LES GAIETES DE L’ESCADRON

C’est la fiesta chez Jupiler. Surtout qu’on y faisait grise mine depuis la suppression des 24 h. vélo de Louvain-la-Neuve et la version anémique du baptême à l’U.L.B. On sentait vaciller l’entreprise favorite des supporters de football et des électeurs perdus de Michel Daerden, peut-être même sur le point d’être mise en bière. Mais l’horizon éthylique vient miraculeusement de se dégager grâce au projet de rétablissement du service militaire obligatoire, plébiscité par quatre jeunes Belges sur dix, d’après un sondage de la RTBF. Les jeunes veulent, parait-il, à nouveau goûter aux bienfaits de la culture (du houblon).

C’est sans doute la raison pour laquelle le groupe annonce dans ses objectifs pour la prochaine décennie qu’il souhaite « augmenter les connaissances en matière d’alcool » de la population. Tous ceux qui ont connu jadis les gaietés de l’escadron savent en effet que l’activité principale des miliciens, dans une égalité sociale que personne n’a jamais réussi à reconstituer depuis, consistait à se noircir matin, midi et soir. Le temps est long en attendant l’ennemi qui me fera héros.

Qu’il est doux le son du clairon, le bruit des bottes qui marchent au pas, qu’il est rassurant d’obéir à des ordres sans les comprendre ni les discuter. Tellement moins angoissant qu’étudier ou passer des examens.

La génération des 18-34 ans en a assez des révolutions rêvées par leurs parents et grands-parents, de la remise en question des valeurs qui ont fabriqué la société occidentale et des bricolages politiques qui l’ont déglinguée. De contempler ce joli début de siècle, rythmé par des guerres atroces, des réfugiés par millions, terrorisme, chômage, et tout ça.

Les jeunes ne sont pas les seuls à chercher le bonheur dans un retour vers le futur plutôt que d’imaginer et de construire une société nouvelle. Et d’imaginer que tout ira mieux en retrouvant les fondamentaux vintage que leurs aînés ont balayés : église, armée, suprématie de l’homme blanc propre sur lui.

En Russie, le poids de plus en plus fort de l’église orthodoxe ramène le pays aux douces années de l’époque bénie des tsars. Aux Etats-Unis, des électeurs déboussolés se réjouissent que Trump va leur « rendre » une Amérique blanchie. En France, François Fillon, jadis compagnon des gaullistes de gauche, sentant l’air du temps, a opportunément arraché quelques pages du programme du FN, rappelé ses réserves sur l’avortement, promis de mettre les fonctionnaires à la porte. S’il est élu, il s’engage à nommer Michel Debré premier ministre et Antoine Pinay à l’économie. Avec les progrès de la science et de la photocopieuse 3-D, tout est désormais possible. Même une plongée rafraichissante dans Jurassic Park.

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PAS DE FUMEE SANS FEU

  Ne comptez pas sur moi pour dénoncer la politique de l’église catholique, apostolique et romaine ! Pour crier au loup avec les Femen (mes seins ne sont pas à la hauteur, à mon grand regret) ! Comment reprocher à l’Eglise du Christ de vendre les produits et services de son fonds de commerce plutôt que ceux de ses concurrents ? Demander au pape de célébrer le mariage gay, d’approuver l’avortement ou l’euthanasie, d’admettre l’ordination des femmes, ce serait proposer à Mac Donald de supprimer la graisse dans ses cuisines et de viser les étoiles du Michelin.

Même si un pape noir avait été choisi, personne n’aurait cru à un Obama coiffé d’une mitre s’avançant dans de petites pantoufles rouges. L’Eglise est réactionnaire. Une nouvelle preuve avec cette histoire de fumée qui a fasciné la planète cette semaine. Fumée noire, fumée blanche. On se serait cru à la finale du 100 mètres olympique ou à celle de The Voice. Oh ! Ah ! Sur écran géant ! Tout le monde s’extasiait devant ces volutes qui s’échappaient de la chapelle Sixtine. Sans que personne ne s’avise que la loi a changé : même dans l’état du Saint Siège, il est interdit de fumer dans les lieux publics. A fortiori dans les musées. Or, voilà que les cardinaux, au lieu de griller leur clope à l’ombre du porche comme tout le monde, ont passé leur temps à flamber leur paquet de Marlboro, de Ninas, ou à s’allumer un pétard dans un des lieux témoins les plus fascinants de l’art occidental de la Renaissance, au milieu des chefs d’œuvre de Michel Ange, du Pérugin, de Botticelli.

Pourtant, les inscriptions « danger » qui protègent la santé des fumeurs sont là. L’immense fresque du Jugement dernier de Michel Ange n’avertit-elle pas (de façon jésuite, forcément jésuite) que le cancer guette les intoxiqués ? Mais, à leur âge, les hauts dignitaires se moquent de l’état de leurs poumons. Les voies (respiratoires) du Seigneur sont impénétrables.

Que les nouveaux dirigeants de Rome prennent garde de céder aux sirènes des media. Beaucoup attendent du pape François qu’il dépoussière enfin là où ses prédécesseurs ont refusé de passer le plumeau. C’est une erreur. Que le souverain pontife poursuive sa route en regardant derrière lui dans sa pampa-mobile et en évitant de jeter l’enfant Jésus avec l’eau du baptême. Gaucho, oui. Mais de gauche, non ! A quoi distinguera-t-on un bon catholique d’un bête sans-Dieu si le divorce, le préservatif ou (Dieu nous en garde !) la femme sont reconnus par l’église ?

Chacun à sa place ! Dans cette époque troublée et sans repères, si les Pussy Riots (bénies soient-elles !) devenaient des modèles, des saintes aussi pour les pèlerins pieux et les moines ermites, que resterait-il aux indignés, aux contestataires, aux démocrates, sinon leurs yeux pour pleurer ?

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