BART AU CONGO

30 juin 2030

L’arrivée du roi Bart 1er à Kinshasa est saluée par la presse comme le premier signe du réchauffement des relations entre la Belgique et le Congo depuis le remplacement à la tête de notre pays des Saxe-Cobourg par les De Wever.
Officiellement, cette visite coïncide avec l’entrée en lice des Diables rouges en Coupe du Monde de football, organisée cette année par le Congo à l’occasion du septantième anniversaire de l’indépendance. C’est la première fois depuis 2002 que des footballeurs belges participent à nouveau à la prestigieuse compétition. Réjouissons-nous plutôt que d’écouter les mauvaises langues qui murmurent que les performances de nos joueurs sont la meilleure vitrine pour la qualité de nos laboratoires pharmaceutiques. Et saluons Paul Van Himst et Jean-Marie Pfaff qui ont réussi malgré leur âge à sortir notre pauvre pays de la léthargie dans laquelle leurs médiocres descendants les avaient plongés.
Mais la véritable raison du voyage du roi est plus politique que sportive. Bart 1er veut négocier avec le président Barak Kabila junior l’extradition vers la Belgique de son ancien premier ministre Elio Di Rupo et de son complice Yves Leterme, réfugiés au Congo depuis leur tentative de putsch.
On se souvient que les deux politiciens avaient échappé de peu à l’arrestation après leur condamnation pour atteinte à l’unité du pays et injure envers le chef de l’état par la Cour de sûreté de l’état présidée par Armand De Decker. Et qu’ils avaient réussi à gagner notre ancienne colonie qui leur avait accordé le statut de réfugié politique (après une pénible attente de deux ans dans le centre fermé de N’Dijili).
Lorsqu’il était monté sur le trône, le roi Bart 1er avait supprimé les régions, élargi Bruxelles à l’ensemble de la province de Brabant en déclarant lors de son grand discours dans le stade Karel Dillen que la confédéralisation du pays n’avait été « qu’une étape nécessaire mais dépassée dans le redressement économique de la Belgique » et qu’il était temps que « les régions s’évaporent dans la Belgique réunifiée afin d’atteindre la dimension nécessaire dans l’Europe de demain. »
« Vive la Belgique ! » avait-il conclu.
« Vive la république ! » avait crié le sénateur libéral Louis Michel, vite maîtrisé.
Les deux anciens premiers ministres belges avaient eux aussi réagi de façon violente. Conspirant contre le nouveau roi, pourtant soutenu par la majorité de la population, ils avaient créé la Nouvelle Alliance Wallonie-Flandre, la N-VAW, avec pour programme l’éclatement du pays et l’indépendance de ses trois anciennes régions.
Heureusement, le roi Bart 1er avait mis fin à leur agitation et ordonné l’interdiction de tout parti séparatiste, anti-belge ou anti-royaliste.
On ne doute pas que l’amitié retrouvée entre Bart et Kabila jr permettra de mettre un poing final à l’escapade désespérée de ces deux terroristes.

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IL ETAIT UNE FOIS ELIO ET BART

Ce jour-là, le petit chaperon rouge s’en allait tout guilleret dans la forêt rejoindre son oncle qui, lui avait-on dit, vivait dans une maison-forteresse, au milieu de ses chiens.
On lui avait toujours caché l’existence de cet oncle, qui avait mauvaise réputation. Paraît qu’il lâchait des insanités et crachait à table. Quand le grand-père était tombé malade, l’avait refusé de payer son obole comme le reste de la famille. Mon argent, c’est pour moi et mes chiens ! il avait répondu avant de s’enfermer dans son bunker. Les mauvaises langues chuchotaient même que des cadavres pourrissaient dans son placard depuis la dernière guerre.
Mais tout ça, pensait le p’tit chaperon rouge, c’est de l’histoire ancienne. Maintenant qu’il était devenu lui aussi grand et fort, il se sentait prêt à le rencontrer et, qui sait, à le ramener au sein de la famille. L’avait un côté un peu missionnaire, le p’tit chaperon rouge, toujours à vouloir faire le bien autour de lui. Il se disait aussi que l’oncle ne devait pas être aussi méchant que le prétendait son entourage. On exagère toujours les défauts de ceux avec lesquels on ne parle pas. Il n’avait pas peur, le p’tit chaperon rouge. C’était pas une oie blanche comme dans les histoires pour enfants. Les coups, il en avait pris et il en avait donné. Demandez à Didgé l’amer, la terreur du village, qu’il venait de laisser K.O. sur le carreau.
Mais, dès qu’il pénétra dans la forêt, le p’tit chaperon rouge n’en mena plus aussi large. Les arbres ne ressemblaient pas à ceux de son village. On aurait dit des plantes carnivores qui grognaient à son passage. Sur le chemin, il avait croisé des maçons qui lui avaient conseillé de retourner sur ses pas tant qu’il était encore temps. Ils étaient chargés de construire un grand mur pour protéger la forêt de toute invasion extérieure.
Quand il aperçut enfin une lueur près d’une clairière, il devina qu’il n’était plus très loin.
Son oncle – ce devait être lui- l’attendait sur le pas de la porte. Un homme gigantesque dont les bras ressemblaient à des jambons et les yeux à des œufs sur le plat.
En le voyant s’avancer vers lui, l’oncle hocha la tête.
« Ainsi, c’est toi mon neveu ? Je ne t’imaginais pas tout à fait comme ça. Toi non plus sans doute. Dis-moi, trouves-tu que je ressemble à un monstre ?
– Nooon, murmura le p’tit chaperon rouge. Tout de même, tu as une grande bouche…
– Ca, c’est pour mieux chanter la Brabançonne, mon enfant.
– Et de grands pieds…
– Ca, c’est pour mieux botter le cul de ceux qui tentent de s’établir dans ma forêt.
– Et de grands yeux…
– C’est pour mieux t’hypnotiser, mon enfant.
– C’est vrai, je me sens tout drôle…
– C’est parce que tu as compris que je vais te manger, mon enfant…

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LA NUIT DES LONGS COUTEAUX

Demain matin, on vote. Et demain soir ? On s’étripe.
Une fois les assesseurs rassasiés et les urnes bourrées (à moins que ce ne soit le contraire), sonne l’heure des comptes. Des règlements de compte. En coulisses et après le spectacle.
Car on assistera d’abord au ballet des vaincus qui, la bouche en cul de poule, proclameront tous leur satisfaction, la mine candide: « Je ne m’attendais pas à ce que mon parti résiste aussi bien » ou « Regardez, nous avons même progressé dans le canton de Thuin ».
Ceux qui auront vraiment pris un coup de boule s’écrieront encore : « Les sondages nous prédisaient un cataclysme; or, voyez, c’est juste une légère brise ». N’oublions pas non plus la formule : « Soyons clairs (!) En ces temps difficiles, c’est encore un miracle d’avoir reçu une telle confiance des électeurs que je remercie ».
Mais les spots éteints et les journalistes disparus, commencera la nuit des longs couteaux. Ceux qui auront mené leurs partis à la défaite seront impitoyablement condamnés à la décapitation. Adieu, monde cruel ! Il n’y a pas de pitié en politique. Il n’y a que des vainqueurs et des morts. Si on s’étonne parfois du retour d’une ancienne gloire, on en parle comme d’un revenant. Dont la tentative de reprendre pied dans le monde des vivants est vouée à l’échec. On a vu le sort de Jean-Luc Dehaene quand il a osé agiter son suaire. Le Belge sortant du tombeau ? C’est de l’histoire ancienne.
On imagine que les plus jeunes, déjà promis aux gémonies, s’accrocheront au bois de l’échafaud. Marianne Thyssen ou Alexander De Croo auront beau jeu de plaider qu’ils viennent à peine d’arriver et que leurs prédécesseurs leur avaient savonné la planche. Bénéficieront-ils du sursis ? Ce n’est pas sûr. On ne fait plus comme jadis de vieux os en politique. C’est comme sur les routes, on y meurt de plus en plus jeune. Qui se rappelle encore du sémillant Steve Steyvaert, qui n’a fait qu’un petit tour avant de disparaître ? De Maria Arena tué dans sa douche ? Ou de Daniel Ducarme que la décision de changer le nom du parti (le PD) a suffi à ébranler…
Le sort du vainqueur est-il plus enviable ? Le soir même, c’est l’euphorie. Champagne (pour la boisson, on n’hésite pas à choisir le français) ! Mais, le bref moment de gloire passé, c’est déjà fini. Obligé de se mettre aux affaires, le vainqueur ne peut gérer que la déception de ses électeurs pour les promesses qu’il n’a pu tenir et celle de ses proches pour les postes qu’il ne peut leur offrir.
Il se souviendra alors de l’avertissement lancé un jour par le francophone V. Horta à son collègue (et ennemi) flamand H. Van de Velde : « Prenez garde. Un jour, on est vedette. Le lendemain, cuvette de cabinet »…

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ARC EN CIEL

On dit qu’en cherchant un peu au pied d’un arc en ciel, on trouve un pot d’or. Pourquoi la Wallonie n’y a-t-elle pas pensé plus tôt ? Les Sud-Africains, qui croient davantage que nous dans les contes et les rêves, n’ont pas seulement trouvé de l’or mais aussi des diamants, de l’uranium et même de l’antimoine (un excellent contrepoison aux déclarations de Benoit XVI sur le sida.)
Et, dans quelques jours, ils vont aussi décrocher la timbale avec le mondial de football. Alors que nous, on n’a rien trouvé de mieux que de faire revenir Conceiçao au Standard.
Faut dire que question castagne, on n’a rien à apprendre aux sud Africains. Si on peut se vanter de la guerre de la marmite à la fin du dix-huitième siècle et de celle du fritkot de la place Flagey, eux peuvent afficher les guerres des Boers, les guerres des cafres, les guerres des Zoulous. Excusez du peu. Même la tentative de rattachement à Bruxelles des six communes à facilités ne peut être comparée au rattachement forcé du Transvaal et de l’état libre d’Orange à l’Union. Dans nos communes, on parle français, dans les leurs, une espèce de néerlandais…
Il y a tout de même un truc en Afrique du sud dont on ferait bien de s’inspirer : la commission Vérité et Réconciliation, créée à la fin de l’apartheid. Une belle invention dans le genre judéo-chrétien: celui qui reconnaît publiquement ses torts reçoit un petit chocolat. Un peu comme si on offrait à Bart De Wever le poste de premier ministre après qu’il ait renoncé au confédéralisme, à la circulaire Peeters, au Wooncode et signé lui-même la convocation en français des électeurs de Linkebeek.
Grâce à une commission de réconciliation belge, on verrait défiler devant les écrans enfin réunifiés de la RTBF et de la VRT l’ensemble des hommes et femmes politiques qui ont plongé notre doux pays dans le coma. On entendra la confession d’Elio sur ses croche-pieds à Louis Michel, de Louis Michel à propos des boules puantes lancées dans le bureau de Didier Reynders.
Hélas, la confession publique et télévisée paraît très difficile à importer chez nous. Jean-Michel Javaux n’avoue ses turpitudes qu’à monseigneur Léonard, au « Soir » et à « La Dernière Heure ». Quant aux autres, comme ils le répètent chaque jour, ils n’ont jamais eu tort, jamais dit de bêtises, jamais fait de conneries. Sauf Joëlle Milquet qui était prête à parler mais qui ne veut pas perturber ses enfants.
Reste à espérer que l’on découvre bientôt, dans notre nouveau parlement, qui sait ? des hommes et des femmes de la stature de Helen Zille, de Desmond Tutu ou de Nelson Mandela…

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STAR WARS

Pendant longtemps, les francophones ont observé avec un peu d’ahurissement les tourbillons du paysage politique flamand, tel Tintin guettant l’Etoile mystérieuse dans la lunette du professeur Kalys. La création d’astéroïdes issus du Big Bang de la Volksunie puis leur attraction par les grandes planètes qui passaient à leur proximité, le morcellement de la droite populiste et autonomiste en autant de nouvelles comètes, l’apparition à chaque élection de nouvelles étoiles suivie de leur disparition tout aussi rapide dans le grand noir interstellaire, le changement d’identité des partis traditionnels ainsi que le yo-yo de leurs programmes et de leurs scores électoraux, tout cela avait de quoi donner le vertige. Le scénario de ce feuilleton semblait aussi incompréhensible que le premier épisode de « Star Wars » en version moldave. Mais les francophones se consolaient de l’absence de sous-titre en pensant, avec une certaine condescendance, être à l’abri de ce maelstrom, grâce à quatre partis stables, des électeurs fidèles et obéissants à leurs maîtres et une extrême droite bloquée dans le vide sidéral.
Or, voilà que le paysage politique wallon connaît à son tour de violentes bourrasques.
Cela a commencé par la volonté de l’astéroïde FDF, qui tournait paisiblement autour de Bruxelles depuis plus de quarante ans, de sortir de son axe pour affronter la galaxie wallonne au nez et à la barbe de la nébuleuse libérale. Puis l’apparition à sa droite, venant de la face la plus sombre de l’univers, du Parti Populaire. Dont l’électorat semble aussi « populaire » que celui de l’extrême droite est « socialiste ». Et dont la force d’attraction risque d’être aussi faible.
Ce qui a surtout bousculé la valse des planètes en Wallonie, c’est le « scoop » de la Libre Belgique, annonçant le projet de trois jeunes astronautes, Charles Michel, Melchior Wathelet junior et Jean-Michel Javaux d’unir leurs vaisseaux pour en faire une grande station spatiale humanisto-liberalo-écologique. Sur grand écran et en 3 D.
Un nouvel « Avatar » ?
Une déclaration de guerre de Mars à la planète Terre ?
En tout cas, l’affaire a fait l’effet d’un météorite s’écrasant sur Charleroi.
Au point que les trois « amis » se sont empressés de démentir l’information. Ou plutôt, ils se sont contorsionnés pour expliquer que s’ils avaient évoqué ce scénario de politique-fiction, c’était dans le cadre d’une rencontre détendue autour d’un Baby Foot. Rassurez-vous. Il n’y a rien à voir. Juste une blague d’étudiant autour d’un verre un soir de Saint Verhaegen.
Hélas pour eux, nier l’affaire était impossible. Tout ce qui se passe à l’intérieur d’un vaisseau spatial est filmé et les micros sont ouverts. Des photographes avaient immortalisé la grande scène où les trois maladroits se donnaient la main. Et plusieurs témoins affirment avoir entendu la discussion. Difficile dans ces conditions de prétendre que les journalistes ont menti ou imaginé un poisson d’avril avec un mois de retard.  
« Allo, Houston ? We have a problem… »
Pour leur malheur, un E.T. assistait à la rencontre historique. L’ineffable Michel Daerden, ce jour-là quatrième partenaire de Kicker des trois Martiens. Un type qui n’est pas du genre à se taire. Au contraire, on le voit bien raconter à ses compagnons de bistrot l’incroyable dialogue entre les trois audacieux.
Car le ministre démissionnaire des Pensions ne s’était pas joint à l’utopie. Même si l’alcool coule à flots, Michel Daerden a toujours affirmé qu’il n’est jamais ivre.
En est-il de même de ses trois partenaires de jeu ? S’ils ont essayé de le battre sur ce terrain, on comprend mieux la mouche qui les a piqués.
Reste que ce projet redessine complètement la voie lactée : un morceau du parti libéral (l’aile centre gauche), un morceau des démocrates humanistes ex-chrétiens et la tendance centre droit chrétienne des écolos. Le vieux rêve wallon d’un bloc de droite traversant l’inamovible barrière socialiste.
Le seul problème est que si l’univers est en perpétuel expansion, le nombre des électeurs wallons ne l’est pas. Et qu’ils ne sont pas du genre aventureux. Déjà aller travailler en Flandre, c’est pour beaucoup d’entre eux passer dans une autre dimension. Alors, les convaincre d’embarquer pour la Lune, c’est mission impossible….

Alain Berenboom

FAUX ET USAGE DE FAUX

La tradition du faux est aussi implantée en Belgique que celle de la frite ou du rollmops. Au siècle des Lumières, la contrefaçon des grands auteurs français, Voltaire, Beaumarchais ou les Encyclopédistes, a fait la richesse des imprimeurs de la principauté de Liège ou de Bouillon, véritables ancêtres des pirates de l’Internet.
A Bruxelles, ce sont les architectes qui ont usé et abusé du faux. La Grand Place est vendue aux touristes comme une merveille du moyen âge ; le palais de justice, faux temple babylonien, ou l’église Sainte Catherine, soi-disant monument gothico-renaissance, ont été façonnés par le plus schieve des architekts, Joseph Poelaert il y a moins de cent cinquante ans. Même le roi Léopold II est accusé d’avoir vendu aux musées royaux des faux tableaux de maître avant que Mariën et selon ses dires, son ami Magritte, ne confectionnent et vendent de faux Chirico ou Max Ernst.
La campagne électorale renoue avec cette heureuse tradition bien de chez nous.
Ainsi, du confédéralisme. Se servant de cette même notion juridiquement floue et incompréhensible de tous, libéraux flamands et nationalistes de la N-VA se disputent sa paternité tandis que le CD&V qui s’en était servi dans le passé pour faire semblant d’avoir un programme institutionnel ne sait plus comment s’en débarrasser, tel le sparadrap du capitaine Haddock. Même Philippe Moureaux avait brandi la formule, croyant faire ainsi ami-ami avec les Flamands, avant de se rendre compte que dans confédéralisme, seule la première syllabe a un sens.
Le confédéralisme veut tout dire et son contraire : indépendance pour les uns, simple fédéralisme pour les autres (telle la « confédération suisse » qui n’en est pas une !) : c’est surtout un slogan creux, lancé à la tête des uns et des autres comme des tartes à la crème dans un film de Laurel et Hardy.
Les promesses socio-économiques des partis politiques ont aussi l’air d’avoir été écrites par Pinocchio dans sa période long nez. Promettre une « réduction d’impôts » paraît en ces jours de détresse budgétaire aussi crédible que d’annoncer le lancement d’un produit qui assure aux chauves le retour des cheveux. Mais promettre pour demain « la vie et les soins de santé moins chers » est aussi crédible qu’affirmer comme le ministre des Pensions démissionnaire que l’on ne touchera ni à l’âge ni aux conditions de votre pension. Aucun de ces engagements n’est vrai. Mais laissons les uns et les autres s’accuser mutuellement que son programme conduit le pays tout droit « à une situation à la grec ». Des temples babyloniens aux temples grecs, on connaît la chanson…

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APERO, C’EST GEANT !

Cela commence par le mail d’un vague copain qui propose de se retrouver à sept heures au marché de la Batte ou devant l’enclos des pigeons du parc Josaphat (n’oublie pas la bouteille !) et cela se termine à dix mille à se bourrer le pif. Lassés des amitiés virtuelles et des leurres déshumanisés des réseaux sociaux, les gens redécouvrent le plaisir de s’assembler, de se toucher.
Puisque la vogue des apéros est dans l’air du temps, le monde politique plonge à son tour. C’est ainsi que le lardon de Wathelet, le moufflet de Michel et le petit Javaux ont décidé dans une belle unanimité d’unir (ce qui reste de) leurs forces dans un nouveau parti politique humanisto-écologico-réformateur. D’après La Libre Belgique, leur premier kern kabinet s’est tenu autour d’un Kicker. Comment, pas sérieux ? Vous dites ça parce que vous n’imaginez pas Yves Leterme se joindre à eux. Evidemment, prisonnier de son BlackBerry, branché en permanence sur son PC, enfermé dans son monde mutique, il n’a pas compris que les temps changent. Et que le goût de la vraie vie est enfin revenu.
Seule ombre au tableau, au trio des juniors devant le baby foot s’était joint un quatrième larron, Michel Daerden. Or lui, question apéro géant, il avait quelques longueurs d’avance sur les gamins. De là à penser qu’au moment où ils ont pris leur décision, Wathelet, Michel et Javaux étaient beurrés comme des petits Lu, il n’y a qu’un pas que je refuse de franchir. Pas eux et pas ça ! Que le p’tit Charles se laisse désespérément pousser quelques poils sur le menton pour ressembler à Magnette, lequel tente d’imiter Tom Boonen, d’accord. Mais qu’il aille jusqu’à lever le coude à la façon de Papa, non ! Cent fois non !
L’idée de recomposer le paysage politique au milieu des bouteilles a aussi de l’avenir en Flandre. Juste au moment où la mort de Bobbejaan Schoupen relance son immortel succès « Un café sans export ». La mode des apéros pourrait sonner le retour de Steve Stevaert. N’est-ce pas la nostalgie de son bistrot qui explique son départ brutal du monde de brutes dans lequel on l’avait propulsé ? Libérés par l’alcool, on verrait Bart De Wever dans les bras de Francis Delpérée, chantant tous les deux un vibrant « Belgique, ô mè-è-re chérie ! » Ou Marianne Thyssen succombant enfin aux charmes de Alexander De Croo. Et même la belle Freya Van den Bossche tentant de dégeler l’effroyable Geert Bourgeois, tandis que celui-ci s’efforcerait d’apprendre à l’inébranlable Olivier Maingain la traduction française du mot tongkus.
Que tous ces pisse-froids qui parlent d’interdire les saoulo-parties prennent garde. L’apéro géant, c’est l’avenir de la Belgique.

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CAHIERS DU CINEMA

Le Festival de Cannes célèbre cette semaine quelques classiques d’une étonnante actualité:
« Brève rencontre » : après une brève rencontre avec Gordon Brown, Nick Clegg, leader des libéraux-démocrates s’est empressé de signer une alliance avec les tories… sous le titre « Les liaisons dangereuses ». Churchill, reviens, ils sont devenus fous !
« Le Monstre est vivant » : à l’occasion de l’anniversaire de la fin de la « guerre patriotique », la Russie ressort des marais les portraits de Staline. Reste à effacer les goulags et à brûler livres, films et images des atrocités du p’tit père des peuples. Au secours, Eltsine, ils sont devenus fous !
« Retour vers le Futur » où Olivier Deleuze ressort tel le Belge du tombeau pour refonder le parti Ecolo ; ça promet : assemblées libres incompréhensibles, motions kilométriques recyclables sur papier recyclé, dirigeants de Suez reconduits (en vélo) à la frontière. Comme au temps où les jeunes verts ne priaient pas Jésus. Seigneur, reviens, Javaux est devenu fou !
« Divorce à l’italienne » : Berlusconi vient d’être condamné à payer une pension alimentaire de trois cent mille euros par mois à son ex-épouse Veronica. Supprimer le divorce en Italie, quelle idée folle ! Véronica claque la porte; Fini, son autre épouse, prépare ses malles. Andreotti, reviens, ils sont devenus fous !
« Edouard aux mains d’argent ». Toutes les tentatives pour scinder B.H.V. ayant lamentablement échoué, la botte secrète de la nouvelle majorité, s’appelle Edouard. En deux coups de ciseaux, ses mains d’argent auront vite fait de nous découper ça et on n’en parlera plus ! Dehaene, reviens, ils sont devenus fous !
« L’Impossible Monsieur Bébé » : le casting politique belge s’est spécialisé dans les fils de… (De Croo, Michel, De Gucht, Mathot, etc.) Des génériques qui évoquent la fiction de la « belle époque ». Façon de nous faire prendre les vessies pour des lanternes.
« Vol au-dessus d’un nid de coucous » : l’effondrement des bourses l’a démontré, le pouvoir financier est aux mains d’une bande de zinzins qui jongle avec les zéros aussi facilement qu’un ministre grec. Le « Casino Royale » ressemble de plus en plus à un décor de cinéma abandonné dans les sables. Si l’on songeait à remplacer le Monopoly par un autre jeu de société ? Le Meccano par exemple.
« L’Homme qui voulut être roi ». Les temps sont durs pour les givrés de pouvoir. Brown, Leterme, Merkel, Balkenende, Papandreou, Sarkozy. Ils promettaient les merveilles de la face cachée de la Lune avant de reconnaître qu’elle n’était qu’une triste copie de celle que nous contemplons depuis longtemps : désolée et glacée. S’ils s’intéressaient vraiment à « La vie des autres », peut-être nous sortiraient-ils enfin du « Grand Sommeil ».

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APOCALYPSE NOW

Chaque semaine, on se dit que le pire est derrière nous et la semaine suivante est pire encore. A peine se manifeste un signe d’espoir que crac ! une nouvelle tuile nous tombe sur la tête. Mais que fait donc le scénariste de cet épouvantable feuilleton ? A-t-il oublié qu’une des règles de tout raconteur d’histoires est d’alterner les scènes de drame et les moments de respiration, un sourire entre deux morts ? Sans oublier l’happy end. Mais l’actualité ressemble désormais à un « Derrick », glauque, désespéré, sans suspens – et sans pétrole. On a l’impression d’être condamné à vivre en Allemagne de l’est jusqu’à la fin des temps sans même un mur derrière lequel rêver que le paradis est à portée de la main.
Tenez, à peine était-on débarrassé d’Yves Leterme que l’on nous annonce que la N.-V.A. caracole en tête des sondages. Vous imaginez la prochaine législature ? Bart De Wever en premier ministre. Avec Modrikamen aux Finances, Jean-Marie Dedecker à la Justice et Michel Daerden à la Santé publique ou pire, aux Pensions. Il ne nous restera plus qu’à nous réfugier en Grèce.
En Grèce où l’euro est en train de transformer la monnaie unique européenne en drachme national.
Comme si nos malheurs politico-économiques ne suffisaient pas à attirer l’attention des spectateurs et leurs larmes, le scénariste a imaginé de faire aussi gronder les éléments. Sous l’influence de cette mode redoutable des effets spéciaux. Avec un volcan dont les déjections paralysent la planète. Les réserves pétrolières du golfe du Mexique qui explosent et dévastent les côtes du sud des Etats-Unis. Le gaz qui se répand à Liège. La terre qui tremble au Chili ou à Haïti. Ne manque plus que la scission de B.H.V. pour que les humains rendent définitivement les armes et s’effacent de la planète comme jadis les dinosaures.
Heureusement, quelques signes permettent d’espérer que le printemps finira par émerger de ce chaos. En juin, le roi se rend au Congo. Y a-t-il une image plus rassurante, une meilleure preuve de l’existence de la Belgique que celle-là ? Albert à Kinshasa, c’est le retour de Bwana Kitoko, de Tintin arpentant le monde pour sauver nos amis et terrasser les mauvais. L’image du temps béni des boîtes de biscuits Delacre et de l’odeur du chocolat Côte d’or sur les quais de la gare du Midi.
Le seul problème c’est que notre fichue constitution a prévu que le roi ne peut jamais se déplacer sans une cohorte de ministres. Et quinze jours après les élections, qui c’est qui écrira le discours royal ? Bart De Wever ? Michel Daerden? Mischa Modrikamen? Ce jour-là, on rêve d’un bon gros nuage de poussières…

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GAME OVER

Que faire perdu dans un aéroport lointain, prisonnier d’une valise de vingt kilos, en compagnie de deux enfants et d’un couple d’amis ? Des amis ? Disons de vagues relations avec lesquels, après un dîner sympathique, on s’est embarqué sans réfléchir pour sept jours all inclusive –on nage ensemble, on mange ensemble, on dort ensemble et on parle ensemble même quand on n’a rien à se dire, juste comme autour de la table de Leterme. Une semaine à faire semblant -on est civilisé- à tenir bon en décomptant les jours, les heures. Soudain, la délivrance ! Taxi, en route vers l’aéroport ! On se revoit à Bruxelles ? Très vite ! Promis ! Et soudain, en arrivant dans le hall au milieu d’une foule en folie, on apprend que ces amis, on est collé à eux pour des heures, des jours, des mois, peut-être pour le restant de notre vie.
Nous n’avons jamais réussi à atteindre le comptoir de la compagnie. Six cent voyageurs forment un rempart autrement efficace que la défense du Standard.
Les hôtels pris d’assaut, bus et voitures introuvables. Saigon, la veille de l’entrée des troupes communistes.
C’est alors que nos excellents amis ont imaginé un jeu : le premier qui dénoue le casse-tête de B.H.V. a gagné. La meilleure rédaction sera envoyée par mail au roi et aux gamins qui commencent à fatiguer. C’est pas comme nous, ils ne reviennent pas de vacances.
On s’y est tous mis. Y compris les enfants. Mes amis m’ont épaté, je l’avoue. Pendant que des milliers de Belges s’égosillaient égoïstement à écraser leurs voisins pour embarquer les premiers pour Zaventem (arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, soit dit en passant), nous, on se dévouait pour la chose publique.
Moi, j’avais élaboré un projet qui faisait de Bruxelles-national (propriété d’une société australienne) et de Brussels south (sous la dictature d’un Irlandais) une entité nouvelle où l’on ne parlerait qu’anglais (le reflet de la situation sur le terrain) et dont la tutelle serait exercée par deux gouverneurs, nommés par Canberra et Dublin. Les enfants ont imaginé de rattacher les six communes à facilités à Plopsaland (version originale flamande mais avec sous-titres français). Ma femme a suggéré de défiscaliser les magasins de luxe du Brabant flamand en échange de l’abandon des facilités.
Nous étions assez fiers de nous quand nous nous sommes aperçus qu’un autre passager, qui avait observé le résultat de nos cogitations au-dessus de nos épaules, a soudain renoncé à attendre son vol pour rejoindre Bruxelles au plus vite. J’ai cru reconnaître Alexander De Croo. L’air drôlement pressé. Et incroyablement inquiet. Eh, monsieur De Croo ! Ce n’était qu’un jeu ! Alexander, reviens, ils vont te rendre fou ! Trop tard. Il avait déjà disparu.

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