NE ME REMERCIEZ PAS C’EST CADEAU

 Donner un chèque de 30 000 € à tous les jeunes qui fêtent leurs 25 ans, en voilà une bonne idée ! Bravo aux écolos. Mais, comme l’état fait rarement des cadeaux, méfiance. Quand il vous annonce une mesure spectaculaire, un mécanisme subtil l’empêche toujours de sortir réellement ses effets. L’état n’ayant évidemment pas les moyens de jeter tant d’argent par les fenêtres (c’est sympa mais il ne faut pas rigoler), il envisage diverses mesures d’endiguement. La plus radicale consiste à charger l’armée et la police d’abattre les jeunes juste avant qu’ils n’atteignent l’âge fatidique de 25 ans. 

Idée moins brutale, on pourrait tout simplement supprimer l’âge de vingt-cinq ans, comme certains hôtels évitent d’avoir un treizième étage. A l’état-civil, on passerait directement de vingt-quatre à vingt-six ans. Et le tour est joué. 

On a pensé aussi ne pas verser bêtement ces 30 000 € en espèces ou sur les comptes en banque des jeunes bénéficiaires (chacun devine à quoi ces écervelés les dépenseront) mais de les donner sous forme de tickets de la Loterie nationale ou de billets de Monopoly. La Région wallonne a suggéré de les convertir en actions de la FN. 

On se doute qu’il y aura des tricheurs, des gars et des filles de vingt ans, dont on ne se méfie pas encore, et qui vont trafiquer leurs papiers d’identité pour faire croire qu’ils ont atteint l’âge fatidique afin d’encaisser le chèque avant que le prochain gouvernement ne supprime cette mesure farfelue. 

Qui va payer les milliards destinés à financer cette manne ? Un impôt sur le capital, c’est si simple, a déclaré péremptoire la co-présidente d’Ecolo. Il y a plein de pognon dans notre pays de cocagne. Il suffit de leur piquer une partie de leurs sous. 

A-t-elle pensé que le jour où le parlement votera son projet, il ne restera plus beaucoup de super-riches imposables en Belgique ? Ils se seront fait la malle. Les frontières de nos voisins ne sont pas loin… Et aucun d‘eux n’a assez d’imagination pour promettre pareil cadeau à ses citoyens. 

Restera peut-être quelques oligarques russes installés chez nous à l’abri des sanctions où ils continuent de faire tourner leur business. Interrogé par un de nos confrères, l’un d’eux a répondu qu’il accepte de se faire taxer pourvu que les jeunes bénéficiaires de son sacrifice soient en contrepartie obligés de s’engager pendant un an dans l’armée russe, qui commence singulièrement à manquer de chair fraîche.

Infirmières, médecins, magistrats, pensionnés, pensionnaires et personnel des maisons de retraite, je ne vous donne pas la liste de tous ceux qui pleurent désespérément pour recevoir des sous de l’état (sans compter les dirigeants d’Engie). Vont-ils tous devoir défiler en proclamant « nous aussi on a vingt-cinq ans » ?   

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LES GAIETES DE L’ESCADRON

C’est la fiesta chez Jupiler. Surtout qu’on y faisait grise mine depuis la suppression des 24 h. vélo de Louvain-la-Neuve et la version anémique du baptême à l’U.L.B. On sentait vaciller l’entreprise favorite des supporters de football et des électeurs perdus de Michel Daerden, peut-être même sur le point d’être mise en bière. Mais l’horizon éthylique vient miraculeusement de se dégager grâce au projet de rétablissement du service militaire obligatoire, plébiscité par quatre jeunes Belges sur dix, d’après un sondage de la RTBF. Les jeunes veulent, parait-il, à nouveau goûter aux bienfaits de la culture (du houblon).

C’est sans doute la raison pour laquelle le groupe annonce dans ses objectifs pour la prochaine décennie qu’il souhaite « augmenter les connaissances en matière d’alcool » de la population. Tous ceux qui ont connu jadis les gaietés de l’escadron savent en effet que l’activité principale des miliciens, dans une égalité sociale que personne n’a jamais réussi à reconstituer depuis, consistait à se noircir matin, midi et soir. Le temps est long en attendant l’ennemi qui me fera héros.

Qu’il est doux le son du clairon, le bruit des bottes qui marchent au pas, qu’il est rassurant d’obéir à des ordres sans les comprendre ni les discuter. Tellement moins angoissant qu’étudier ou passer des examens.

La génération des 18-34 ans en a assez des révolutions rêvées par leurs parents et grands-parents, de la remise en question des valeurs qui ont fabriqué la société occidentale et des bricolages politiques qui l’ont déglinguée. De contempler ce joli début de siècle, rythmé par des guerres atroces, des réfugiés par millions, terrorisme, chômage, et tout ça.

Les jeunes ne sont pas les seuls à chercher le bonheur dans un retour vers le futur plutôt que d’imaginer et de construire une société nouvelle. Et d’imaginer que tout ira mieux en retrouvant les fondamentaux vintage que leurs aînés ont balayés : église, armée, suprématie de l’homme blanc propre sur lui.

En Russie, le poids de plus en plus fort de l’église orthodoxe ramène le pays aux douces années de l’époque bénie des tsars. Aux Etats-Unis, des électeurs déboussolés se réjouissent que Trump va leur « rendre » une Amérique blanchie. En France, François Fillon, jadis compagnon des gaullistes de gauche, sentant l’air du temps, a opportunément arraché quelques pages du programme du FN, rappelé ses réserves sur l’avortement, promis de mettre les fonctionnaires à la porte. S’il est élu, il s’engage à nommer Michel Debré premier ministre et Antoine Pinay à l’économie. Avec les progrès de la science et de la photocopieuse 3-D, tout est désormais possible. Même une plongée rafraichissante dans Jurassic Park.

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