28 FEVRIER 1986, 23 h. 21

Le 28 février 1986, à 23 h. 21, le premier ministre suédois, Olof Palme a été abattu au coin de Sveavägen et de Tunnellgatan à Stockholm. Au bout de la rue, il y a une butte au sommet de laquelle on accède par deux escaliers. C’est par là que s’est enfui l’assassin. On ne l’a jamais retrouvé. Le crime impuni laissera autant de cicatrices, d’interrogations, de doutes dans la société suédoise que celui des tueurs du Brabant wallon chez nous. L’homme arrêté par la police et qui a toujours nié sa participation sera acquitté. Comme « notre » bande « des Borains » après un procès d’assises mort-né. Et, comme pour les tueurs du Brabant wallon, on soupçonne l’extrême droite d’être liée au meurtre de Palme.
Dans son dernier (et excellent) roman, Les Chiens enterrés ne meurent pas (édition Gaïa), Gunnar Staalesen écrit qu’il y a une Suède d’avant et d’après le 28 février 1986. Le changement a été aussi radical que celui provoqué par la mort de Kennedy (avec lequel on a parfois comparé Palme, chantre de la paix, incarnation de la social-démocrate scandinave idéale).
La vitrine de la social-démocratie s’est fissurée, le rêve a laissé place à quelques cauchemars. Comme à peu près pour tous les autres partis socialistes d’Europe. Et en Scandinavie, on entend d’inquiétants accents néo-nazis (on a oublié un peu vite l’importance en Norvège et en Suède de la collaboration de certaines « élites » avec le Reich pendant la seconde guerre mondiale). Pour la première fois depuis la fin de la guerre, des mouvements d’extrême droite se réinstallent sans honte dans le paysage politique (s’il faut croire des romanciers comme Stig Larsson ou H. Mankell, même si ces beaux pays comptent par ailleurs tant de gens civilisé et délicieux).
Dans une partie de l’Europe, on l’appelle pudiquement la droite extrême quand elle sert de marche pied pour un parti traditionnel en quête de majorité et de pouvoir comme en Italie, au Danemark, aux Pays-Bas ou encore en Autriche, pour parler de nos extrêmes voisins. Il faut laisser aux partis démocratiques flamands d’avoir réussi à écarter le Vlaams Blok-Belang des gouvernements malgré la pression des électeurs depuis près de vingt ans.
Avec les nouvelles élections qui se profilent en Hollande, on peut craindre que nos voisins, qui ont incarné, comme les Suédois, l’image de la tolérance, de la démocratie et de la solidarité jadis, plébiscitent Geert Wilders et son parti de la Liberté (ah ! ah ! ah !), qui ont récupéré les restes du parti du cynique Pim Fortuyn et lui permettent de se retrouver en position de faiseur de roi – et de reine.
De Palme à Wilders ou une certaine façon de suivre l’évolution de l’histoire de l’Europe, si on n’y prend garde…

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