TOUT EST NORMAL

La semaine passée avait commencé de façon bizarre. Précédé par un escadron de motards, le nouveau président français a fait arrêter voiture et escorte en attendant que le feu passe au vert. Pendant ce temps, la capote de sa limousine relevée, il affrontait les éléments déchaînés  en agitant les bras pour saluer la foule alors que ses lunettes dégoulinant d’eau l’empêchaient de voir que personne ne s’était attardé sur les trottoirs, sinon un chien qui croyait que le grand geste de M. Hollande annonçait l’envoi d’un su-sucre.

Et si le feu était resté rouge ? Nul n’est à l’abri d’un court-circuit sous la tempête. Qu’aurait fait le président normal ?

L’Europe ressemble singulièrement à cette image paradoxale. Des dirigeants errant comme des poules sans tête. Ils veulent à la fois sucrer les dépenses publiques et les accélérer et s’étonnent que leur véhicule ne bouge pas. Mais aucun d’eux n’est fichu de descendre de l’auto pour donner un bon coup de pied pour débloquer le feu.

Un président « normal » ne donne pas de coups de pieds. Il ne met pas les mains dans le cambouis. A chacun son job. Il ne bouge pas en attendant les techniciens d’EDF ou de Dieu sait qui. Combien de temps ? Le temps qu’il faudra. Une heure, un jour, un an. Comme lui, l’Europe reste immobile dans la drache, en priant pour que les Américains viennent débloquer le bazar et, au passage, changent la météo. Normal : ce sont toujours les Américains qu’on appelle en cas de panne. En leur rappelant, une fois les réparations terminées, que ce sont eux qui ont causé le court-circuit. Excellent prétexte pour ne pas payer la facture.

Pendant ce temps, en Serbie aussi, les électeurs ont choisi l’alternance. Et envoyé au pouvoir Tomislav Nicolic. Surnommé « le fossoyeur », ce sympathique camarade a été le  meilleur collaborateur de Vojislav Seselj. Cet ultranationaliste serbe est enfermé aujourd’hui dans les prisons de Hollande en attendant son procès pour crime contre l’humanité, notamment pour sa participation à l’épuration ethnique pendant la campagne de Croatie.

A l’annonce du résultat, comment ont réagi les dirigeants européens ? Ils ont félicité Hollande. Alors, ils applaudissent Nicolic. C’est la démocratie. Le peuple a toujours raison, vous connaissez la chanson. Les Grecs n’arrêtent pas de la reprendre en chœur. D’ailleurs, l’Europe ne se mêle pas des problèmes intérieurs des états. Du moment que le nouveau président serbe s’est prononcé pour l’Europe. Il est donc des nôtres. Il peut prendre place devant le feu rouge comme les autres. Ce qui en fera un président normal à son tour. Pas moins normal somme toute que le patron de la Hongrie. Et, demain à qui le tour ? Vous trouvez ça normal ?

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ANNONCES

  • Le 25 mai de 16 à 17h sur la RTBF la Première, Alain Berenboom est l’invité de l’émission ON N’EST PAS RENTRE !
  • Le 26 mai à partir de 18h30, Alain Berenboom participe à la soirée organisée à BOZAR pour le lancement du Festival Etonnants Voyageurs de Saint Malo, où la Belgique et Haïti sont invités d’honneur. Cette soirée se déroule notamment avec la fille de Jacques Stephan Alexis, Denis Laferrière, Colette Brackman, et bien d’autres invités du Festival.
  • Le mardi 29 mai à 18h15 à la Librairie FILIGRANES, Alain BERENBOOM présentera son nouveau roman, La Recette du Pigeon à l’Italienne, avenue des Arts 39-40 avenue des arts (entre Loi et Madou), en compagnie de Jean-Claude ZYLBERSTEIN, fondateur de la collection « grands détectives » chez 10/18, éditeur (10/18, Robert Laffont et Tallandier.
  • Le 12 juin à 20h, Alain Berenboom présente La Recette du Pigeon à l’Italienne, à la librairie Le Divan (librairie Gallimard) à Paris, 203 Rue de la Convention  Paris 15ème, tél.: 01 53 68 90 68

 

LA PETITE BÊTE IMMONDE,  IMMONDE

Connaissez-vous la romancière britannique (d’origine bangladeshi) Monica Ali ? Lisez donc « En cuisine » (Belfond). Vous me remercierez. Le roman dresse un portrait de l’Angleterre d’aujourd’hui, vue depuis la cuisine très cosmopolite d’un grand restaurant de Londres. Une Angleterre qui ressemble à un waterzooi indigeste mitonné par Margaret Thatcher, recuit par Tony Blair, qu’un David Cameron doit servir, les fesses serrées, à un représentant du guide Michelin.

C’est de ce roman que j’extrais ces répliques d’un personnage, parlementaire travailliste.

« Notre identité britannique est pareille à notre économie, déréglementée à l’extrême. C’est un vaste marché d’idées et de cultures, dont aucune ne l’emporte sur les autres. » Et encore : « Bien sûr, le sentiment d’appartenance à une nation se fonde en partie sur le constat : « Nous sommes  différents d’eux. » Mais, voyez-vous, ce qui est intéressant c’est la façon dont l’idée de citoyenneté britannique est devenue aujourd’hui synonyme d’identité neutre, dénuée de valeurs – une non-identité si vous voulez. Un vide. »

Coïncidence : je lisais le beau roman de M. Ali au moment où paraissait le dernier sondage de La Libre Belgique et de la RTBF sur les intentions de vote en Flandre. En me disant qu’une fois de plus, la réalité dépassait la fiction.

Plus de 50 % des voix se porteraient sur la N-VA et le Vlaams Blok, les deux partis qui militent pour enfermer la Flandre derrière de hautes murailles protectrices de leur soi-disant identité. Avec à la porte, une plaque : « entrée réservée aux vrais Flamands ». Pour séduire tous les petits oisillons de souche que la mondialisation et la crise ont plongés dans le désarroi.

La petite bête immonde, immonde s’est toujours nourrie du chaos. Les Grecs croient malins de se faire peur en élisant les descendants de ceux qui ont massacré leurs parents et ruiné leur pays. Après les Hollandais, Danois ou Autrichiens, sans parler de la récente vague bleu marine censée nettoyer la France de ses mauvais politiciens.

La citoyenneté « flamande » proposée par de Wever et Dewinter est aussi vide de sens, de projet et d’avenir que les tremolos bleu, blanc rouge de la famille Le Penn.

Cependant, ils sont les seuls à répondre à l’interrogation identitaire des électeurs mais par un modèle de pensée unique, caricatural (comme le montre le guide du Flamand idéal concocté par G. Bourgeois). Tout affairés à colmater les brèches creusées par la crise économique, les autres partis belges ont oublié que pour faire face à la mutation du monde, les citoyens n’ont pas seulement besoin d’une réponse économique et sociale. Ils rêvent aussi de modèles culturels et de clés pour déverrouiller l’opacité du nouveau monde.

 

 

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COMPOTE

Il a fallu attendre les derniers jours de la campagne présidentielle française pour découvrir enfin François Hollande. Le vrai. Pas cet ectoplasme raide, exhibé sur toutes les chaînes de télé depuis des mois, portant un costume gris dont il a oublié d’ôter le porte-manteau, une cravate sombre, une chemise sinistre, qui lui donnent l’allure de son double en cire sorti tout droit du musée Grévin.

Grâce à V.S.D. et à Voici, on sait maintenant ce que fait le nouveau président lorsqu’il est débarrassé de toutes contraintes, serrages de mains, réunions de travail, dîners protocolaires, interviews, apparitions en compagnie de ses amis politiques qui se sont foutus de sa tronche pendant des années et qu’il est obligé de traiter publiquement de potes, quand il ne doit pas se maquiller, sourire sur commande ou se forcer à rester de marbre. Oui. Que fait M. Hollande, seul, face à lui-même ?

Giscard lisait Maupassant (feuilletez Bel Ami et vous réclamerez le retour de Giscard !), Mitterrand se faisait tirer les cartes par une voyante avant d’aller errer pas dans les cimetières et Chirac goûtait aux délices des artistes orientaux.

Les goûts du nouveau président sont très différents de ceux de ses prédécesseurs: son rêve à lui, c’est pousser un caddy dans les allées d’une superette. Il aime assez ça, a-t-il confirmé.

On ne va pas lui reprocher ce petit plaisir. On comprend qu’il parcourt, les lèvres humides, les étals de son Carrefour, dégoulinants de mets magnifiques dont il se prive depuis qu’il est candidat afin d’afficher la taille mannequin de Sarkozy. Dans la cinquième république, impossible pour un petit gros d’accéder à la fonction suprême. Voyez l’échec d’Alain Poher ou de Raymond Barre.

Ne lui reprochons pas non plus préférer la compote de pomme (en morceaux, a-t-il précisé) à un bon livre ou aux estampes de Hokusai.

Mais ce qu’on ne peut pas lui pardonner, c’est d’avoir choisi d’acheter et de faire la promotion de la compote en pot. En pot ! D’accord sa compote est fabriquée, comme par hasard, par un de ses amis industriels qui construit justement un nouveau site à Brive, dans son fief électoral. Une excuse qui n’est qu’une faute de goût.

Ou alors, le pauvre François n’a pas assisté comme moi à la cérémonie magique d’une maman qui pèle d’un couteau habile de belles pommes aussi rouges et saines que les joues d’une paysanne flamande chez Breughel. Il n’a pas sucé les épluchures, croqué les petits morceaux tout frais restés sur le journal. Il n’a surtout pas longuement laissé fondre dans sa bouche la compote encore chaude, mêlant le goût des pommes à celui de la cannelle et d’un peu de citron.

S’il n’y prend garde, cette compote en pot sera pour Hollande ce qu’a été pour Sarkoy la soirée du Fouquet’s.

 

 

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LA DEUXIEME VIE DE NICOLAS S.

Et si d’aventure Nicolas Sarkozy n’était pas réélu président ce dimanche ?

Pendant la campagne, il avait annoncé la couleur : si je ne suis plus président, je laisse tomber la politique, a-t-il lancé crânement. Comme on dit : retenez-moi ou je fais un malheur ! Mais si, malgré cette terrible menace, un C4 en bonne et due forme l’attendait lundi matin dans sa boîte aux lettres, que ferait Sarkozy ?

Ayant reculé l’âge de la pension, pas question pour lui de prendre une retraite dorée aux côtés de ses prédécesseurs, Giscard et Chirac. De se retrouver coincé entre deux pépés, égrenant le souvenir de leurs meilleurs mauvais coups, les pieds dans des charentaises made in China. Pour entendre Chirac lui répéter qu’il aurait mieux fait de voter comme lui, Hollande dès le premier tour ? Non merci ! Plutôt purger bébé !

Guilia. Son bébé. Voilà justement de quoi l’occuper dès lundi pendant que Carla reprendra la route, guitare en bandoulière. Carla Bruni en première partie de Mick Jagger ? Une star italienne en vedette américaine pour sauver les finances d’un mari ex-hongrois ! Belle leçon pour tous ces Français grognons toujours à se plaindre des méfaits des immigrés-tous-chômeurs.

Mais, langer bébé, est-ce un vrai travail pour Nicolas Sarkozy. Tel qu’on le connaît, il lui faut deux, trois, dix boulots pour apaiser son hyperactivité. Son slogan travailler plus pour gagner plus est destiné à ses électeurs. Lui, ce qu’il aime, c’est travailler plus pour travailler plus.

Un conseil : pourquoi ne viendrait-il pas en Belgique ? Chez nous, il se sentira comme un poisson dans l’eau. En compagnie de beaucoup de ses meilleurs amis, fuyant les impôts républicains.

Maintenant que notre loi admet la double nationalité, Sarkozy peut même devenir belge. Et rêver à une carrière politique. Sarkozy et Bruni pourraient faire un tabac dans un pays bien plus ouvert que la France au cosmopolitisme.

A la tête de la N-WA (la new walloon allianz), je le vois bien proposer à ses nouveaux concitoyens de transformer la région wallonne en un carrefour entre le monde anglo-saxon et le monde germanique. Obama, Merkel, ce sont mes amis, rappellera-t-il dans sa campagne. J’ai aussi quelques amis riches qui seront trop heureux de créer des sociétés dans votre terre de cocagne où, plus une entreprise est puissante, moins elle paye d’impôt. Tremblez, Di Rupo, Michel et autre De Wever. Avec Sarkozy, vous risquez d’être balayés. Et de devoir immigrer à votre tour. En Hollande ?

 

 

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SUPER HEROS!

Depuis quelque temps, les super héros ont la cote. Ils cartonnent au hit parade des cinémas autant qu’à la veille de la deuxième guerre mondiale – juste une malheureuse coïncidence.

Dans « The Avengers », Thor, Hulk et quelques autres super vitaminés s’en donnent à cœur joie. Boum ! Bang ! Tchiouff !

Au milieu de ce déluge de feu, deux choses rassurent : d’abord, les bons parviennent à sauver le monde. Avis aux désespérés, sarkos, papandreou et autres errants de l’Europe à la dérive. A condition d’avoir un bon metteur en scène, il arrive que les histoires les plus mal engagées se terminent bien. Ensuite, ces super-héros américains ne sont pas américains pour un sou ! Tous étrangers ! Thor est scandinave, le verdâtre Hulk d’on ne sait où. Même Superman, à qui on donnerait les Mormons de l’Utah sans confession, vient, sans papiers, de la planète Krypton.

Ceci explique peut-être que les super-héros « de souche » qui essayent de pétarader ici et là sont promis à moins de gloire que la bande à Marvel. Que les souches en prennent de la graine…

Prenez Super Mélanchon. S’emparant du marteau de Thor – et y ajoutant la faucille de Marchais- il annonçait le feu de Dieu. Au lieu de quoi, bernique !

Et Super Marine ? Malgré son bon score électoral (inférieur tout de même à celui de la N-VA), que peut-elle espérer ? Ni présidente, ni même ministre. Et combien de députés aura-t-elle à l’assemblée nationale ? Cinq, six ? Pas plus que le parti Pirates en Suède ou jadis l’extravagant Van Rossum chez nous. Aucun de ses électeurs, même son vieux papa, n’imagine d’ailleurs qu’elle puisse faire autre chose qu’éructer et s’indigner. Comme dirait Marcel Pagnol à Le Pen, « Il se peut que tu aimes la marine française mais la marine française, elle te dit merde ! »

Super Bart devrait y réfléchir et se méfier. Avec son nouveau look, il a tout faux. Si, auprès des dames, il fait le paon, fier de son bedon plat, auprès des foules, le régime atrophie est une faute. Un super-héros, ça en impose. Dès qu’il commence à maigrir, il déprime comme Batman et perd ses super-pouvoirs. Notre  Flamoutche-imperator n’a-t-il pas saisi que sa force s’est bâtie sur sa rondeur, son bide ? Imagine-t-on Hardy se transformer en Laurel ? Avec ses trois gaufres à la crème à chaque repas, il rassurait ses braves électeurs : voilà l’homme qui allait s’asseoir sur les fransquillons pour les écraser. Mais, avec vingt kilos de moins, à quoi il ressemble ? En tout cas plus à un super-héros. Dans la métropole, il ne fait pas le poids. Là, le super-héros, c’est Patrick Janssens, lui qui lutte contre l’extrême droite depuis neuf ans, anvers et contre tout.

 

 

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QUAND LA FRANCE SE MET AU VERT

A quoi ressemblera la France quand, à la surprise générale, monsieur Cheminade aura été élu président ?

Lorsqu’il a annoncé dans sa première allocution télévisée l’inauguration de l’ambassade de Mars sur l’esplanade des Invalides, tout le monde a rigolé. Un peu moins quand un vaisseau en forme de soucoupe s’est posé à côté du tombeau de Napoléon. Plus du tout quand un millier de petits hommes verts ont débarqué en poussant des glapissements.

Puis, l’émotion retombée, les premières critiques ont commencé à s’élever.

L’ancien président Sarkozy a exigé la destitution de son successeur pour violation des lois sur l’immigration. « Dégage, pôv’ vert ! » s’est-il écrié quand un Martien est venu protester sous ses fenêtres.

Les évacuer mais comment ? Airbus a dû reconnaître que la technologie française, pourtant la plus avancée du monde, ne permettait pas d’assurer sans risques pour la santé (des accompagnateurs français) leur rapatriement sur la planète rouge. Alors, les reconduire à la frontière de l’Europe ? D’après les conventions internationales, la France étant le premier pays d’accueil, on ne pouvait les renvoyer. Le premier ministre, Jean-Luc Mélenchon, a bien suggéré d’abolir les conventions internationales qui portaient « atteinte à la cause du peuple français », le parlement restait divisé sur la question.

Les représentants du culte sont aussi entrés dans la danse le jour où il a fallu enterrer un Martien écrasé par un autobus touristique. Juifs et Musulmans ont refusé de céder un pouce de leur carré aux petits hommes verts ; déjà que leurs pauvres morts doivent se pousser pour trouver une petite place. Les catholiques ont invoqué le refus du pape, lequel a dit que le fils de Dieu n’est pas mort pour les petits hommes verts. Et les cimetières publics ont aussi refusé de l’accueillir en invoquant la loi de 1881 qui réserve les sépultures municipales laïques aux êtres humains. Pas humains, les Martiens ? La ligue des Droits de l’Homme est montée au créneau en rappelant de sinistres précédents. Ce que certains avaient osé dire des Noirs allait-il se répéter avec les verts ? Les Ecolos aussi ont défilé aux cris de « nous sommes tous des petits hommes verts ! »

Le pays risquait la guerre civile lorsque le chef des Martiens eut la bonne idée de signaler enfin la raison de leur présence en France. S’ils étaient venus au pays du président Cheminade, c’était pour acheter des armes et des centrales nucléaires. Aussitôt, les querelles s’apaisèrent comme par miracle. A l’unanimité, le parlement les fit citoyens d’honneur de la république. Et l’on offrit même au petit homme une photo dédicacée de Carla Bruni, à laquelle il tenait tant.

 

 

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DOORSCHUIVEN, AUB !

Il fut un temps où ils étaient deux dans le tram. A l’avant, le wattman conduisait en tournant une manivelle qui ressemblait à celle du moulin à café de ma maman. A l’arrière, le receveur délivrait les tickets ou poinçonnait les cartes mais surtout faisait la police à l’intérieur de la voiture. « Avancez vers l’avant, siouplait » « Doorschuiven, aub ! » Et aux gosses : « Allez, ketjes ! Traînez pas sur ma plateforme ! Et cessez de sauter sur place, verdomme, ça fait du mal à mon tram ! »

Quand la flèche qui alimentait la voiture se détachait du câble électrique ou que des petits voyous (dont j’étais) l’avait tirée par la fenêtre arrière, « Jef ! » criait le wattman pendant que le tram patinait. « De flech’ is af ! »

C’est encore le receveur qui descendait pour rétablir le courant, sa grosse sacoche pleine de monnaie dansant sur son ventre, après avoir fait évacuer les coupables aussi menaçant que le pion à l’école. « Une minute de plus sur ma plateforme et vous recevez une rammeling qui vous remettra vot’tête à l’envers à l’endroit ! »

On pouvait avoir l’impression de deux camps antagonistes, les chefs – wattman et receveur- d’un côté, et leurs ouailles de l’autre. Mais, quand montait un contrôleur, on s’apercevait que le wattman, le receveur et nous, formions une seule et même famille, qu’on retrouvait aussi régulièrement, matin et soir, que nos parents. Le contrôleur, en revanche, c’était l’étranger, celui qui venait perturber notre voyage, son atmosphère, le huis-clos familial et rassurant de notre transport quotidien. Il contrôlait d’ailleurs autant les passagers que le personnel de bord. Même quand l’abonnement ou le ticket étaient dans la poche, on n’aimait pas ça. Au fond de nous, on avait tous quelque chose à se reprocher et inconsciemment, on sentait que le Contrôleur pourrait le débusquer. Comme s’il ne vérifiait pas seulement notre billet mais qu’il pouvait aussi poinçonner nos âmes. Ce n’est qu’une fois le contrôleur parti, que nous soufflions, tous ensemble avec l’impression de nous retrouver  enfin entre nous.

Il y avait des conducteurs qui racontaient des blagues à ceux qui se pressaient autour de lui, des receveurs qui parfois chantaient une chanson quand le tram arrivait au terminus.

Aujourd’hui, à nos yeux d’usagers pressés, harassés, les conducteurs paraissent anonymes depuis qu’on les a enfermés dans une prison de verre. Ils ont l’air tout surpris quand un passager leur parle ou leur sourit. Les receveurs, eux, ont disparu (alors qu’ils existent toujours dans d’autres villes, à Amsterdam par exemple).

C’est aux hommes-du-tram (qui sont parfois de jolies dames !) d’hier et d’aujourd’hui que je pense cette semaine.

 

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NOËL A DI RUPO, PÂQUES A HOLLANDE

Est-ce une coïncidence ? Sur la même page de mon quotidien favori, se trouvent réunies deux infos qui concernent les socialistes wallons. La première: Elio Di Rupo peut-il soutenir publiquement le candidat Hollande en allant faire de la figuration intelligente à son meeting de Lille ?

La seconde : Claude De Spiegeleer, l’ex-échevin carolo, souffre de troubles psychiatriques (cette fois, c’est officiel !) qui l’empêchent de rejoindre ses quatorze petits camarades devant le tribunal correctionnel de Charleroi où il est jugé dans l’une des nombreuses affaires de détournement d’argent public de la cité dont jadis Emile Vandervelde, le président emblématique du parti socialiste, fut le premier député de gauche.

Didier Reynders, qui tient de ses études à l’institut du Sacré-cœur puis à l’institut Saint-Jean-Berckmans une souplesse de raisonnement difficile à égaler et parfois à saisir, explique à qui veut l’entendre que sa qualité de vice-premier ministre ne l’empêche pas d’aller serrer la pince du secrétaire général de l’UMP au quartier général sarkozyste. Mais qu’en revanche, le premier ministre, lui, est tenu à rester sexuellement neutre. En effet, le vice-premier représente ses propres convictions, explique M. Reynders, alors que le premier représente le plus petit dénominateur commun de toutes les idéologies de son gouvernement. Vous suivez ? Vous avez de la chance !

Mais, que se passe-t-il si le vice Reynders, à l’occasion des vacances de M. Di Rupo par exemple, est chargé de faire fonction de premier ? Doit-il quitter précipitamment les bras de M. Coppé pour se réfugier dans un endroit neutre où, après une bonne douche, il se sera débarrassé de toute trace de soutien au candidat de la droite française ?

Il serait détestable que notre fragile gouvernement, qui a jusqu’ici évité récifs et tempêtes, aille bêtement s’échouer sur cet iceberg, le futur président d’un pays voisin.

Je suggère à nos éminences de ne pas tenter le diable. Qu’ils évitent la France pour l’instant. Pourquoi M. Di Rupo ne se ferait-il pas représenter au meeting de François Hollande par Claude De Spiegeleer, qui n’a justement pas grand-chose à faire de ses journées grâce au diagnostic d’un médecin touché par la grâce ?

De son côté M. Reynders trouvera certainement dans son parti un collègue qui pourra lui aussi attester par un certificat médical qu’il ne dispose pas de toutes ses facultés mentales, sésame indispensable pour représenter son parti auprès de l’autre principal candidat à l’élection présidentielle française.

Que toutes ces cloches vous fassent passer de joyeuses fêtes de Pâques !

 

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