SANS SANGLOTS LONGS

Ne me regardez pas comme ça quand je vous dis que j’aime l’automne plus que tout, que c’est ma saison préférée. Chacun ses goûts, ses raisons. La N-VA préfère l’hiver : la glace fige chacun chez soi. Les socialistes, le printemps. Avec la sève qui monte, les jeunes descendent volontiers dans la rue. Tandis que les écolos attendent impatiemment l’été, où les activités polluantes tournent au ralenti – et la politique aussi.

De temps en temps, il est sain de remettre en cause ses certitudes. Un peu d’oxygène, que diable, si l’on veut changer le monde ! C’est l’occasion puisque son vent purificateur fait de l’automne la plus belle saison. « Vive la brise, enfin, d’automne/ Après tous ces simouns d’enfer/ la bonne brise qui nous donne/
Ce sain premier frisson d’hiver ! » (Verlaine) 

Que les écolos oublient l’août en se rappelant que l’automne, c’est la saison des « fruits tombant sans qu’on les cueille » (Apollinaire). Pour convaincre les socialistes de choisir novembre au lieu de mai, on citera Aragon : « Automne automne long automne/Comme le cri du vitrier/De rue en rue et je chantonne. »

Pas mal, non ?, pour pousser les camarades à arpenter les pavés en décembre.

Et aux autres, toujours réticents dès les premiers frimas, grognons devant la nuit qui tombe avant même que le soleil ne soit levé, on leur murmurera du Charles Cros : « Que me fait le soir triste et rouge/
Quand sa lèvre boudeuse bouge ? »

Et les libéraux ? Seule ombre au tableau, l’automne n’est pas le mois des libéraux. Le ciel est rouge. Un coup des socialistes. Les feuilles sont jaunes et noires, encore du grain à moudre pour les nationalistes flamands. Au début du mois, les monstres étaient à la fête, ce qui rappelait que le Vlaams Belang bouge toujours. Mais, pas une touche de bleu. Pourtant, les libéraux auraient tort de se plaindre. Ils devraient profiter des derniers moments qui précèdent l’hiver. Ils croient avoir connu le pire ? Hélas ! Qu’ils relisent Baudelaire : « Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,/
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,/
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,/
Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé. »

Accroche-toi, Charles Michel, ou tu regretteras toi aussi l’automne !

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PS : histoire de briller en société, l’automne a aussi inspiré quelques beaux romans. Dont le superbe recueil de trois longues nouvelles de Jim Harrison « Légendes d’automne », drôles, poignantes. « L’automne du Patriarche », de Gabriel Garcia Marquez à offrir pour Saint Nicolas à tous ceux (et toutes celles) qui s’accrochent au pouvoir, « Crépuscule d’automne » de J. Cortazar, son ouvrage-somme, sans oublier « L’automne à Pékin », le plus poétique (et magnifique) des romans de Boris Vian.