ELOGE DU MARIAGE

chronique
La série boys meet girls évolue : jadis les amoureux se rendaient en chantant à l’hôtel de ville. Puis sont apparues les premières fissures avec la disparition de temps en temps d’un des promis au moment de l’échange des consentements. Un pas de plus a été franchi dans la bonne ville de Saint-Nicolas : cette fois ce sont les deux fiancés qui se sont enfuis, refusant que leur mariage soit célébré par un échevin noir.
Pendant longtemps, le mariage a été un acte majeur et unique de la vie, aussi exceptionnel que la naissance et la mort. Un sacrement, béni par Dieu – le seul moment de notre existence où le Créateur daignait jeter un œil fatigué sur les simples mortels qu’il avait conçus un jour de distraction et de mélancolie. Avec la laïcisation du mariage – et la légalisation du divorce – le ver était dans la pomme. L’apparition de la pilule, pardon mesdames ! – a définitivement mis l’institution par terre. Le représentant de Dieu n’est plus ce brave curé de campagne qui a baptisé les enfants et les a fait sauter sur ses genoux, qui connaissait tous les secrets de famille, raccommodait les bobos et les plaies, empêchant les époux de s’étrangler –seule issue à cette époque pour échapper à la mort du couple. Et les échevins et bourgmestres ne sont plus ces notables moustachus dont on a connu les parents et qui dirigeaient d’une main paternelle la commune de père en fils. Alors, quel sens a encore le mariage ? A qui confier l’union de nos destinées ?
Voilà sans doute ce que pensaient ces fiancés de Saint-Nicolas lorsqu’ils ont cru voir surgir le père Fouettard. Ils sont du genre à gémir que les curés d’aujourd’hui sont parfois africains et les échevins noirs, beurs, juifs sinon homosexuels; pire : parfois même des femmes ! Eh oui, messieurs-dames, le mariage n’est plus une promesse à la vie et à la mort. C’est un contrat rarement aussi long qu’un bail commercial et beaucoup moins stable, sans garantie du bailleur et bourré de vices plus ou moins cachés contre lesquels aucune réclamation n’est admise. Un contrat qu’on peut impunément rompre sans préavis et trahir avant que l’encre des signatures ne soit sèche.
Et si, malgré tout, vous voulez vous marier, que l’amour vous monte à la tête, qu’il sauve tout et que l’union vous est nécessaire comme l’ivresse, comment osez-vous réagir avec une telle bêtise ? Ce n’est pas à vous de refuser le mariage, c’est le mariage qui devrait vous être refusé. Mais, bon, puisque c’est saint Valentin même à Saint Nicolas, un seul souhait : vivez heureux et faites plein de petits Belges aussi colorés, bigarrés et différents que les échevins d’aujourd’hui.

Alain berenboom
www.berenboom.com