LIBERTE, JE CRIE TON NOM !

   Ode à la résistance écrit en 1942, « Liberté », ce beau poème de Paul Eluard continue de bercer l’actualité. Sur mes cahiers d’écolier/ Sur mon pupitre et les arbres/ Sur le sable sur la neige/ J’écris ton nom.

   Sauf qu’aujourd’hui, on ne pose plus le mot avec douceur sur le papier, on le crie. 

   Depuis la disparition des idéologies, chacun est devenu son propre héros. Et il entend le faire savoir. Avec l’arrivée des réseaux sociaux, le culte du moi permet d’être gravé dans le marbre virtuel d’internet. Et pas question de critiquer ou censurer les propos du héros. Ce serait déboulonner sa statue, nier sa stature. 

   Désapprouver les certitudes de tous ces quidams devenus héros, c’est porter atteinte à leur liberté. Critiquer les anti-vax, par exemple. Je refuse de me faire piquouiller, c’est ma façon d’affirmer ma liberté, déclarent les opposants au vaccin. Qui préfèrent mourir, à bout de souffle, au nom de leur soi-disant liberté dans un coin obscur d’une salle de réanimation que de vivre avec quelques gouttes de Pfeizer ou Moderna dans leur précieux corps immaculé. 

   Parmi ces joyeux drilles, il y a même quelques médecins égarés. Tenez, le docteur Hoeyberghs. Ce chirurgien a écrit au Conseil de l’Ordre des Médecins pour se plaindre de son collègue, le virologue Marc Van Ranst, « qui occupe un poste secondaire de propagateur de folie dans les médias” (sic). Il a aussi lancé, avec une centaine d’autres, une procédure en référé contre l’État afin de suspendre les mesures sanitaires prises pour lutter contre la pandémie de coronavirus. Des mesures qui, selon lui, constituent une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. “La pauvreté intellectuelle de leur argumentation est stupéfiante”, a notamment répondu le juge.

  Toujours soucieux d’affirmer sa liberté d’opinion, même si elle se révèle complètement cinglée, le Dr Hoeyberghs a été invité à un séminaire d’un club d’étudiants à l’Université de Gand devant lesquels il a tenu des propos hallucinants sur les femmes. Son boulot de chirurgien plastique n’ayant démoli que quelques clientes, il s’en est pris cette fois à la gent féminine dans son ensemble avec une vulgarité et une violence inouïes. Ce qui lui vaut une condamnation prononcée il y a quelques jours par le tribunal correctionnel de Gand (Dr Zinzin va en appel). Une condamnation qui fait l’objet de discussions. Où s’arrête la liberté d’opinion ? demandent sans rire certains parlementaires notamment N-VA, qui proposent de revoir la loi contre le sexisme. 

  Dans bien des pays, on doit nous envier de pouvoir organiser pareils débats sur la liberté alors que là-bas, on n’a même pas le droit d’ouvrir la bouche. On les consolera en citant Henri Jeanson :  La liberté est une peau de chagrin qui rétrécit au lavage de cerveau.     

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CRISE EN THEME

Depuis combien de temps nous promet-on pour bientôt « le bout du tunnel » ? Cette éreintante litanie qui nous force à arpenter des voies sans fin. 

Le ton a changé au début du mois. On nous a alors poussés dehors. Allez, ouste ! Respirez le printemps ! Cueillez des fleurettes, humez les nouvelles pousses ! 

Patatras, ça n’a pas duré ! Cette semaine, retour brutal du frisbee. On nous ordonne soudain d’éviter tout commerce avec les autres. Et de retourner arpenter à quatre et masqués ce fichu tunnel, qui nous mènera peut-être en été… Qui sait ?  

Rappelez-vous cependant cette réflexion du dirigeant du syndicat français CGT quand Jacques Chirac a lui aussi prétendu voir « le bout du tunnel » : « S’il voit le bout du tunnel, c’est qu’il marche à reculons et qu’il confond l’entrée avec la sortie. »

Comme lui, nous avons l’impression de retourner un an en arrière quand tout a commencé et que déjà on nous assurait que dans deux, trois mois, nous verrions le bout…

On l’a compris, seule une vaccination de masse pourra remettre le wagon sur les rails. Mais elle s’étire, patine. On perd son temps à discuter sur le système d’inscription, le nombre de téléphonistes. On s’étripe pour décider qui vacciner après les ancêtres, les vieux et les survivants. Les profs ? (A quoi bon ? Ils n’ont plus d’écoles). Les flics ? Les bibliothécaires ? Les gars des immondices ?  

Pourquoi ne pas donner la priorité aux maîtres-nageurs ? Ils sont en première ligne puisque leur mission est de nous arracher aux nouvelles vagues et nous avertir de l’arrivée des prochains tsunamis (les précédents, on ne les a pas vus venir). 

Surtout, nous prévient-on, que ce vicieux virus n’arrête pas de muter. Quand il se met à s’exprimer en anglais, il est terrible sans doute parce qu’on ne comprend pas ce qu’il raconte. Et attention au redoutable brésilien, qui danse la samba dans nos pauvres organismes, défiant l’interdiction des carnavals. 

Depuis peu, on a trouvé une variante liégeoise qui ferait passer les boulets à la sauce chasseur pour un plat végétarien. Et certains évoquent à présent un variant molenbeekois très explosif. Malgré les protestations de la bourgmestre qui assure qu’il est devenu doux comme un mouton. 

Va-t-on nous expliquer bientôt qu’il nous faudra autant de vaccins qu’il y a de mutants ? Nous risquons d’avoir le bras plus troué que certaines stars de la pop disparues prématurément ! 

Cessons de pleurnicher ! disent certaines expertes. Après tout, les baby boomers que certains envient ont un long passé de tunnels et de crises successives depuis la fameuse crise pétrolière de 1973. Et cette errance dans l’obscurité a produit aux yeux des générations qui les ont suivis des mirages chatoyants et des inventions mirobolantes. Web, web, web, hourrah ! 

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