Un tour de passe-passe

La Wallonie va mal ? Elle croule sous les scandales ? Monsieur Leplan Marshall est aux abonnés absents ? Le grand prix de F1 va coûter aux contribuables le prix d’une autoroute ? Les chauffeurs du T.E.C. sont trop déprimés pour se lancer dans une nouvelle grève ? Fiers Wallons, ne vous laissez pas aller ! Une fois de plus, vos dirigeants éclairés ont trouvé la parade. Avec l’aide des Italiens -comme d’habitude. Non, je ne parle pas du ministre-président-bourgmestre. Après les « affaires », laissons di Rupo au repos. Ni du président Kubla (de quoi est-il président au fait ?) qui a signé, dans le brouillard de la fumée des cigarettes, tant de versions différentes des contrats avec sir ou lady Ecclestone (les photos sont trompeuses) qu’il ne sait plus très bien laquelle est la bonne. Le nouveau truc qui va remettre la Wallonie à flots s’appelle le Giro. Pour tamponner les malheurs de la région et consoler les chômeurs, le prochain tour d’Italie se courra en Wallonie. C’est pas une grande idée, ça ? Digne du contrat pour l’avenir et du plan Marshall ?
Seraing, Charleroi, même Perwez, Wanze et Hotton seront villes-étapes, sans oublier, pardon, pardon, Mons, le Gbadolite wallon. Le montant payé aux organisateurs pour le spectacle dépasse le million d’euros (monsieur Ecclestone n’ayant pas encore pris la direction du Giro, les royalties restent sagement liées au cours de la lire plutôt qu’à celui de l’uranium enrichi). Je vous l’accorde, pour les dirigeants italiens, la Wallonie était un second choix. Le Giro 2006 devait initialement partir d’Amsterdam et rejoindre la Botte par l’Allemagne. Mais, comme ni les Hollandais, ni les Allemands n’en ont voulu, les Wallons l’ont eu en solde. Pas comme la F1 payée au prix plein et lié au cours du pétrole jusqu’en 2010. Rien de tel ici. Le contrat ne porte que sur un an. Même que c’est le président Van Cauwenbergh qui le jure (il est resté à la tête de l’événement pour obliger ses interlocuteurs à continuer à l’appeler président). Pas question donc de confondre le Giro avec Francorchamps. Ni avec la gestion des habitations sociales. Que dis-je ? Les habitations sociales ? Vous avez raison de protester : le F1, le Giro sont des dépenses légales. Cela s’appelle du pain et des jeux : du spectacle officiel pour le bon peuple. Rien de commun avec le vin et les jeux, dont la jouissance était initialement réservée à certains échevins et autres dirigeants d’habitations sociales, et qui ne sont devenus d’excellents spectacles populaires qu’après-coup, une fois sortis de l’ombre. Donc, dormons en paix et d’avance, réjouissons-nous : le vélo, c’est sûr, va doper les Wallons.

Alain Berenboom

Paru dans LE SOIR