QU’ON LEUR COUPE LA TETE !

   La grève d’une partie du personnel pénitentiaire rappelle inopinément l’existence de ces institutions, qu’on préfère oublier dans l’ombre. Et le manque criant de moyens pour les entretenir, les faire fonctionner, leur donner une utilité sociale. 

A quoi sert la prison ? A mettre à l’abri de la société quelques créatures particulièrement malfaisantes. A répondre aussi à l’émotion de l’opinion publique qui ne supporte pas que des crimes spectaculaires ne soient pas réprimés et qui proteste déjà quand on libère au bout de quelques jours ou de quelques heures des voyous ou des chauffards agressifs. 

En revanche, ne pensez pas que la prison va transformer les détenus en citoyens. Oubliez tous les grands discours sur la « resocialisation » des détenus, c’est du vent. D’abord parce qu’on n’apprend pas les règles de la vie sociale à quelqu’un qui est enfermé pendant des mois, des années, entre quatre murs de bâtiments dont l’architecture est inspirée par les cachots des châteaux-forts du moyen âge – les vrais, les sinistres, pas ceux qu’on voit dans les aventures de Johan et Pirlouit.

Une société refermée sur elle-même où la seule règle de survie est la servilité à ceux qui ont le pouvoir. 

De toute façon, personne n’est chargé de remettre les détenus sur le chemin de la civilisation. Comme beaucoup en ont rêvé dans les années septante, notamment à travers plusieurs mouvements pour les détenus. Qui ont, il est vrai, débouché sur des améliorations de la législation, la reconnaissance de droits pour les prisonniers mais qui ne sont en pratique guère mis en œuvre. 

Que fait-on quand on est au violon ? Ni de la trompette ni du piston. Le boulot autorisé est rare, quelques ateliers. Les cours qu’on peut suivre derrière les barreaux sont largement insuffisants. Quel est le pourcentage de détenus qui réussissent, au prix d’un grand effort personnel, un examen depuis le fond de leurs geôles ? Combien d’entre eux sont prêts à reprendre (ou à prendre) le chemin d’une vie ordinaire au bout de leur peine ? Bonne chance pour trouver un job en traînant l’image d’une condamnation (devenue indélébile lorsqu’elle a été médiatisée sur internet). 

Les prisons belges sont surpeuplées, notamment parce qu’une partie de ceux qui s’y pressent n’ont rien à y faire. Parce que l’enfermement ne servira à rien, ni à eux, ni à la société. Par exemple, pourquoi mettre à l’ombre tous ces petits revendeurs de drogue qui n’auront d’autre ressources pour survivre, en quittant l’établissement pénitentiaire, que de se remettre au même boulot ?

Parfois, exceptionnellement, le juge se rend compte de l’inutilité de la prison. Il vient de le faire en ne condamnant qu’avec sursis le policier qui avait froidement abattu la fillette d’un couple d’immigrés clandestins et qui pourra tranquillement reprendre son job et son arme… 

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