ? Cette tentation de se complaire dans l’apocalypse ? Suspension de la livraison du gaz russe, montée en flèche du prix du pétrole servent de prétextes aux prophètes de malheur alors qu’on devrait y voir la promesse de plaisirs anciens, injustement oubliés. Tenez. Que ceux qui gémissent de ne plus pouvoir se chauffer se réjouissent : revoilà le bon temps des tricots. 

Oui, qu’ils s’y mettent avant le début des frimas, une maille à l’envers, une maille à l’endroit. D’ici novembre, avec un peu de pratique et l’aide de ses mamies, il devrait être possible à chacun de se préparer un beau tas de pulls épais, un vrai trousseau, assez impressionnant pour défier les menaces de Vladimir Poutine. Vous nous coupez le gaz ? On s’en fiche. Nous, on a la laine fraîche. 

Et peu de danger que le président russe menace d’interdire les exportations de laine des moutons de chez lui. Des moutons, on en a autant qu’on veut chez nous. D’ailleurs, la Romanov (ces belles bêtes noires et blanches) a été introduite en France depuis plus de cinquante ans. Et le mouton Edilabaev vit au Kazakhstan à présent aussi indépendant que l’Ukraine et que l’armée russe, retenue ailleurs, n’a pas encore eu l’occasion d’envahir. 

Essayez de tricoter, vous verrez, c’est drôlement plus amusant que de flipper sur les réseaux sociaux. Mettez-y aussi votre marmaille. Vous ne saviez pas comment les occuper avec ces nouvelles vacances que la Ministre a eu l’idée saugrenue de leur offrir en novembre et février, juste quand il fait le plus froid ? Voilà une superbe occasion pour apprendre aux enfants de joindre l’utile à l’agréable. 

  Les rodomontades de Vladimir Vladimirovitch nous permettront aussi d’autres bonheurs remisés au placard, les veillées au feu de bois, les pieds enveloppés dans d’épaisses charentaises en avalant, bien sûr, du gros rouge brûlant à la cannelle pour réchauffer également l’intérieur. 

Si, malgré toutes ces initiatives, vous claquez encore des dents, ne vous en faites pas, le réchauffement climatique fera bientôt ressembler la Belgique à l’Arabie, un pays où l’on a du pétrole mais où on ne sait quoi en faire.   

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