SMALL IS BEAUTIFUL

Une information importante est passée un peu inaperçue cette semaine au milieu du tohu-bohu général, la rencontre entre le nouveau ministre de l’intérieur, Guido De Padt, et les quatre syndicats représentatifs de la police. A l’issue de leurs conversations, ces charmants jeunes gens ont décidé de maintenir le règlement qui fixe à 1 m 52 la taille minimale pour entrer dans la police.
Après tous les ratés de ces derniers mois (accord boiteux à Fortis, échec des négociations communautaires, naufrage du budget et autres joyeusetés), voilà enfin une décision qui réconciliera les citoyens avec le gouvernement fédéral. Il faut dire que monsieur Reynders n’y est pour rien.
Face à une population qui grandit à chaque génération, surtout les brutes, les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre (que la crise sociale et économique va multiplier) risquent en effet de tourner à la déroute de nos pauvres agents. Sauf, justement, si les grandes gueules se trouvent soudain face à des mini-flics, mobiles, imprévisibles, capables de leur casser les pattes, mordre leurs mollets et leur péter la rotule. S’ils s’enduisent en plus le corps d’huile, ces super flics seront insaisissables.
Autre idée pour déconcerter des manifestants un peu nerveux : placer deux mini flics l’un sur l’autre, pour en faire un géant, comme ceux qu’on promène ces jours-ci dans les villes de Wallonie. Quatre poings jaillissant de la pèlerine prouveront qu’un flic peut en cacher un autre.
L’idée pourrait être étendue à d’autres professions. Permettant de sauver des emplois. Car un grand professionnel peut être remplacé par trois, voire quatre petits. Pour conduire un camion, un chauffeur se chargera des pédales et un autre du volant, pendant que le troisième actionnera les vitesses et le dernier s’occupera du café.
En politique, cette idée fera des heureux : si la taille des députés est limitée, leur nombre pourra être multiplié par deux sans modifier la grandeur de l’hémicycle. Cela permettra aussi aux ministres, soumis à un calendrier d’enfer de se faire remplacer : s’il y avait trois petit Reynders au lieu d’un grand, chacun d’eux aurait pu se partager les terribles chantiers qu’un seul a dû affronter. La règle a ses limites : imaginer quatre mini-Lizin au lieu d’une a de quoi donner le frisson…
La nature n’a-t-elle pas montré l’exemple, en faisant disparaître les grands monstres qui jadis peuplaient la planète ? Si les dinosaures se sont transformés en oiseaux, l’homme peut devenir fourmi. Une solution ingénieuse pour sauver la planète, soit dit en passant.

Alain Berenboom
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RADIO TELE EN FEVRIER

LE ROI DU CONGO EN RADIO

Samedi 21 février sur Musiq’3 dans Hamlet à 9 h 15 et 10 h 30

Lundi 23 février de 9 h 10 à 10 h. dans « Bonjour quand même » Alain Berenboom en direct sur la Première de la RTBF avec Corinne Boulangier

LE ROI DU CONGO EN TELE

Mardi 24 février à 22 h 45 sur la DEUX, RTBF,
dans « Mille Feuilles » avec Thierry Bellefroid

SAINT VALENTIN

A l’heure des familles recomposées, on ne fête plus tout à fait la Saint Valentin comme jadis.
Maintenant, les couples, se font, se défont et se refont selon des ordres et dans des désordres parfois byzantins. Un exemple au hasard, chez les Fortis, tenez, nos voisins qui tenaient jadis le haut du pavé.
Quelle aventure ! Après avoir largué monsieur Maurice, madame F. s’était donnée à monsieur Didier, un homme chic mais qui n’a pas beaucoup de temps et qui l’a jetée dans les bras de monsieur Baudouin, un homme bien, genre beaux quartiers de Paris, avec des crolles grises, un prénom rassurant et un sourire économe.
L’amour, l’amour, c’est très beau mais il ne faut pas oublier les enfants dans le placard, sinon ils ruent dans les brancards !
A l’époque où ils étaient petits, je me souviens comme les Fortis étaient fiers de leurs lardons! Et puis, ils ne le disaient pas, mais leurs enfants leur rapportaient beaucoup d’allocations familiales. Sans oublier le petit Chinois que le couple a adopté il n’y a pas très longtemps, vu qu’il y avait une prime à la clé et que les allocations ne suffisaient plus à assurer leur train de vie. Les vieux couples, ça s’habitue au luxe. Et ça n’oublie pas que le code civil impose aux enfants de prendre en charge leurs chers parents dans le besoin.
Mais voilà, les enfants, au fond, n’aiment pas la saint Valentin. En tout cas, celle de leurs parents.
Chez les Fortis, ils avaient organisé une grande party pour célébrer les nouvelles amours de madame F. et de monsieur Baudouin. Même que monsieur Didier, pas bégueule, avait accepté de venir à la fin de la réception pour lever son verre de champagne français en l’honneur du couple. C’est qu’il doit montrer sa tête dans les fancy fairs vu qu’il est en campagne. Mais les enfants, une fois encore, ont gâché la fête. Alors que le duo d’amoureux s’échangeaient des mots doux, des lingots d’or et des baisers ardents, voilà que les enfants se sont mis à les bousculer, les invectiver et, comme s’ils n’avaient pas fait assez de dégâts, à révéler leurs secrets de famille les plus honteux. On se serait vraiment cru dans « Festen », le film de Thomas Vinterberg.
Bref, la cassure bête et brutale. Monsieur Baudouin est rentré à Paris avec ses crolles de plus en plus grises et son sourire de plus en plus économe, monsieur Didier s’est esquivé sur la pointe des pieds. Et madame F, la pauvre, a fini la Saint Valentin à ramasser, toute seule, les serpentins, les cotillons, et à essuyer la colère qui avait dégouliné sur la moquette. Mais elle continue de croire à l’amour. Sauf que la prochaine fois, elle le vivra caché. Loin des marmots.

Alain Berenboom

EN FEVRIER-MARS

Chez Filigranes, le 14 février à 16 h.
A la FNAC, le 28 mars à 15h.
A la Bibliothèque de Boitsfort, dans le Centre Delvaux, place Keym à Boitsfort, le 28 mars à 10 h. présenté par Anne-Michèle Hamesse, en compagnie de Michel Joiret

Ces rencontres sont organisées autour du roman « Le Roi du Congo » qui vient de paraître.

A quoi ressemblait le Congo belge en 1948 ? Je n’en sais rien. Je n’étais qu’un bébé à l’époque et mes parents, venus à Bruxelles de leur lointaine Pologne, n’avaient pas fait le détour par l’Afrique. J’ai donc inventé un décor exotique fondé sur les images, les films et les chansons de mon enfance, « Tintin au Congo », « Bwana Kitoko » (le voyage du roi Baudouin dans la colonie) ou « Bouboule 1er, roi des nègres » (avec Georges Milton), sans oublier les boîtes de Banania qui trônaient sur la table du petit déjeuner. Des images soi-disant innocentes mais qui en disent long sur un passé qui ne passe pas, comme le montre une cruelle actualité.
Après avoir lancé mon détective privé explorer le Bruxelles trouble de 1947, j’ai eu un plaisir pervers à envoyer Michel Van Loo, faux limier plutôt couard, dans la colonie en pleine guerre souterraine de l’uranium, où personne n’est tout à fait blanc, ni tout à fait noir. En compagnie de trois pygmées hilares et débrouillards, les véritables héros de l’aventure.

Alain BERENBOOM

UN HOMME MORDANT

Personne n’a jamais réussi à répondre à cette question faussement simple : peut-on rire de tout ?
Pierre Desproges s’en est tiré par une pirouette. On peut rire de tout mais pas avec tout le monde. Encore faut-il comprendre Pierre Desproges. Ce ne semble pas le cas du très limité sénateur Front (bas) national Michel Delacroix qui a traduit à sa façon le précepte desprogien en faisant pour ses amis (seulement pour ses amis, croyait-il) l’apologie de l’extermination nazie sur l’air de « l’eau vive » du pauvre Guy Béart. Comme l’un de ses amis était un traître, l’élu du peuple s’est retrouvé tout nu –et ce n’est pas beau, pas tellement plus beau et surtout pas plus comique que les très bonnes blagues de Jean-Marie Le Penn et de Dieudonné.
L’humour juif semble décidément à la mode ces temps-ci. Voilà que le service public de télévision flamande plonge à son tour dans le vivier.
A voir l’émission « Man bijt hond » (L’homme mord le chien), on peut penser que la Flandre est désormais gouvernée par un nouveau cartel, Vlaams Belang et NV-A (tendance Bart De Wever qui avait critiqué le bourgmestre d’Anvers parce qu’il avait présenté les excuses de la Ville à propos du comportement des services administratifs et policiers pendant la guerre). Et que la VRT en est devenu son porte-parole officiel.
Réagissant aux critiques suscitées par les déclarations du ministre Anciaux, champion des à peu près populistes, qui avait comparé l’armée israélienne au tueur de Termonde, la VRT s’est ému de ce que « les Juifs » sont fâchés sur le si brave Bert et elle a fait la liste de ceux contre lesquels « les Juifs ne seraient pas encore fâchés » : les amitiés judéo-américaines, la Bourse du diamant. Et défilent les images de juifs pieux en vêtements hassidiques, de personnalités juives anversoises, mais aussi de montres Rolex et de voitures Rolls Royce. De la critique de la politique israélienne, la VRT est passée sans vergogne, à celle des Juifs dans leur ensemble avec l’utilisation de tous les clichés y compris (surtout) l’argent.
« Je me demande si cela pourrait se produire sur une autre émission publique en Europe » se demande effaré le député VLD d’Anvers Claude Marinower (administrateur de la VRT). C’est le cinquième dérapage de la VRT en trois mois sans que les milieux politiques flamands ne s’en émeuvent.
Charlot, Laurel et Hardy, Mr Bean mais aussi Sempé, Goscinny ou Hergé, Tati, Westlake, Labiche, Evelyn Waugh ou Vonnegut ont démontré que l’on peut faire rire le monde entier. Les mêmes gags, les mêmes subtilités arrachent le même sourire à Hollywood et à Bombay, à Tel Aviv, à Anvers et à Bagdad, aux enfants comme aux adultes. Faudra-t-il parler désormais de l’exception culturelle du service public flamand ?

Alain Berenboom
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L’OPIUM DU PEUPLE

Jadis, la Russie soviétique et la Cuba castriste partageaient la même haine de l’opium du peuple. Curés, prêtres et autres gens de robe devaient se tenir à carreau pour échapper à la persécution. Puis, il y eut la grande cassure, la chute du mur et de tout l’empire soviétique. Sur les ruines de l’empire, on vit Eltsine puis Poutine, devenus plus catholiques que le pape, si l’on ose dire, parader avec les représentants de l’église orthodoxe. Et le pape Jean Paul II se précipiter dans la patrie du communisme tropical pour serrer dans ses bras Fidel, redevenu soudain fils bien aimé de l’Eglise.
Chacun semblait avoir choisi son camp. A ma droite les Russes, flattant les dignitaires orthodoxes de Moscou; à ma gauche, Cuba, séduisant le pape de Rome. Tous deux se tournant le dos.
En quelques mois, Cuba, lâché par ses anciens protecteurs aurait sombré économiquement si le fan-club de Neckermann ne s’était précipité à son secours. Indifférente à son ancienne colonie, la Russie avait d’autres chats à fouetter que les cannes à sucre et les bases militaires de l’Amérique tropicale.
Or voilà que La Havane et Moscou viennent de renouer spectaculairement leurs relations. Une flottille militaire russe est revenue mouiller près de la capitale cubaine, tandis que Raul Castro part pour une semaine exhiber son bel uniforme vert bouteille dans la capitale russe.
Mais, quoi de plus symbolique pour marquer ce rapprochement que cet événement, passé trop inaperçu : l’inauguration de la première église orthodoxe de l’île par le nouveau patriarche de Moscou et de toutes les Russies, le métropolite Cyrille ?
Pourquoi Moscou s’intéresse-t-elle à nouveau à la petite île américaine ? Pour le sucre ? Non, merci, celui de Tirlemont est mieux emballé. Pour la base militaire ? Guantanamo va être vidé de ses terroristes, malgré les protestations de Anne-Marie Lizin, mais elle ne sera pas avant longtemps en état de remplacer les camps de Sibérie (la base, pas Lizin).
Non, ce qui fait revenir les Russes à La Havane, c’est Dieu. Jadis, pour faire ami-ami avec Moscou, il fallait embrasser la faucille et le marteau, cracher sur la bible et agiter les photos de Marx, Lénine et de leurs étranges rejetons, Brejnev et consorts. Maintenant, le dernier chic, c’est d’exhiber des prêtres barbus (ça tombe bien !), dresser la croix et admirer Jésus (un barbu, encore) et ses étranges rejetons, Poutine et consorts.
Les voies du seigneur sont décidément impénétrables. Il est un peu paradoxal que Dieu ait soufflé à Poutine le tuyau pour revenir à Cuba plutôt qu’à G.W Bush, qui était pourtant en permanence branché sur sa ligne.

Alain Berenboom
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LE SILENCE EST D’OR

Si l’on peut regarder Titanic sur son téléphone portable, pourquoi s’enfermer au musée du cinéma, rebaptisé désormais Cinematek ?
Au hasard :
– pour descendre du tram 94, dévaler les escaliers de la rue Horta et découvrir toute la magie de Brussels by night et ses femmes entre chien et loup ;
– pour faire glisser mon vélo le long des goulottes qui serpentent jusqu’à l’entrée de la Cinematek et l’abandonner à un Ladri di biciclette ;
– pour frissonner quand mon amie me susurra à l’oreille Kiss me, stupid ! pendant que Dean Martin crève l’écran ;
– pour me chauffer dans ses nouvelles salles obscures pendant que Bruxelles grelotte (certains l’aiment chaud !)
– pour entendre le pianiste improviser pendant la projection d’un film muet, soulignant le charme vénéneux de Louise Brooks et l’étonnante ressemblance de Harold Lloyd avec le roi Baudouin. Ne tirez pas sur le pianiste !
– pour faire le tour du monde en quatre-vingt jours ;
– pour m’esclaffer avec toute la salle parce que Laurel et Hardy s’échinent à monter un piano par un étroit escalier ;
– pour admirer Gene Kelly, plus mouillé qu’une loque à reloqueter, danser Chantons sous la pluie pendant que dehors, le soleil brille ;
– pour traverser le parc de Bruxelles, en sortant de la salle, et croiser Yves Leterme, assis sur un banc, contemplant le 16 rue de la loi, un fol espoir dans les yeux. La Grande Illusion.
– pour sortir de mon Lit et me glisser dans celui de Marion Hänsel ;
– pour boire une gueuze grenadine, sitôt le projecteur éteint, et retrouver l’univers de Bossemans et Coppenolle toujours vivant à la Mort subite ;
– pour ne plus me heurter au bâtiment monstrueux que la Fortis a érigé juste en face du palais de Victor Horta. Prends l’oseille et tire-toi !
– pour faire la nique au pathétique Godefroi de Bouillon glacé, là-haut sur la place royale, à la recherche du Sacré Graal des Monthy Python ;
– pour renoncer durant deux heures à l’Obamania. Mais vive America, America !
– pour jouer à nouveau aux Indiens et aux cow-boys et à Duel à OK Corral ;
– pour rencontrer l’homme qui en savait trop, seul expert capable encore de sauver les banques belges et l’or de Naples ;
– pour voir l’Homme au bras d’or défier l’Homme qui tua Liberty Valence, sous les yeux de Mr Nobody;
– pour croiser la spumante Claudia Cardinale dans les escaliers, venue présenter La Fille à la Valise ;
– pour échapper au fils Daerden en me réfugiant dans les bras de Lorna ;
– pour consoler la Femme qui pleure ;
– pour le goût du saké et le parfum des petites marguerites ;
– pour rencontrer le fantôme de l’opéra qui hante désormais les lieux depuis les salles sont descendues dans le sous-sol ;
– pour me trouver à un jet de pierre de l’Homme qui voulut être roi. Noblesse oblige.

Alain Berenboom
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TROP MONOPOLY POUR ÊTRE HONNÊTE

Le Monopoly change d’époque : aujourd’hui on n’achète plus de terrains, de maisons ou d’hôtels (ne parlons même pas d’actions.) Quand on n’a rien à faire de son argent, on s’offre un pays. C’est ainsi que les Lettons supplient le milliardaire russe Roman Abramowicz d’acheter leur pays, au bord de la banqueroute. L’idée est moins sotte qu’il ne paraît. Songez à la paix si Gaza devenait le cinquante-deuxième état américain.
Et B.H.V. ? Vendue au Liechtenstein, sa fortune serait assurée. Bien sûr, on n’y parlerait plus qu’allemand mais, enfin, quand on compte, on ne cause pas beaucoup.
Pour renflouer les caisses de l’état, Herman Van Rompuy pourrait jouer la banque et tenter de racheter le Congo. Pas de bol ! Il n’est pas le premier à y songer. Il devra même négocier en chinois. Mais, c’est toujours plus facile que de parler le volapük belge institutionnel, où il a déjà perdu son latin.
En France, la cause est entendue et les contrats signés, si l’on croit le Figaro Magazine, pourtant très proche de la cour : rois du pétrole, milliardaires russes, capitalistes chinois et tycoons indiens (qui valent mieux que deux tu l’auras) ont subrepticement déjà raflé la mise et les bijoux de famille de la république. Dans quelle langue Sarkozy avale-t-il cela ? L’hebdo ne le dit pas. Et Martine Aubry a d’autres chattes à fouetter.
Pour sauver notre avenir (et celui du capitalisme), on nous exhorte à consommer. Mais on n’avait jamais pensé si gros. Remarquez : la civilisation progresse. Dans le temps, quand on voulait s’emparer d’un territoire, on le raflait à la pointe de la baïonnette. Aujourd’hui, non seulement on passe à la caisse mais on fait la file. A Madagascar, des pans entiers de l’île sont aux mains de qui les paye. On peut s’offrir une province, voire plus si affinités.
On peut enfin rêver. Guy Verhofstadt et Karl de Gucht ne se sont offert qu’une modeste chaumière toscane. Pourquoi ne pas racheter toute l’Italie ? Les Français et les Hollandais ne viennent-ils pas de mettre la main sur Alitalia ? Restent les plages, les Pouilles et le Pô. Ainsi que Rome, Naples et Venise (quelques travaux à prévoir mais eau à tous les étages). Bien sûr, certains locataires sont tonitruants (ne dites pas à haute voix : tony truand) et Berlusconi and coni ont un bail en or massif. Mais la vue vaut les inconvénients.
Et pourquoi l’Italie quand on peut acheter l’Amérique ? Les géants de l’automobile en perdition, les banques en chute libre, l’immobilier à vendre. Avec un bon petit crédit bancaire à la belge, garanti par l’état et Didier Reynders, il ne doit pas être impossible, en ces temps de soldes, de voir grand. Yes, we can !

Alain Berenboom
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LES ROIS E-MAGES

Au temps où la télé règne sur nos consciences et nos intelligences, faut-il regretter d’être privé de l’essentiel des images de la guerre entre Israël et le Hamas ? Protester parce qu’un rideau de plomb (durci) occulte le champ de bataille ?
Jonathan Coe, dont le fabuleux roman « Testament à l’Anglaise » traçait le portrait ravageur et impitoyable de l’Angleterre thatchérienne vient de reconnaître dans une interview au Magazine littéraire l’échec du projet politique de son livre et sa désillusion sur le pouvoir de l’écrivain : « En écrivant ce livre, je pensais inconsciemment que tous mes lecteurs se rangeraient à mon point de vue. J’ai depuis compris le caractère illusoire de ce présupposé. Le lecteur résiste toujours à ces tentatives de conversion ».
En est-il de même de l’image ?
Dès le début du cinéma, la propagande s’est emparée des écrans. Mais, Eisenstein, malgré l’extraordinaire puissance des ses gros plans et de ses travellings, a-t-il entraîné un seul spectateur réticent à adhérer à la cause communiste. Et s’est-il trouvé beaucoup de citoyens pour descendre dans la rue et huer Daladier ou Chamberlain, rentrant de Munich où ils avaient signé un pacte stupide avec le diable, alors que les actualités montraient tous les jours que l’homme avec lequel ils avaient fait ami-ami était décidé de rayer la race humaine de la terre ?
Que savons-nous vraiment de la guerre, de ce qui se passe au front ? Les images les plus atroces de la seconde guerre mondiale sont sorties après la fin des hostilités. De la première guerre mondiale, il n’y a pratiquement pas d’images des assauts meurtriers et des preuves enregistrées de l’imbécillité de ceux qui l’ont menée. Tout a changé ? Qu’a-t-on vu des massacres de Tchétchènie et du Congo, des génocides du Cambodge et du Rwanda. Et même de la guerre d’Irak, où les journalistes avaient été instrumentalisés. Et il y a bien d’autres explications que le formidable travail des cameramen pour le retournement (tardif) de l’opinion publique américaine sur la guerre du Vietnam. Une image, c’est vrai, peut électriser l’opinion publique : le premier drapeau hissé par les troupes soviétiques à Berlin (pure mise en scène), celui des Américains à Iwo Jima (Clint Eastwood a montré l’instrumentalisation du cliché), le massacre de Timisoara qui justifiait l’exécution de Ceausescu (un faux).
Que nous montrerait les images de Gaza que ce que nous savons déjà, haine, misère, souffrance ? Et intolérance dans les deux camps ? Il y a un danger de se laisser fasciner par l’image, de ne s’en tenir qu’à la « force » de l’image et de perdre toute faculté d’analyse, de raisonnement.
Mais, dans l’état actuel des choses, me direz-vous, à quoi sert le raisonnement quand tout semble perdu pour tous les acteurs du drame ?

Alain Berenboom
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