BACK TO THE FUTURE

Donald Trump n’a plus le monopole des initiatives absurdes. A moins que ce ne soit une maladie contagieuse. Dans le genre, on relèvera la proposition des socialistes français et de Gabriel Attal, le chef du parti macroniste, de nommer général à titre posthume Alfred Dreyfus, sa carrière ayant été interrompue par l’abominable procédure qui l’a mené pendant quelques années à casser des cailloux à l’île du Diable.
Quand on n’a aucune maîtrise sur le présent, aucun projet pour faire évoluer la société française, réécrire le passé est une idée qui en vaut une autre.
Voici quelques suggestions de la même eau susceptibles de réparer d’autres bêtises historiques et, qui sait, remettre l’histoire sur la bonne voie.
Ainsi, le Parlement français pourrait revenir sur sa décision de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940 (à l’unanimité moins trois voix) et de confier rétroactivement la direction de l’état français au général de Gaulle. Ce renversement mérite d’être tenté pour vérifier si le reste de l’histoire en est automatiquement modifié. Ce qui ne surprendra pas les amateurs de la théorie quantique.
Dans la même veine, Philip Roth imaginait dans un de ses meilleurs romans, « Le complot contre l’Amérique » (Folio), qu’aux élections présidentielles de 1940, Roosevelt était battu par Charles Lindbergh. Entraînant le refus des Etats-Unis d’entrer en guerre contre l’Allemagne et des conséquences inquiétantes aussi pour la population juive de l’arrivée à la Maison Blanche d’un admirateur d’Hitler.
En 1908, notre Chambre des Représentants accepta (sans enthousiasme) le testament du roi Léopold II qui léguait l’état du Congo à la Belgique. Revenant sur ce vote, la Chambre pourrait refuser rétroactivement le legs. Effaçant de cette façon le Congo belge et toutes les conséquences de la colonisation. Faisant ainsi une belle application de la cancel culture. Ce qui permettrait notamment de faire cesser les accusations incessantes contre la Belgique désignée comme responsable de toutes les catastrophes actuelles qui se déroulent en R.D.C.
Dans ce petit jeu qui permet aux autorités d’aujourd’hui de remettre à plat les bêtises d’hier d’un trait de plume, on peut aussi compter sur la Douma, prête à désigner Vladimir Poutine comme secrétaire général du parti communiste dès avril 1922, effaçant Staline comme celui-ci a effacé la plupart des Bolchéviques qui entouraient Lénine.
Grâce à cet audacieux raccourci, Poutine n’aura pas besoin d’attendre inutilement la chute de l’URSS pour envahir ses voisins, tuer les meilleurs de sa population et chasser les autres.
Dans ce cas-ci, on doit reconnaître l’échec de la politique de Back to the Future pour nettoyer le passé. Mis à part la moustache, rien ou si peu permet de distinguer Staline et Poutine…

www.berenboom.com

C’EST PAR OU LA SORTIE ? 

Deux déclarations m’ont frappé la semaine dernière. Celles des premiers ministres belge et français. Pour Alexandre De Croo, il faut faire « une pause » dans l’élaboration de nouvelles réglementations environnementales. Pour Elisabeth Borne, le Rassemblement national est « l’héritier de Pétain ». Quoi de commun entre ces deux interventions ?

De Croo croit apaiser les citoyens inquiets de l’arrivée de nouvelles réglementations nécessaires pour combattre la disparition des espèces en disant : « Dormez en paix pendant que je m’occupe tout seul de sauver les abeilles sans qu’elles ne vous piquent ». Tandis que la première ministre française prend le taureau par les cornes en dénonçant les discours réducteurs et mensongers de son opposition d’extrême droite. Dans un cas, on délivre un message simpliste, on fait semblant que l’on peut faire une pause en matière d’environnement, arrêter le temps et fermer les yeux. Dans l’autre, on se bat précisément contre les discours de l’extrême droite qui ramassent les votes des citoyens inquiets de la complexité des défis à réaliser et qui tremblent devant la perspective de réformes. 

Certes, on peut discuter de l’efficacité d’assimiler Marine Le Pen à Pétain. Il n’y a pas que la moustache qui sépare le maréchal sénile de la femme à poigne. Les différences entre les deux ne sont pas seulement physiques. Quatre-vingts ans les séparent. Un siècle, un autre monde, d’autres défis. Il y a quelques années, des opposants au Vlaams Belang avaient affiché pendant la campagne électorale des photos de Hitler rappelant le régime nazi sans que cela ait eu beaucoup d’effet sur les électeurs de la métropole. Qui n’ont pas voulu comprendre la parenté entre le parti flamand et le modèle national-socialiste. 

Peut-être Madame Borne a-t-elle commis la même maladresse mais elle assume et combat. Et elle a bien du mérite dans une époque et une Europe plongées dans la peur du futur, la perplexité et le repli.

En attendant les élections européennes, dont les résultats paraissent déjà menaçants, les élections récentes en Turquie et en Espagne (qui ont vu le succès d’un parti issu du franquisme), après les votes en Italie (qui ont porté au pouvoir des descendants néo-mussoliniens) ou en Scandinavie (où les gouvernements ne se maintiennent qu’avec l’appui de formations d’extrême droite), tout cela fait froid dans le dos, ce qui ne suffit pas à lutter contre le réchauffement climatique…

A force de se jeter en pleine conscience dans les bras d’ennemis de la démocratie pendant que la planète bleue commence à tourner à l’orange, on risque de réaliser cette réflexion d’Oscar Wilde : la démocratie, c’est l’oppression du peuple par le peuple pour le peuple. 

www.berenboom.com