CHEF, UN P’TIT VERRE, ON A SOIF !

  A l’approche des élections, Bart De Wever oublie enfin les affaires angoissantes du moment pour se détendre un peu avec son joujou préféré, le Lego institutionnel. 

Avec d’abord un jeu de cartes. Chaque électeur flamand disposera de deux bulletins pour élire les parlementaires flamands. Une pour choisir un député de son patelin, l’autre pour élire un castar sur une liste de « grands noms » qui représentera toute la région flamande. 

Mais qui choisira la liste des « grands noms » ? Une main innocente (genre Miss Limburg) par tirage au sort ? Le résultat d’un jeu télévisé ? Ou est-ce Bart De Wever lui-même qui désignera ces bekende Vlamingen ? Dans ce cas, sachant que le maître d’Anvers considère qu’il y a peu de collègues aussi fûtés et intelligents que lui, la liste des « grands noms » soumise aux électeurs risque d’être assez courte :  ils pourront choisir entre Bart et De Wever…

On suppose que ces super-députés auront le pouvoir de voter enfin des lois intelligentes. 

Il serait temps. Quand on voit la politique de la secrétaire d’état à l’Asile qui n’a rien trouvé de mieux pour se débarrasser des migrants, souvent venus en bateau au risque de leur vie, que de les enfermer sur un ponton flottant… 

Autre proposition du maître de la N-VA, supprimer l’élection des membres de la Chambre, qui serait composée désormais de parlementaires régionaux. A quoi bon en effet un parlement fédéral ? Dans son projet, l’état central n’aurait plus de compétences, sauf celles dont la région flamande ne veut pas. Par exemple, empêcher les trafiquants de drogue de passer par le port d’Anvers et se mitrailler entre eux dans les rues de la métropole. 

Autre idée, Bart De Wever suggère d’ouvrir un droit d’appel contre les arrêts de la cour constitutionnelle devant le parlement. 

Il a raison de déplorer la jurisprudence erratique de notre cour constitutionnelle, de ses décisions parfois contestables, contradictoires voire incompréhensibles. Mais elle est le résultat de sa composition absurde, formée pour partie de politiciens généralement en fin de carrière recasés par leurs partis plutôt que de juristes éminents. C’est ce qui explique ces gribouillages plus politiques que juridiques.  

Ce sont donc les politiciens qu’il faut éliminer de la cour au lieu de proposer que les décisions de la cour soient revues et corrigées par d’autres politiciens. 

Dire qu’un projet identique jette depuis des semaines des dizaines de milliers d’Israéliens dans les rues contre le gouvernement de droite-droite-droite en l’accusant de bafouer l’une des règles de base de la démocratie, la séparation des pouvoirs. 

On savait le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou copain avec Poutine. Le voilà donc aussi inspirateur de Bart De Wever… 

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UN MOMENT D’EGAREMENT

   On pense à tort que les cours suprêmes (nos cours constitutionnelle et de cassation par exemple) sont des tours d’ivoire occupées par des êtres sans émotion qui ne connaissent du droit que des règles abstraites, des juges distants qui appliquent la loi sans mettre la main dans le cambouis, sans avoir égard aux faits, au contenu des affaires qui leur sont soumises, aux parties en litige. 

 Pourtant, les grands arrêts de la cour suprême des Etats-Unis illustrent depuis longtemps le rôle politique de l’élite des juges. On leur doit la libéralisation de l’avortement ou la lutte contre la ségrégation raciale. Et l’on comprend l’inquiétude de beaucoup d’Américains après les nominations faites par le président Trump qui pourraient entraîner de dramatiques revirements de jurisprudence. 

  Chez nous aussi, sous couvert d’objectivité ou de formalisme, nos cours suprêmes sont intervenues dans des débats qu’on croyait réservés aux tribunaux ordinaires ou aux instances politiques. Rappelons-nous de l’«arrêt spaghetti » rendu par notre cour de cassation (le dessaisissement du juge d’instruction de l’affaire Dutroux). Ainsi que d’arrêts où la cour constitutionnelle a jeté aux orties des lois votées par le parlement sous le prétexte passe-partout qu’elles n’étaient pas en phase avec son interprétation parfois très personnelle de la convention des droits de l’homme. 

La Cour de cassation française vient de démontrer aussi, dans l’affaire Sarah Halimi, que le caractère soi-disant formaliste et abstrait de ses arrêts est un leurre en consacrant l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Madame Halimi. Irresponsable parce qu’il avait consommé du cannabis alors que, dans un arrêt précédent, elle avait affirmé au contraire que la consommation de drogue était une circonstance aggravante du crime et non une cause d’abolition du discernement.  

On voit que les cours suprêmes zigzaguent, se contredisent, selon les affaires qui lui sont soumises. Donnant la fâcheuse impression de jouer à pile ou face selon les parties en cause. Ce qui explique que certains soupçonnent des relents d’antisémitisme des hauts magistrats français dans l’affaire Halimi.

Selon les cas, s’il faut suivre la cour de cassation de France, un moment d’égarement provoquera une tempête ou sera considéré comme un détail sans importance.  

Un tweet raciste ? Une main baladeuse ? Dira-t-on que l’homme avait un instant perdu son discernement ? 

Dans le même ordre d’idées, Charles Michel s’emparant de la seule chaise disponible à côté du grand mufti Erdogan pendant qu’Ursula von der Leyen se débrouillait avec le sofa ? Ce moment d’égarement du président, détail ou scandale ? 

On a le sentiment que ces temps-ci, certaines juridictions ont la tentation de céder elles aussi à des moments d’égarement…

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