L’OPIUM DU PEUPLE

Jadis, la Russie soviétique et la Cuba castriste partageaient la même haine de l’opium du peuple. Curés, prêtres et autres gens de robe devaient se tenir à carreau pour échapper à la persécution. Puis, il y eut la grande cassure, la chute du mur et de tout l’empire soviétique. Sur les ruines de l’empire, on vit Eltsine puis Poutine, devenus plus catholiques que le pape, si l’on ose dire, parader avec les représentants de l’église orthodoxe. Et le pape Jean Paul II se précipiter dans la patrie du communisme tropical pour serrer dans ses bras Fidel, redevenu soudain fils bien aimé de l’Eglise.
Chacun semblait avoir choisi son camp. A ma droite les Russes, flattant les dignitaires orthodoxes de Moscou; à ma gauche, Cuba, séduisant le pape de Rome. Tous deux se tournant le dos.
En quelques mois, Cuba, lâché par ses anciens protecteurs aurait sombré économiquement si le fan-club de Neckermann ne s’était précipité à son secours. Indifférente à son ancienne colonie, la Russie avait d’autres chats à fouetter que les cannes à sucre et les bases militaires de l’Amérique tropicale.
Or voilà que La Havane et Moscou viennent de renouer spectaculairement leurs relations. Une flottille militaire russe est revenue mouiller près de la capitale cubaine, tandis que Raul Castro part pour une semaine exhiber son bel uniforme vert bouteille dans la capitale russe.
Mais, quoi de plus symbolique pour marquer ce rapprochement que cet événement, passé trop inaperçu : l’inauguration de la première église orthodoxe de l’île par le nouveau patriarche de Moscou et de toutes les Russies, le métropolite Cyrille ?
Pourquoi Moscou s’intéresse-t-elle à nouveau à la petite île américaine ? Pour le sucre ? Non, merci, celui de Tirlemont est mieux emballé. Pour la base militaire ? Guantanamo va être vidé de ses terroristes, malgré les protestations de Anne-Marie Lizin, mais elle ne sera pas avant longtemps en état de remplacer les camps de Sibérie (la base, pas Lizin).
Non, ce qui fait revenir les Russes à La Havane, c’est Dieu. Jadis, pour faire ami-ami avec Moscou, il fallait embrasser la faucille et le marteau, cracher sur la bible et agiter les photos de Marx, Lénine et de leurs étranges rejetons, Brejnev et consorts. Maintenant, le dernier chic, c’est d’exhiber des prêtres barbus (ça tombe bien !), dresser la croix et admirer Jésus (un barbu, encore) et ses étranges rejetons, Poutine et consorts.
Les voies du seigneur sont décidément impénétrables. Il est un peu paradoxal que Dieu ait soufflé à Poutine le tuyau pour revenir à Cuba plutôt qu’à G.W Bush, qui était pourtant en permanence branché sur sa ligne.

Alain Berenboom
www.berenboom.com