COMPOTE

Il a fallu attendre les derniers jours de la campagne présidentielle française pour découvrir enfin François Hollande. Le vrai. Pas cet ectoplasme raide, exhibé sur toutes les chaînes de télé depuis des mois, portant un costume gris dont il a oublié d’ôter le porte-manteau, une cravate sombre, une chemise sinistre, qui lui donnent l’allure de son double en cire sorti tout droit du musée Grévin.

Grâce à V.S.D. et à Voici, on sait maintenant ce que fait le nouveau président lorsqu’il est débarrassé de toutes contraintes, serrages de mains, réunions de travail, dîners protocolaires, interviews, apparitions en compagnie de ses amis politiques qui se sont foutus de sa tronche pendant des années et qu’il est obligé de traiter publiquement de potes, quand il ne doit pas se maquiller, sourire sur commande ou se forcer à rester de marbre. Oui. Que fait M. Hollande, seul, face à lui-même ?

Giscard lisait Maupassant (feuilletez Bel Ami et vous réclamerez le retour de Giscard !), Mitterrand se faisait tirer les cartes par une voyante avant d’aller errer pas dans les cimetières et Chirac goûtait aux délices des artistes orientaux.

Les goûts du nouveau président sont très différents de ceux de ses prédécesseurs: son rêve à lui, c’est pousser un caddy dans les allées d’une superette. Il aime assez ça, a-t-il confirmé.

On ne va pas lui reprocher ce petit plaisir. On comprend qu’il parcourt, les lèvres humides, les étals de son Carrefour, dégoulinants de mets magnifiques dont il se prive depuis qu’il est candidat afin d’afficher la taille mannequin de Sarkozy. Dans la cinquième république, impossible pour un petit gros d’accéder à la fonction suprême. Voyez l’échec d’Alain Poher ou de Raymond Barre.

Ne lui reprochons pas non plus préférer la compote de pomme (en morceaux, a-t-il précisé) à un bon livre ou aux estampes de Hokusai.

Mais ce qu’on ne peut pas lui pardonner, c’est d’avoir choisi d’acheter et de faire la promotion de la compote en pot. En pot ! D’accord sa compote est fabriquée, comme par hasard, par un de ses amis industriels qui construit justement un nouveau site à Brive, dans son fief électoral. Une excuse qui n’est qu’une faute de goût.

Ou alors, le pauvre François n’a pas assisté comme moi à la cérémonie magique d’une maman qui pèle d’un couteau habile de belles pommes aussi rouges et saines que les joues d’une paysanne flamande chez Breughel. Il n’a pas sucé les épluchures, croqué les petits morceaux tout frais restés sur le journal. Il n’a surtout pas longuement laissé fondre dans sa bouche la compote encore chaude, mêlant le goût des pommes à celui de la cannelle et d’un peu de citron.

S’il n’y prend garde, cette compote en pot sera pour Hollande ce qu’a été pour Sarkoy la soirée du Fouquet’s.

 

 

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