CHACUN CHERCHE SON CHAT

D’après IBM, le nouvel ordinateur quantique qu’il met au point renverra nos plus superbes Lap-Top à la casse. Un ami a essayé un jour de m’expliquer la théorie des quanta. J’en suis sorti émerveillé et terrifié, en tout cas pour ce que j’en avais vaguement saisi. Voyant ma mine ahurie, il a essayé d’imager sa leçon par le paradoxe du chat. Selon la théorie des quanta, un chat peut se trouver à la fois dans son panier et sur mes genoux dans la même pièce, énervé d’un côté parce que j’ai oublié les croquettes de Sa Seigneurie et en même temps somnolent et repu au creux de mon ventre.

On imagine les applications fabuleuses de ce nouvel ordinateur qui permettra de tenir une double comptabilité sans vous compromettre puisqu’elle sera initiée à votre insu de votre plein gré, d’établir une société à Bruxelles et à Panama (ah ça, il paraît que ça existe déjà), de gérer vos deux ménages, celui avec votre femme légitime et celui avec votre maîtresse, sans jamais vous tromper dans la date de leurs anniversaires ni dans les destinations de vacances promises à l’une et à l’autre. Plus fort encore, selon cette théorie magique, votre maîtresse sera le sosie de votre épouse même si elles gardent chacune son caractère. L’une vous cajole pendant que l’autre vous fait une scène.

La théorie des quanta permet aussi de prolonger la découverte que viennent d’annoncer des chercheurs liégeois. Deux exo-planètes ressemblant à notre bonne vieille terre tournent à un certain nombre de kilomètres de Molenbeek  autour d’un petit soleil pareil au nôtre ou à peu près.

D’après nos amis liégeois (Liège, c’est la Marseille de Belgique), il n’y a qu’un pas avant de conclure que ces mondes sont habités par des créatures vivantes. A quoi ressemblent-elles ? Petits hommes verts, monstres préhistoriques, pieuvres géantes et baveuses ? Oubliez ces fantasmes tirés de BD américaines des années cinquante. En vertu de la théorie des quanta, voilà ce que verront les premiers astronautes qui survoleront ces nouveaux mondes : la reproduction exacte du nôtre. Devant leurs yeux hagards, ils observeront des humains exactement semblables à eux, à leurs parents, à leurs enfants. Il y aura une ville de Liège, avec une gare Calatrava, une passerelle flambant neuve sur la Meuse, des boulets sauce lapin en veux-tu en voilà. Il y aura des Flamands et des Wallons. Poutine, Erdogan et Daesh aussi. Mais le comportement de chacun sera différent de leurs homologues terrestres s’il faut en croire le paradoxe du chat. Dans ce monde parallèle, les djihadiste seront doux comme des moines bouddhistes, Charles Michel le redoutable grand vizir de l’empire ottoman et Bart De Wever, bourgmestre de Bagdad. Sûr que là-bas, les choses tourneront mieux que dans notre monde inachevé…

www.berenboom.com

CROISE

Les Français ont inventé le chassé-croisé des vacances. Pendant que les juilletistes bronzés remontent du sud, pare-chocs contre pare-chocs, les aoûtiens couleur cachet d’aspirine descendent du nord, pare-chocs contre pare-chocs.

Ce système a inspiré les Turcs qui viennent de proposer à l’Union européenne de l’adapter aux réfugiés syriens et irakiens. Un million d’hommes, de femmes et d’enfants seront ramenés de Grèce ou des Balkans vers l’accueillante terre des pachas, croisant au passage un million d’hommes, de femmes et d’enfants en route vers la Grèce, qui à leur tour, quelques semaines plus tard, seront renvoyés vers les plages ottomanes et ainsi de suite. Dans un carrousel perpétuel jusqu’à la fin de la guerre de Syrie, la destruction de Daesh ou la mort des réfugiés. Je vous laisse choisir laquelle de ces échéances sera atteinte la première…

On évitera d’ironiser sur le terme « croisés » appliqué ici aux habitants d’une région qui fut le cœur de l’empire musulman à l’époque des conquêtes chrétiennes. On saluera plutôt le remarquable sens des affaires du grand vizir Erdogan qui a fait fort question prix du transport et du séjour des occupants du carrousel.

Comme il est en position de monopole, personne ne lui opposera les prix de la concurrence, surtout pas les Européens qui ont pourtant fait de cette règle la pierre angulaire de la construction de l’Union. Six milliards d’euros, annoncent les Turcs, qui se gardent bien d’ajouter qu’une fois ce chèque encaissé, la note va encore s’alourdir avec les suppléments (et le pourboire).

Pour faire circuler tous ces passagers, il faut des autobus. Varan, Kamilkoc, toutes les compagnies turques  sont à votre disposition. Des avions aussi grâce à Turkish airlines. Et des bateaux. Seul point positif de l’opération : c’est le contribuable européen qui payera les passeurs et plus les pauvres réfugiés, ce qui est moralement beaucoup plus sain.

Les Turcs exigeront qu’on leur construise des routes pour faire passer l’énorme convoi d’autobus chargé d’assurer cette noria. Des ponts sur le Bosphore (évitons les tunnels). On y ajoutera un peu d’argent pour le développement d’aéroports et l’élargissement de tous les ports turcs de la Méditerranée.

Sans oublier l’érection de milliers de salles d’attente où les réfugiés fraîchement arrivés de Grèce attendront le bus, le bateau ou l’avion qui devra les ramener d’où ils sont partis.

Tout ça a un prix, que les Européens, si prompts à dénoncer les dérapages budgétaires des états membres, sont prêts à payer les yeux fermés aux Turcs.

Qu’ils se rappellent pourtant de ce vieux proverbe ottoman : « Ne croyez pas qu’en laissant vos cheveux chez le coiffeur, vous l’avez payé. »

www.berenboom.com