DICO 2011

A défaut d’idées, on se bat de nos jours à coups de mots.

La gauche molle contre la gauche forte. Sous Mitterand, les lampions éteints, le pouvoir socialiste avait proclamé venu le temps de la gauche réaliste, ce qui signifiait le super-libéralisme en bretelles rouges ! A quoi ressemblera la gauche espérance que promet François Hollande ? Vu l’état du fond de caisse, on peut soupçonner qu’elle restera un simple jeu de mots.

Et la gauche belge sous Di Rupo, coincée entre libéraux et CD&V, qui clament à haute voix les mots que leur souffle discrètement la N-VA ? Risque-t-on de l’appeler la gauche-droite-malgré-la-tempête ?

Les mots ne veulent décidément plus dire grand-chose. Comparez les mots de bienvenue prononcés par le président Sarkozy à son invité, «le « Guide » Kadhafi, et les mots d’adieu à l’annonce de sa mort.

Ce double langage, cette démocratie à géométrie variable, les « indignés » les dénoncent depuis quelques mois.

Les « indignés », une dénomination qui rappelle les enragés de jadis, contestataires,  révolutionnaires, prêts à renverser l’ordre établi. A l’image des courageux Syriens, Tunisiens, Iraniens descendus dans la rue pour renverser par la parole leurs dictateurs.

Mais nos indignés à nous ? Même Obama et Merkel les trouvent formidables. C’est sans doute le signe qu’au-delà de leurs mots, très justes, on n’entend pas l’écho d’un message alternatif. Un sympathique geste « citoyen » pour utiliser encore un mot devenu aussi exsangue que l’adjectif « bio ».

Remarquez qu’il y a des mots qui disparaissent du paysage médiatique : altermondialistes, par exemple. Que sont-ils devenus ces contestataires qui ont ébranlé la planète il y a dix ans ?  Ministres, banquiers, boutiquiers ?

Preuve que les mots ne signifient plus rien et que les idées ont coulé dans du béton frais, ce titre dans le supplément design du dernier numéro de Victoire. « Devoir de mémoire » au-dessus d’une page présentant la réédition la chaise longue d’une architecte française du siècle passé, Charlotte Perriand.

Emprunter cette expression qui désigne les pires événements du vingtième siècle pour vendre des chaises n’a-t-il pas paru choquant ? La banalisation des mots est le premier pas vers l’effacement de la mémoire et de l’histoire. Et le « devoir de mémoire », il est vrai, bien mis à mal ces derniers temps. Qu’en restera-t-il si on l’utilise pour une pub ? Le plus piquant, c’est que l’architecte en question n’a pas hésité à travailler pour le ministère japonais du commerce et de l’industrie. Et alors, me direz-vous ? C’était pour le Japon impérial et fasciste entre 1940 et 1942…

Je tremble déjà à l’idée du prochain mot branché de cet hiver…

 

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