HOU, HOU ! FAIS-MOI PEUR !

  Il paraît qu’on enregistre dans plusieurs régions du monde un retour remarqué des fantômes. On les croyait oubliés, tremblant de froid, le suaire humide, leurs vieilles chaînes rouillées, dans quelque château d’Ecosse depuis plus d’un siècle. Et les samouraïs vengeurs du Japon, on les disait disparus dans l’explosion de la première bombe atomique à Hiroshima le 6 août 1945.

   Est-ce la grande peur liée à la pandémie de covid, la succession d’attentats terroristes depuis le début de ce siècle ou de guerres violentes, inexplicables et insensées au Yemen, en Ukraine ou au Soudan qui les a réveillés ? Peut-être l’internet, les robots, la réalité augmentée, le métavers ? L’origine de ce regain des spectres reste discutée mais les psy de tous poils nous l’assurent, les fantômes sont de retour. Dans leurs cabinets, les patients angoissés sont de plus en plus nombreux à en porter témoignage. Cependant, les spectres new wave ne ressemblent plus aux clichés immortalisés par Willy Vandersteen (dans son merveilleux « Fantôme espagnol ») ou à The Phantom de Lee Falk ou au petit et adorable Casper. Ni aux innombrables fantômes des mangas japonaises. 

  Aux Etats-Unis, les morts-vivants se sont emparés de la présidence des Etats-Unis, entre un ex-président transformé en zombie vengeur et un gentil fantôme à l’ancienne. En Grande-Bretagne, le roi Charles III monte tout sémillant sur le trône à 74 ans. On attend que sa maman participe à la cérémonie comme toujours mais plus transparente que jamais. Lorsque Charles III prendra sa pré-pension après 40 ans de règne, il devrait ressembler au père d’Hamlet, l’ex-roi du Danemark transformé en spectre.  

En Russie, Vladimir Vladimirovitch, le vrai, a été effacé depuis longtemps pour être remplacé par une espèce de clone fabriqué par un savant fou, qui a l’apparence de Poutine mais qui a été mélangé avec le cerveau de Staline et les cendres de Brejnev. 

   En Chine, il y a eu tant de décès dans les camps et les prisons qu’on s’attend à un retour brutal de tous ces morts-vivants venus réclamer des comptes. Que fera Xi-Jinping et sa puissante armée face à cette invasion venue du néant ? 

   Tous ces spectres déconcertants devraient prendre garde. Car les populations, un peu partout sur la planète, lassées de vivre dans un climat de peur permanente, entre les promesses de fin du monde, les catastrophes dues au réchauffement climatique et la multiplication de conflits incompréhensibles, pourraient être tentés de faire appel à des robots intelligents mais méchants et sans état d’âme pour les départager. 

  Qu’est-ce qu’on s’amuse au XXIème siècle ! 

PS : qui aime les fantômes doit lire ou relire toutes affaires cessantes « La Symphonie des Spectres » de John Gardner (Denoël ou Points Seuil).

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DESINFECTEZ LES FANTOMES AVANT USAGE

Était-ce un sombre pressentiment ? Quand le corona-virus a commencé à se répandre, j’étais en pleine rédaction d’un nouveau roman dont les personnages principaux étaient des fantômes. Des morts transformés en esprits errants. Il a fallu l’arrivée de l’épidémie pour que je me demande si mes fantômes étaient contagieux. Pouvaient-ils communiquer le virus en se déplaçant à travers les murs ? Je vais y penser pour la suite. Y a-t-il un docteur dans la salle ?

Curieusement, les histoires de fantômes ont accompagné les grandes épidémies. Ont-elles influencé les auteurs du genre ? Donné au public l’envie de se promener entre la vie et la mort ? C’est une thèse qui mérite d’être étudiée. Les Anglais sortaient de l’épidémie de peste quand apparurent les premiers romans gothiques. Ils ont beaucoup aimé le genre au XIX ème siècle (Dickens, Wilde) lorsque l’empire était ravagé par l’épidémie de choléra. La maladie a aussi touché la France. Ce qui a peut-être donné le goût des fantômes à Maupassant ou à Jules Verne –alors que les Français n’ont pas montré en d’autres périodes le moindre goût pour le fantastique. Quand Gaston Leroux s’y est mis à son tour (son merveilleux « Fantôme de l’Opéra »), la république sortait à peine de la ravageuse épidémie de grippe espagnole… 

En ces temps de voyage autour de votre chambre, profitez-en pour plonger dans des histoires de fantômes. Il y en a de plus récentes, que je vous recommande pour vous changer de la science-fiction post-apocalyptique : « L’Homme vert » de Kingsley Amis et la sublissime « Symphonie des Spectres » de John Gardner. Quant à vos enfants, ils vous laisseront en paix (environ quatorze minutes) si vous leur glissez entre leurs doigts pleins de chocolat « Le Fantôme espagnol », la plus belle aventure de Bob et Bobette ! 

Avoir le temps de lire, d’écrire, de discuter avec les enfants et les petits-enfants (si vous l’osez), tout n’est pas sinistre dans cet étonnant moment où l’histoire s’est mise en pause. Samedi dernier, il y avait du monde au Bois de la Cambre. Certains vous lançaient un coup d’œil inquiet si vous passiez trop près d’eux. D’autres jetaient des regards torves aux pigeons. Ils auraient mieux fait de se garder des chauves-souris et des pangolins. Mais je n’en ai pas aperçu beaucoup gambadant le autour du lac malgré un soleil lumineux, d’un blanc irréel, une lumière italienne (aïe !) annonçant le printemps. Partout, dans les allées, des promeneurs joyeux, beaucoup de gosses, une atmosphère de fête. Préfigurant celles qu’on va organiser quand les vilaines bêbêtes auront eu l’amabilité de se faire voir ailleurs. Dans le monde des spectres de préférence. Un avant-goût d’une autre façon de vivre en société ? On peut rêver…

Alain Berenboom 

SALES GHOSTS !

27 ou 28 ? On s’interroge. Combien de nations seront-elles représentées dans le prochain parlement européen ? A propos des futurs élus britanniques, on parle de parlementaires fantômes. Mais les autres, sont-ils plus consistants ? 

Ce qui est reposant avec le parlement européen, c’est qu’une fois élu, on n’en entend plus parler pendant cinq ans. 

Sauf à l’occasion de l’un ou l’autre scandale – et il faut que ce soit du lourd. Comme « l’achat » de la voix d’une poignée de parlementaires par des lobbyistes. Ou les salaires versés aux assistants parlementaires du Front (Rassemblement) national français soupçonnés d’avoir travaillé pour leur parti sans savoir qu’ils étaient sur le payroll du Parlement.  

Remercions ces 751 élus qui nous laissent en paix, ne s’invectivent pas devant les caméras et les micros, ne cherchent pas de poux aux membres de la commission et du conseil et ne font surtout jamais de vagues. Ca vaut mieux. Les toitures du parlement européen ne sont pas très sûres. Le plafond de l’hémicycle de Strasbourg s’est effondré en 2008 sur les sièges des élus (heureusement absents). Alors, attention, danger ! Surtout, messieurs-dames, n’élevez pas la voix !

Avec une rémunération mensuelle de 8.757 €, les élus doivent provoquer quelques larmes d’envie à leurs collègues politiciens qui ont préféré siéger au conseil communal de Jehay-Bodegnée plutôt qu’à l’assemblée de Bruxelles-Strasbourg. 

Ne me faites pas dire que leur travail est inutile. Certainement pas. Beaucoup étudient, proposent, rédigent, occupent la tribune. Mais les règles sont ainsi faites que leurs textes péniblement votés après des semaines de discussions passent et repassent par la Commission, qui les modifie, les édulcore, les rend plus compliqués. Avec des exceptions qui fusent dans tous les sens pour ne pas déplaire aux uns ou aux autres. Puis, cette nouvelle version revient devant le parlement qui va les tricoter et détricoter, tiraillé par les intérêts des différents partis, des états membres et des lobbys qui pullulent autour d’eux comme des colonies de moustiques. A la fin, le travail poli ou pas part au Conseil des Ministres qui fera de toute façon de ce texte ce qu’il voudra. Ou le mettra à la poubelle. 

A chaque élection, il ne manque pas de candidats, d’hommes et de femmes politiques qui, la voix vibrante, nous annonce que voter pour le parlement européen, c’est sauver le continent, la paix, les générations futures, etc. Il est louable de mettre en lumière cette belle utopie, qu’on payé de deux guerres mondiales. Mais, à force de patiner, de se regarder le nombril et de tourner comme une toupie dans un labyrinthe, l’Europe finira par s’éteindre.

Resteront alors dans les enceintes du parlement fantôme, les spectres des derniers élus pour rire jaune.  

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