CROISE

Les Français ont inventé le chassé-croisé des vacances. Pendant que les juilletistes bronzés remontent du sud, pare-chocs contre pare-chocs, les aoûtiens couleur cachet d’aspirine descendent du nord, pare-chocs contre pare-chocs.

Ce système a inspiré les Turcs qui viennent de proposer à l’Union européenne de l’adapter aux réfugiés syriens et irakiens. Un million d’hommes, de femmes et d’enfants seront ramenés de Grèce ou des Balkans vers l’accueillante terre des pachas, croisant au passage un million d’hommes, de femmes et d’enfants en route vers la Grèce, qui à leur tour, quelques semaines plus tard, seront renvoyés vers les plages ottomanes et ainsi de suite. Dans un carrousel perpétuel jusqu’à la fin de la guerre de Syrie, la destruction de Daesh ou la mort des réfugiés. Je vous laisse choisir laquelle de ces échéances sera atteinte la première…

On évitera d’ironiser sur le terme « croisés » appliqué ici aux habitants d’une région qui fut le cœur de l’empire musulman à l’époque des conquêtes chrétiennes. On saluera plutôt le remarquable sens des affaires du grand vizir Erdogan qui a fait fort question prix du transport et du séjour des occupants du carrousel.

Comme il est en position de monopole, personne ne lui opposera les prix de la concurrence, surtout pas les Européens qui ont pourtant fait de cette règle la pierre angulaire de la construction de l’Union. Six milliards d’euros, annoncent les Turcs, qui se gardent bien d’ajouter qu’une fois ce chèque encaissé, la note va encore s’alourdir avec les suppléments (et le pourboire).

Pour faire circuler tous ces passagers, il faut des autobus. Varan, Kamilkoc, toutes les compagnies turques  sont à votre disposition. Des avions aussi grâce à Turkish airlines. Et des bateaux. Seul point positif de l’opération : c’est le contribuable européen qui payera les passeurs et plus les pauvres réfugiés, ce qui est moralement beaucoup plus sain.

Les Turcs exigeront qu’on leur construise des routes pour faire passer l’énorme convoi d’autobus chargé d’assurer cette noria. Des ponts sur le Bosphore (évitons les tunnels). On y ajoutera un peu d’argent pour le développement d’aéroports et l’élargissement de tous les ports turcs de la Méditerranée.

Sans oublier l’érection de milliers de salles d’attente où les réfugiés fraîchement arrivés de Grèce attendront le bus, le bateau ou l’avion qui devra les ramener d’où ils sont partis.

Tout ça a un prix, que les Européens, si prompts à dénoncer les dérapages budgétaires des états membres, sont prêts à payer les yeux fermés aux Turcs.

Qu’ils se rappellent pourtant de ce vieux proverbe ottoman : « Ne croyez pas qu’en laissant vos cheveux chez le coiffeur, vous l’avez payé. »

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BOUSSOLE

Le prix Nobel de médecine a été attribué à un trio de profs de neurosciences. Ces chercheurs, dont une femme norvégienne (non ! pas suédoise !) et son mari ont découvert qu’au fond de notre cerveau se cachait un super petit GPS.

Cette information me laisse perplexe, moi qui ne suis jamais parvenu à me diriger sans faire mille détours et qui me plante en essayant d’aller de la gare de Schaerbeek à la gare du Nord (évidemment, il y a beaucoup de travaux sans parler des sens uniques). Dois-je en conclure que je ne fais pas tout à fait partie de la race humaine ?

S’il faut choisir le critère du GPS pour distinguer l’homme de la bête, les soldats du califat islamiste sont manifestement plus humains que moi car eux, ils savent où ils vont et ne se laissent pas détourner le moins du monde par les petites bombes et autres artifices que tout le monde (sauf les Turcs) y compris nos braves trouffions leur balancent du ciel. Il faut dire que celui qui programme la boussole des djihadistes vit bien au-dessus des avions et des satellites.

Et Charles Michel ? La nature l’a-t-elle doté de ce fameux GPS interne ?

Oublions que le GPS a été mis au point et continue d’être aux mains du Pentagone. Qu’une Suédoise belge, même pas blonde, soit programmée depuis Washington, cela paraît peu probable.

En revanche, pareil système intégré au fin fond du ciboulot peut se révéler drôlement utile en cas de co-voiturage, une pratique qui a certainement les faveurs d’un habitant comme lui du Brabant wallon obligé de « navetter » tous les jours vers la capitale.

Placé au volant pour une longue route – du moins, on l’espère pour lui-, en compagnie de passagers un peu agités et qui parlent les uns sur les autres et sans sous-titres, Charles Michel va devoir faire la preuve des capacités de son cerveau maintenant qu’il est face à un test grandeur nature. Ou il parvient à se jouer des tournants (bochten), des dos d’âne et autres gendarmes couchés (verkere drempels), des détours (omleiding) et des virages en épingle à cheveu (U-bocht) sans compter les voies barrées (opgelt ! werken !) surtout la nuit par des opposants prêts à tout pour lui mettre des bâtons dans les roues, voire à lui crever les pneus, ou il est comme moi : il fonce droit dans le mur même quand l’obstacle devant lui est gros comme un Bart De Wever cuvée 2010.

Le problème du co-voiturage, tous les spécialistes vous le diront, n’est pas de choisir la bonne route. Le vrai défi est de décider dans quel ordre on va déposer les passagers et quel détour on va prendre pour que chacun arrive à bon port sans perdre trop de temps. Or, avec un GPS, programmé pour ne jamais indiquer la gauche, M. Michel risque de finir par tourner en rond.

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