CHARLIE, REVIENS, ILS SONT TOUJOURS PLUS CONS !

     Dix ans après l’assassinat des grandes plumes de Charlie, que reste-t-il de l’esprit Charlie, ce mélange de provoc et d’émotion, d’humour ravageur qui se mêlait à l’amour des gens et de la vie ?

 On a l’impression qu’une fenêtre s’est refermée, que l’air s’est raréfié, que la bulle s’en est allée. On ne peut plus rire de tout sans entraves. Peu à peu le plaisir du pied de nez est grignoté par la culture de l’effacement. Ce réflexe qui censure progressivement l’expression de la pensée qui dérange, rogne les ailes, s’insinue dans la tête de ceux qui écrivent, dessinent, filment. Inconsciemment, ils ont tendance à freiner leurs plumes, leur pinceau, leur caméra. Ils coincent à l’idée que tel ou tel groupe se sente offusqué, offensé et dénonce la liberté que s’est arrogé l’auteur comme une injure, une calomnie, une atteinte à leur personnalité, à leurs croyances, leurs idées. Avec la prolifération des réseaux sociaux, qui s’étendent comme des pieuvres, il se trouve toujours un petit dictateur de quartier mal dans sa peau qui ne supporte pas le rire, l’humour, la moquerie. « C’est dur d’être aimé par des cons ! » s’écriait Mahomet sur une couverture célèbre de Charlie-Hebdo dessinée par Cabu.

On pourrait croire que la prolifération des réseaux et des technologies, leur accès ouvert à tous, allait contribuer au développement de la liberté d’expression. Paradoxalement, c’est le contraire ! Chacun désormais veut dicter sa loi et empêcher qu’on se moque impunément de ses opinions ou de ses convictions.

Remarquez, le constat n’est pas neuf. Dix ans avant la prise de la Bastille, Beaumarchais écrivait : « Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. » Déjà le règne de la culture woke !

En 2025, les humoristes paraissent des petits bras comparé aux nouveaux rois de la provoc et de l’impertinence. Donald Trump, Poutine, Xi Jinping, Erdogan, Khamenei et quelques autres ont remplacé Cabu, Charb ou Honoré mais avec une différence de taille : ils ont banni l’humour sous peine de prison et professent de pires énormités que les dessinateurs de Charlie Hebdo mais avec un sérieux imperturbable. 

En janvier 2015, le président des Etats-Unis était Barack Obama. Dix ans plus tard, les Américains ont plébiscité Donald Trump. Dont le sinistre fou du roi, Elon Musk, cet agité du bonnet, manie la provocation pour saper la démocratie et étouffer les idées qui ne lui plaisent pas. Surtout pas pour faire rire et réfléchir. Lui qui veut envoyer les hommes sur la planète Mars étouffe l’espace de la liberté d’expression.  

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