MENSONGES, ETC

chronique
Mark Twain observait qu’il y a les mensonges, les foutus mensonges et les statistiques. Une remarque qui n’a rien perdu de son actualité avec la multiplication des sondages. J’adore les sondeurs commenter leurs enquêtes. Leurs résultats sont parfaitement fiables pourvu qu’on oublie les réserves. D’abord « la marge d’erreur » : 5% en plus et en moins. Avec cette précaution, faut-il perdre son temps à interroger 850 personnes ? Il suffit d’ingurgiter trois gueuzes « Mort subite » et d’inscrire les scores sur les ronds de bière.
L’encre de leur chèque à peine sèche, les sondeurs précisent aussi que leur enquête est déjà périmée : elle n’est qu’une « photographie de l’opinion » à un moment donné (le moment qui précède la remise du chèque). Pourtant, de ces sondages aussi frais qu’un yaourt abandonné dans un frigo par un navigateur solitaire avant son départ, tout le monde va faire ses choux gras. En oubliant la fameuse marge d’erreur, la photo à un moment donné, etc.
Dernière victime connue, ce pauvre monsieur Bayrou. Drogué par les sondages, il s’y voyait déjà : deuxième tour en douceur et hop, L’Elysée ! Patatras ! Que lui reste-t-il maintenant ? Ségolène, plus gentille qu’on ne le dit, lui a offert un faux débat de deuxième tour pour prolonger ses illusions. Il paraissait si heureux ! On aurait dit Charles-Quint assistant à la répétition de ses funérailles.
Alors que la majorité de ses électeurs vont voter Ségolène qu’il avait tant critiquée et que ses députés sont allés cirer les pompes de Sarkozy, qu’il avait tant vilipendé, Bayrou reste là, tout seul, avec son ni-ni à la main, à attendre dans cinq ans le retour des sondages.
Imaginez que dimanche, Sarko soit battu, que répondra le patron de l’institut machin, en essayant de ne pas prendre la main du président de l’UMP dans la figure ? « Ah ! mon pauvre monsieur, à deux jours près, vous étiez président. » « Deux jours ? » « Je vous avais averti (regardez là en petits caractères sur nos conditions de vente) : notre enquête n’est qu’une photo , etc.. » Vous auriez dû avancer les élections ou remplacer le vote par le sondage – tout le monde vous aurait été reconnaissant.
Le sondage du Soir publié au début de la semaine a provoqué beaucoup d’émotion. Seul Guy Verhofstadt ne s’en fait pas. 17% aujourd’hui, avec une marge d’erreur de 10 %, pas de problème pour lui : il est déjà en tête ou presque. On comprend les hésitations de M. Leterme à revendiquer le poste de premier ministre. Quant aux socialistes, c’est l’heureuse surprise. Les voilà toujours le plus grand parti francophone. Même que Van Cauwenberghe a promis à di Rupo de sortir encore quelques petites choses de son placard puisque les sondés wallons ont l’air d’aimer ça.

Alain Berenboom
www.berenboom.com