TARTINE ET BOTERHAM

   Pourquoi diable Jambon a-t-il voulu un si épais programme, trois cents pages, pour expliquer la matrice de son premier gouvernement ? Il y a vraiment beaucoup, beaucoup de gras dans ce fouillis. Alors que le génial écrivain Tom Lanoye (dans « Troisièmes noces») a réussi à résumer en deux phrases seulement ce que souhaite vraiment le trio qui a signé ce pensum: « Je ne connais pas de symbole plus consternant de notre époque. Des centaines de milliers de gens qui restent à la maison, les rideaux baissés, accrochés à leur boîte à images, crevant de trouille du monde extérieur ».

Un espace dans lequel les gens se tiennent cois, se regardant et se surveillant les uns les autres pour éviter qu’une goutte de sang impur abreuve leurs sillons. Voilà le rêve des trois co-auteurs. La politique de la citadelle assiégée alors que la Flandre a longtemps donné l’image d’une région ouverte sur le monde. 

Et on s’étonne qu’un autre géant des lettres néerlandophones, Hugo Claus, a écrit : « La politique signifie soit aller s’asseoir à la Chambre et patauger dans le marais que l’on connaît, soit préparer un coup d’État » ?

Soi dit au passage, l’idée d’imposer aux Flamands l’obligation de se plonger dans la culture de leur communauté est moins choquante que certains ne l’ont dit. A condition évidemment qu’on leur serve ce genre de « canons » (c’est le terme très chrétien utilisé curieusement pour faire aimer la culture de leur région aux électeurs du Nord). Cependant, avec la N-VA aux affaires, on peut craindre que l’on célèbre plutôt Cyril Verschaeve (écrivain célèbre pour avoir cédé aux canons allemands pendant la guerre) plutôt que Lanoye ou Claus. Verschaeve dont un élu du V.B. (auquel la N-VA tente à tout prix de coller) a demandé récemment de ramener la dépouille en Belgique (condamné à mort, il est mort en Autriche).

Dans la foulée de ces bonnes intentions, on ne doit pas s’étonner que le programme annonce aussi la fin du vote obligatoire aux communales et provinciales. Pourquoi ne pas avoir tout simplement supprimé les élections ? Car il faudra bien plus que cinq ans pour mettre en œuvre un projet aussi volumineux. Et c’est après seulement que les citoyens pourront juger le gouvernement Jambon I. Sur pièces, comme on dit chez le boucher.

Quand on va voter, on se sent important, quoi qu’on en dise. Alors, expliquez-moi pourquoi le Flamand serait moins important qu’un Wallon ou un Bruxellois..      

Mais, méfiez-vous Jambon et consorts : « On sait très bien, très bien, quand ça commence/
Mais on oublie comment ça peut finir ! » comme le chante Rocco Granata dans  « Marina », la chanson flamande la plus célèbre du monde.
Problème : notre Flamand chante en italien.

Parions que si Rocco débarquait  aujourd’hui à Waterschei, il serait arrêté à la frontière et renvoyé, lui et son accordéon, en Calabre…

www.berenboom.com

CINEMA BELGE

Existe-t-il encore un cinéma belge ? Les Palmes d’or des frères Dardenne ont imposé au monde entier le cinéma wallon. Et le succès hollywoodien de Rundskop et de Loft consacré le cinéma flamand, des productions qui font courir les foules dans le nord du pays. Jan Verheyen et Erik Van Looy y sont des stars aussi célèbres que Spielberg tout en restant de parfaits inconnus à Bruxelles et à Liège.

La littérature subit le même sort. Qui connait au sud les romans flamands depuis « Le Chagrin des Belges » (le bien nommé) d’Hugo Claus (publié il y a plus de trente ans) et au nord les écrivains du sud depuis « Une paix royale » de Pierre Mertens ? Or, dans leur région, beaucoup d’écrivains sont en tête des hit-parades.

La Belgique a commencé de pourrir par la tête. Par sa culture. Magritte, Hergé ou Brel sont les derniers artistes « nationaux ». Ils sont morts depuis longtemps. Depuis, il faut être flamand ou francophone (sinon wallon).

On croyait le mouvement irréversible. C’était mal connaître l’activisme de notre gouvernement qui a compris que la seule façon de survivre aux prochaines élections était de renverser la vapeur. Les Diables rouges ont fait chanter à des foules immenses la Brabançonne dans les deux langues et ressortir ce drapeau tricolore que l’on croyait définitivement mangé des mites (et des mythes). Stromae qui peut se proclamer (comme moi) Belge de souche, n’ayant d’origine ni au nord ni au sud du pays a remis une couche de noir, jaune, rouge. Et voilà que nos services de police ont parachevé le travail. Et rétabli l’honneur du cinéma national.

Rappelons l’histoire, manifestement inspirée à nos Dupond-Dupont par le film Argo (dont le scénario racontait une histoire véridique, le sauvetage de diplomates américains en Iran au moment de la prise d’otages de l’ambassade des USA à Téhéran).

Deux pirates somaliens ont été capturés à leur arrivée à Zaventem, attirés en Belgique par la perspective de signer un contrat avec des cinéastes belges (belges, je le souligne) qui leur avaient fait miroiter une participation à un film dans lequel ils se proposaient de reconstituer leurs exploits. Les cinéastes étaient des policiers déguisés et le script, un piège.

Tenant compte des moyens dont disposent nos productions, on comprend que les Somaliens se sont laissés convaincre que la scène d’arraisonnement d’un bateau belge dans les eaux somaliennes ne pouvait être reconstitué que sur le canal de Willebroek, avec leur aide comme consultants.

Les Somaliens sont en prison et les flics-cinéastes font la fête. Reste un immense regret. Ce qui aurait pu contribuer à remettre en selle la culture belge est resté dans les cartons. Le seul film belge du XXI ème siècle n’était qu’une illusion, un leurre.

 

www.berenboom.com