RUINES FLAMBANT NEUVES

Ah ! Les Grecs…

L’Europe leur apporte  237 milliards d’euros et, en guise de remerciement,  ils mettent le feu à leur capitale. On se dit, quelle ingratitude ! Pas du tout ! Vous n’avez rien compris !

Le feu, c’est une façon de montrer aux Allemands et aux autres qu’après un moment de spleen bien compréhensible, les Grecs se sont remis au travail.

Les manifestations violentes,  un signe de redémarrage de l’économie ?

Mais oui ! De quoi vit la Grèce, pensez-vous ?

De son église ? Elle ne rapporte rien et refuse obstinément de payer même le denier des pauvres.

De ses militaires ? Ils coûtent les yeux de la tête (plus de 3 % du PIB et le plus important effectif de tous les pays membres de l’OTAN) mais pas question d’y toucher car ils défendent le territoire contre les risques d’une invasion turque sans doute imminente puisque la dernière guerre entre les deux pays remonte à 1922.

De ses armateurs ? Ils ont transféré depuis longtemps leur flotte sous pavillon libérien ou panaméen et leurs économies dans une bonne banque suisse.

Non, les Grecs ne doivent compter ni sur le sabre, ni sur la mer, ni sur le goupillon.             Depuis des siècles, les Grecs ne vivent que de leurs ruines.

Or, celles que l’on connaît datent de plusieurs siècles avant notre ère. Elles sont vieilles, poussiéreuses et en très mauvais état. Et surtout, tout le monde les a déjà visitées. Alors, pour redresser le tourisme, les Grecs ont eu la bonne idée de fabriquer de nouvelles ruines, flambant neuves ! Et bien plus intéressantes que les anciennes pour les nouvelles générations.

Nous savons tous quels efforts il faut faire pour convaincre nos enfants de nous accompagner dans la visite de l’Acropole, d’un amphithéâtre ou des restes d’un cirque à Athènes ou à Epidaure – et la concurrence est rude pour les Hellènes face aux Siciliens, Chypriotes ou Turcs qui prétendent avoir conservé les plus beaux. Les enfants tirent la tête. Ils ne fréquentent ni l’église, ni le théâtre, ni le cirque en Belgique même quand la salle est chauffée. Alors, pourquoi s’aventureraient-ils au milieu de morceaux disparates de temples de religions disparues, de théâtres antiques qui n’ont même plus de rideaux ni de buvettes et de cirques sans clowns ?

D’où l’idée ingénieuse de proposer aux jeunes visiteurs des ruines d’aujourd’hui, des vestiges du vingt et unième siècle, des restes à moitié calcinés de banques, de Mac Donald ou de magasins de téléphones.

Saluons ces efforts remarquables et, au lieu une nouvelle fois de maudire les Grecs, aidons-les à démolir ce qui reste de leur capitale. La FN qui a perdu son meilleur client, le regretté M. Kadhafi, pourrait trouver là un nouveau marché pour ses pétards invendus.

 

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ANNUS MIRABILIS

On ne l’entend jamais quand ça va mal. Mais, dès que reviennent les hirondelles, le président de l’Europe montre le bout de son nez.

Faut croire que le printemps n’est pas loin puisque notre ex-furtif premier ministre sort de son long silence pour annoncer, devant les parlementaires européens ébahis, que 2011 était une « annus mirabilis ». Pour ceux qui en ont avalé leur latin, l’annus en question désigne l’année et mirabilis veut dire « miraculeuse » et non misérable comme l’aurait cru le vulgum pecus.

Des millions de travailleurs en Europe sans emploi et pour une partie d’entre eux sans aides publiques, l’effondrement de l’euro, auxquels s’ajoute une abominable contagion de tueurs en série de Liège à Oslo, voilà ce que M. Van Rompuy qualifie d’événements miraculeux ?

Dans plusieurs religions, il est vrai, le déclenchement de cataclysmes annonce la fin du monde. Une fin catastrophique pour les uns, heureuse pour les autres, comme dans la religion juive où l’apocalypse précède l’arrivée du messie, censé apporter la paix sur terre.

Est-ce à cette prophétie qu’a faite allusion Zen Herman à Strasbourg ? La connaissance de la mystique juive ne faisait pas jusqu’ici partie des innombrables lumières du plus haïku des hommes politiques.

Alors, de quel miracle parlait-il ?

De l’arrivée de la démocratie « à l’occidentale » dans des pays jusqu’ici connus pour leur système musclé ? Comme la Russie ou le Congo. Mais, les élections récentes de Kabila et des copains de Poutine ressemblent plutôt à un cauchemar qu’aux promesses de liberté que les Européens ont vendu aux citoyens russes et congolais comme le remède à tous leurs maux. Et les premières élections des ex-dictatures arabes exhalent elles aussi un parfum inquiétant.

Faut-il penser que notre Herman chéri est resté trop longtemps dans le bunker où, depuis son élection, Sarkozy et Merkel l’avaient enfermé, ligoté et bâillonné ? Ou a-t-il passé son temps à fumer la carpette de son abri ce qui explique pourquoi, depuis le nuage sur lequel il est perché, il ne voit que du rose : son salaire mensuel, sa réélection qui se profile sans souci dans l’annus qui vient, la fin très provisoire des nuits de négociation fédérale en Belgique, la montée irrésistible dans les sondages de la N-VA, la traversée du désert de Michel Daerden (ou Daerden au pays de la soif), le succès de Tintin au cinéma, l’autorisation donnée par le gouvernement au prince Laurent de voyager dans le sultanat d’Oman, tous événements que l’on peut en effet qualifier de miraculeux.

Où l’ont voit qu’on a eu tort de laisser ce docteur-miracle quitter notre pays où il aurait dirigé un gouvernement de bonnes nouvelles au lieu d’un premier ministre qui ne nous promet que du sang et des larmes.

 

 

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MAUVAISE GRECE

Un amphithéâtre qui contemple une tragédie. La Grèce coule à pic dans le bleu intense de la Méditerranée. C’est notre maison, notre famille, à nous Européens. Pas de démocratie sans Périclès. Grâce à lui, eurêka ! On a pu élire Bart De Wever, Charles Michel ou Michel Daerden ! Et proclamer que le peuple a toujours raison ! Une idée née au cinquième siècle avant J.C. et qui percute le XXIème siècle ! Encore plus fort que l’effet papillon !
Et comment oublier que la philosophie de ce côté-ci de la planète est née des penseurs grecs, l’écriture de ses écrivains et poètes. Et les mathématiques et l’astronomie ?
Quelles que soient les causes de ses déboires, nous avons une dette immense à l’égard de la Grèce. Or, les dirigeants européens et particulièrement les autorités de l’Union donnent une fois encore l’impression en pleine crise de déserter en rase campagne. Aussi, permettez-moi de formuler quelques suggestions.
D’abord, déclarons le droit d’auteur des créateurs grecs illimité dans le temps. Permettant aux descendants de Platon, Sophocle, Homère, Euripide et autres Héraclite de percevoir immédiatement (et même rétroactivement) des droits sur tous ceux qui ont pillé impunément leurs œuvres depuis une vingtaine de siècles. Ajoutons-y des royalties à charge des producteurs de péplums italiens, hollywoodiens ou même japonais qui depuis les débuts du cinéma n’ont pas cessé de décliner l’Iliade, l’Odyssée et toutes les autres magnifiques légendes des conteurs grecs. Allez, à la caisse !
Quant aux statues ou autres sculptures et merveilles taillées jadis dans la pierre et qui ont été emportées par les Anglais, les Français ou les Allemands et que leurs musées refusent de restituer, qu’elle soient soumises à un loyer payé à l’état grec. Messieurs les Anglais, payez les premiers  si vous voulez conserver les fresques du Parthénon.
Et si tout ça ne suffit pas à regonfler les bourses grecques, reste alors à l’Europe de donner un coup de main. Un peu d’imagination que diable ! Tenez, on pourrait par exemple décider d’un troisième siège du Parlement européen à Athènes. Quel symbole ! Et pourquoi pas ? Les parlementaires se promènent déjà de Bruxelles à Strasbourg en passant de temps en temps par Luxembourg. Ce n’est pas une implantation supplémentaire qui dérangerait ces messieurs-dames ? On en profiterait pour construire un somptueux bâtiment où les architectes contemporains se mesureraient aux génies de jadis. Et une ligne de chemin de fer à grande vitesse pour relier toutes ces capitales. Relançant ainsi par de grands travaux, l’économie du pays. Soyons sûrs que les parlementaires européens iront avec plaisir se faire voir chez les Grecs !
Réveillez-vous, Mr Van Rompuy !

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28 FEVRIER 1986, 23 h. 21

Le 28 février 1986, à 23 h. 21, le premier ministre suédois, Olof Palme a été abattu au coin de Sveavägen et de Tunnellgatan à Stockholm. Au bout de la rue, il y a une butte au sommet de laquelle on accède par deux escaliers. C’est par là que s’est enfui l’assassin. On ne l’a jamais retrouvé. Le crime impuni laissera autant de cicatrices, d’interrogations, de doutes dans la société suédoise que celui des tueurs du Brabant wallon chez nous. L’homme arrêté par la police et qui a toujours nié sa participation sera acquitté. Comme « notre » bande « des Borains » après un procès d’assises mort-né. Et, comme pour les tueurs du Brabant wallon, on soupçonne l’extrême droite d’être liée au meurtre de Palme.
Dans son dernier (et excellent) roman, Les Chiens enterrés ne meurent pas (édition Gaïa), Gunnar Staalesen écrit qu’il y a une Suède d’avant et d’après le 28 février 1986. Le changement a été aussi radical que celui provoqué par la mort de Kennedy (avec lequel on a parfois comparé Palme, chantre de la paix, incarnation de la social-démocrate scandinave idéale).
La vitrine de la social-démocratie s’est fissurée, le rêve a laissé place à quelques cauchemars. Comme à peu près pour tous les autres partis socialistes d’Europe. Et en Scandinavie, on entend d’inquiétants accents néo-nazis (on a oublié un peu vite l’importance en Norvège et en Suède de la collaboration de certaines « élites » avec le Reich pendant la seconde guerre mondiale). Pour la première fois depuis la fin de la guerre, des mouvements d’extrême droite se réinstallent sans honte dans le paysage politique (s’il faut croire des romanciers comme Stig Larsson ou H. Mankell, même si ces beaux pays comptent par ailleurs tant de gens civilisé et délicieux).
Dans une partie de l’Europe, on l’appelle pudiquement la droite extrême quand elle sert de marche pied pour un parti traditionnel en quête de majorité et de pouvoir comme en Italie, au Danemark, aux Pays-Bas ou encore en Autriche, pour parler de nos extrêmes voisins. Il faut laisser aux partis démocratiques flamands d’avoir réussi à écarter le Vlaams Blok-Belang des gouvernements malgré la pression des électeurs depuis près de vingt ans.
Avec les nouvelles élections qui se profilent en Hollande, on peut craindre que nos voisins, qui ont incarné, comme les Suédois, l’image de la tolérance, de la démocratie et de la solidarité jadis, plébiscitent Geert Wilders et son parti de la Liberté (ah ! ah ! ah !), qui ont récupéré les restes du parti du cynique Pim Fortuyn et lui permettent de se retrouver en position de faiseur de roi – et de reine.
De Palme à Wilders ou une certaine façon de suivre l’évolution de l’histoire de l’Europe, si on n’y prend garde…

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